Ami de l’égalité

Que (devons-nous) faire ?

lettre sur le communisme

lundi 6 octobre 2008, par Jean-Pierre Combe

- Je l’ai dit dans les lettres précédentes : la division du travail en France n’a pas essentiellement changé.

  • Les ressources naturelles sont toujours sous le strict contrôle de la bourgeoisie capitaliste, les moyens de produire et d’échanger lui appartiennent toujours, et elle continue d’exploiter le travail des ouvrières et des ouvriers de toutes catégories, parce qu’ils ne possèdent aucun moyen de produire ou d’échanger, ou parce que la part qu’ils en possèdent est insuffisante pour qu’ils puissent en vivre.
  • Les seules modifications opérées par la bourgeoisie dans la société française sont importantes, mais accessoires : elle a massivement exporté le travail qui se faisait autrefois en France, et massivement importé de la main-d’œuvre étrangère de la plus faible qualification possible.
  • La situation matérielle faite aux travailleuses et travailleurs de toutes catégories s’est beaucoup aggravée dans la dernière période, comme conséquence de l’exportation du travail et de l’importation de la main-d’œuvre, mais l’affaiblissement de la revendication salariale des travailleurs et la quasi disparition de leur revendication politique ont beaucoup contribué à cette aggravation et au désespoir qui en résulte.

- Telle est la situation dans laquelle nous, les communistes, devons relancer notre activité. Elle nous impose notre objectif d’ensemble et de long terme dans les luttes de classes :

  • faire en sorte que la revendication économique immédiate des travailleuses et des travailleurs exploités redevienne une revendication collective de classe et se porte à un niveau correspondant à la misère qu’ils subissent, quelle que soit la catégorie dans laquelle le gouvernement capitaliste les a rangés.

