La démocratie est le régime politique dans lequel toute loi, c’est-à-dire toute contrainte imposée aux membres de la société, procède de la délibération collective à laquelle tous participent. Il faut donc à la démocratie que chaque membre de la société participe à ces discussions : de ce fait, les institutions dont l’accès nécessite une initiation qui distingue les candidats des autres membres de la société ne peuvent pas être considérées comme des institutions publiques : la révolution les a déclarées privées, afin que leurs décisions ne soient jamais imposées à ceux qui n’ont pas été initiés : l’élite, qui est la négation de la laïcité, est essentiellement contraire à la démocratie.
La laïcité est justement la qualité des institutions dont l’accès est ouvert aux membres du peuple sans leur imposer une discipline initiatique. Pour réaliser la laïcité, il faut que tous les membres de la société qui approchent de la situation, et notamment de l’âge, de participer à la délibération collective, apprennent tous les procédés de raisonnement et de calcul nécessaires à cette participation.
Conscients de cette nécessité, les révolutionnaires avaient repris les travaux effectués pendant le siècle précédent tant sur l’éducation des enfants que sur les moyens de mesure et de calcul nécessaires à la vie de la société.
S’agissant de l’éducation, ils ont été conduits à concevoir que l’école de la nouvelle société devait être ouverte à chaque enfant, et regrouper des enseignements leur permettant, lorsqu’ils seraient devenus adultes, d’intervenir partout dans la société.
S’agissant d’apprendre à compter, il pensaient à l’évidence que l’unification de tous les systèmes de numération en usage, c’est-à-dire leur remplacement par le système décimal, alors jugé le plus universellement pratique, simplifierait singulièrement la tâche des éducateurs.
C’est ainsi que les assemblées légiférantes de la Révolution ont mis en chantier puis adopté le système décimal des poids et mesures aussi appelé système métrique, et dont les développements ultérieurs ont donné l’actuel Système International des poids et mesures. L’adoption du calendrier républicain a été faite dans ce même esprit. Pourquoi les révolutionnaires se seraient-ils arrêtés devant le décompte du temps qui passe ?
Ils s’y sont intéressés aussi : ils ont défini une heure décimale en divisant chaque journée en dix périodes égales elles-mêmes divisées en dixièmes, centièmes, millièmes etc..., selon le système des sous-multiples décimaux.
La correspondance entre heure décimale et heure sexagésimale s’établit alors de la façon suivante :
— 1 heure décimale dure 2 heures et 24 minutes sexagésimales,
— 1 dixième d’heure décimale dure 14 minutes et 24 secondes,
— 1 centième d’heure décimale dure 1 minute et 26,10 secondes,
— 1 millième d’heure décimale dure 8,261 secondes,
— 1 dix-millième d’heure décimale dure 0,8261 secondes.
Inversement,
— 1 heure sexagésimale dure 0,41666667 heure décimale,
— 1 minute sexagésimale dure 0,00694444 heure décimale,
— 1 seconde sexagésimale dure 0,00011574 heure décimale.
Pour calculer ce tableau, les résultats des divisions ont été arrondis selon la règle enseignée à l’école communale de la République.
Tout cela fut fait avec grand sérieux, et des horlogers ont fabriqué des montres et des pendules selon ce système.
Adopter l’heure décimale poserait la question de maintenir en usage les mots de minute et de seconde : il semble judicieux de nommer seconde la dix-millième partie de l’heure décimale, dont la durée ne diffère de celle de la seconde sexagésimale que de quinze pour mille ; il serait alors commode de nommer minute décimale le centième de l’heure décimale.
Bien sûr, personne n’envisage cette éventualité aujourd’hui : il faudrait alors modifier en conséquence les unités de mesure de toutes les grandeurs physiques dont le temps est une dimension : la fréquence, la vitesse, l’accélération, la force (les poids), tous les champs de force, etc... !
... Mais après tout, serait-ce si difficile ? Et n’a-t-on pas perdu davantage de temps, d’énergie et de matière, après 1 945 et depuis, à remettre en usage des unités de mesure désuètes, carrément périmées, dans le fonctionnement d’une industrie comme le transport aérien, qui devrait au contraire, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité de long terme, coller à la science ?