- Elle nous impose aussi de prendre dans ces luttes, la seule place qui est la nôtre, parmi les membres des catégories de travailleurs et autres victimes de l’exploitation qui entrent en lutte : les communistes ne peuvent pas agir autrement qu’en qualité de membres des catégories en lutte.
- L’expérience de la mutation du PCF nous le montre et nous le démontre : un parti communiste cesse d’être communiste lorsque ses membres ouvrières et ouvriers le quittent. Lorsqu’un parti ne compte plus d’ouvriers dans ses directions, il ne peut plus s’adresser aux travailleurs que de l’extérieur de la classe ouvrière, et pour cette raison, les ouvriers sont fondés à douter du sens concret de ses discours, à douter de son engagement pour les intérêts ouvriers dans les luttes de classes : ce parti cesse de pouvoir mobiliser pour la lutte !
- Notre premier problème concret est donc de rencontrer des travailleuses et des travailleurs de toutes les catégories, depuis les techniciens et ouvriers salariés de haute qualification jusqu’aux OS, aux précaires, aux chômeurs, aux titulaires de revenus de substitution (« insertion » et autres...), d’y reconnaître ceux qui sont disposés à porter leur revendication de classe sur toute l’étendue qui va de l’économie personnelle à la politique, c’est-à-dire à devenir communistes, et de nous attacher à les organiser pour leurs revendications légitimes (celles de vivre dignement du travail de leurs mains et de l’application de leur intelligence), ce qui suppose que leur parole soit entendue des communistes aussitôt qu’ils seront organisés : c’est indispensable parce que les communistes n’ont pas d’autre source pour connaître leurs revendications, et parce qu’une fois organisés en tant que communistes, ils deviennent ce que personne ne peut être à leur place : ils deviennent les communistes présents dans le mouvement revendicatif qui les concerne, ceux qui peuvent exercer une influence sur ce mouvement.
- Cette tâche qui nous incombe est longue et difficile, mais c’est aussi la première que le tout jeune parti communiste français a accomplie après le congrès de Tours : de l’avoir accomplie lui a permis de participer, à partir de la fin de la troisième décennie du vingtième siècle, à la formation du mouvement ouvrier, revendicatif en économie, en politique et dans la culture, qui a porté l’alliance des partis du Front populaire à la victoire lors des élections de 1936 : l’histoire de ce mouvement montre que le parti communiste français avait accompli sa première tâche avec succès.
- Rencontrer, reconnaître et organiser les travailleuses et les travailleurs de toutes catégories pour qu’ils deviennent communistes : c’est aujourd’hui notre tâche prioritaire ; au fur et à mesure de ce qu’elle avancera, l’expression de la politique communiste doit donner plus d’importance à l’exposé de la situation faite aux travailleuses et travailleurs, à leurs objets concrets de revendication (le salaire et tout ce qu’ils ont besoin de pouvoir en faire) et à leur mouvement revendicatif (grèves, manifestations, création et vie des associations,...) : cela me conduit à dire que la progression du communisme parmi les travailleurs doit avoir pour conséquence directe la progression des travailleuses et des travailleurs communistes dans les directions des organisations communistes.
- Il le faut pour que le parti communiste soit ce qu’il doit être : un parti ouvrier.
- Une autre question se pose aussitôt : la progression des travailleuses et des travailleurs communistes dans les directions des organisations communistes a lieu lorsque les ouvriers communistes participent de plein droit à l’ensemble de la politique du parti communiste, de l’élaboration à la décision, et pas seulement à son exécution. C’est par là que le caractère ouvrier du parti communiste place ce parti en contradiction antagonique avec la domination bourgeoise sur les sociétés capitalistes : en effet, la politique est l’activité au moyen de laquelle les humains dirigent l’économie, gèrent la division du travail et la répartition des biens produits : la politique est donc une fonction intellectuelle de toute société humaine, et nous savons depuis des siècles que pour des raisons évidentes, les classes dominantes, exploiteuses, se la réservent. La progression du caractère ouvrier du parti communiste fait que la classe ouvrière empiète sur le domaine intellectuel que la bourgeoisie estime essentiel de se réserver, avec la volonté de se l’approprier.
- Il résulte du caractère ouvrier du parti communiste que lorsqu’une ouvrière ou un ouvrier adhère à un parti communiste, lorsqu’elle, ou il, participe à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique communiste, elle, ou il, prend sa place dans la lutte frontale de sa classe contre la bourgeoisie qui gouverne son pays. Pour toute ouvrière et pour tout ouvrier, c’est une décision lourde de conséquences, car le patronat capitaliste ne pardonne jamais cet acte qu’il juge aussi grave que peut l’être en temps de guerre une trahison à l’ennemi : le réseau des patrons capitalistes n’a jamais cessé de tenir à jour ses listes noires. Nous ne devons en aucun cas sous-estimer cet aspect de la lutte des classes.
- Notre histoire sociale confirme que lorsqu’un parti communiste vit et s’active dans une société capitaliste comme vivait et s’activait le parti communiste français jusqu’à la septième décennie du vingtième siècle, il produit dans la culture de ce pays un mouvement proprement ouvrier, qui s’oppose sur tous les point essentiels à la culture que la classe dominante imprime à la société, la culture bourgeoise.
- Cet antagonisme culturel est inévitable, et le parti communiste qui cesse de l’assumer ne reste pas communiste bien longtemps.
- C’est dans cette situation que s’établissent les rapports qui relient les membres des professions intellectuelles au communisme et au parti communiste.
- Il faut remarquer comment s’est déroulé le processus par lequel le PCF a perdu son caractère de parti ouvrier : ce sont d’abord les ouvriers communistes qui ont quitté le PCF ou se sont tus dans les débats politiques du PCF, permettant ainsi à des petits-bourgeois, qui n’avaient pas abandonné leur certitude petite-bourgeoise d’être ceux qui ont mission de parler au nom des autres, de prendre le pouvoir dans le parti ; pourtant, le PCF a continué encore longtemps à produire des discours et des textes exposant des raisons de prendre le parti ouvrier dans les luttes de classes, alors même que ses membres ouvriers avaient perdu toute possibilité de faire valoir eux-mêmes directement leurs raisons de classe dans les directions du parti ; pendant toute cette période, les réformistes, qui s’étaient installés aux commandes, durent faire force de discours pour submerger les raisons de prendre le parti communiste, notamment en dénonçant globalement l’« échec expérimental » du communisme et en contribuant à le criminaliser.
- Que les valeurs du communisme aient ainsi duré dans le PCF plus longtemps que sa base sociale, les communistes ouvriers, nous ne le devons pas à la logique des évènements : l’histoire du communisme ni celle des partis communistes n’ont encore commencé d’être étudiées, et le pouvoir bourgeois s’y oppose de toutes ses forces, non seulement en poussant sa propagande de la criminalisation du communisme, mais aussi en détournant les historiens de l’étude de cette histoire, et en censurant ceux d’entre eux qui osent s’y mettre malgré lui.
- C’est aux Lumières philosophiques des dix-septième et dix-huitième siècles, à l’héritage de la Révolution française, à la tradition des luttes sociales des dix-neuvième et vingtième siècles, inscrits dans notre culture, que nous devons cette persistance des valeurs communistes dans les discours qui émanaient du PCF pendant toute la première partie de sa mutation.
- Cette constatation est importante : elle montre en effet que cette tradition, qui est la tradition démocratique de notre pays, se prolonge en une deuxième source du mouvement communiste.
- Le communisme en effet n’est pas seulement le développement politique de la revendication ouvrière contre la misère et contre l’exploitation capitaliste qui en est la cause : c’est aussi la revendication de l’être humain aliéné contre l’aliénation qu’il subit, pour redevenir un être pleinement humain ; c’est la revendication de l’être humain mutilé par la société d’inégalité, contre l’ordre social injuste pour faire cesser toutes les inégalités contraires à l’humanité elle-même, pour abolir l’ordre social injuste fondé sur les inégalités de toutes sortes et lui substituer un ordre social fondé dans l’égalité en droits de tous les êtres humains, pour ainsi rendre à toutes les femmes, à tous les hommes et à tous les enfants la capacité pleine et entière de développer leur personnalité.
- Pour cet aspect de la revendication communiste, il y a toujours eu des femmes et des hommes qui contribuent au communisme sans être eux-mêmes des ouvrières ou des ouvriers ; il y en a encore et il y en aura de plus en plus. Or, beaucoup d’entre eux sont membres de la même classe sociale que les mutants qui dirigent le PCF, la petite bourgeoisie. Cette contradiction qui s’est manifestée dans la durée de la mutation du PCF traverse la petite bourgeoisie française ; elle y distingue ceux que la culture bourgeoise détermine, selon laquelle tout ouvrier doit obéïr sans penser, de ceux qui se sont cultivés aux Lumières philosophiques : pour ceux-ci, l’être humain est un, tous les individus sont d’égale valeur et ont les mêmes droits, et sur ces bases, ils estiment devoir rester les alliés de la classe ouvrière, et dans le parti communiste, des camarades loyaux aux communistes ouvriers.
- Ce sont ces derniers qui ont maintenu les valeurs communistes dans les textes et discours du PCF longtemps après que les communistes ouvriers aient été écartés de ses directions ; les mutants qui dirigent le PCF espèrent les faire taire en reprenant à leur compte la théorie de l’échec expérimental du communisme et sa criminalisation : mais ils reprennent ainsi le plus réactionnaire des thèmes de la propagande bourgeoise, celui développé par Alfred Rosenberg le 11 novembre 1940 à Paris devant la chambre des députés, qui tend à effacer la Révolution française de notre histoire et de l’histoire de l’Europe.
- Nous devons retenir de tout cela que la petite bourgeoisie française est divisée : il y a d’une part ceux qui ne renoncent pas aux valeurs essentielles de notre démocratie, celles que porte l’histoire du siècle des Lumières, de la Révolution française, des luttes sociales et républicaines du dix-neuvième et du vingtième siècles, de la lutte contre la première guerre mondiale, pour le socialisme, de la guerre de solidarité à la république espagnole, de la Résistance aux racismes (au nazi-fascisme), des luttes anticolonialistes contre les guerres par lesquelles la bourgeoisie défendait l’empire colonial contre les peuples indigènes,... ceux-là, sur ces bases-là, peuvent accepter une alliance révolutionnaire avec la classe ouvrière : ils ont suffisamment pensé l’être humain et son histoire pour comprendre qu’ils ne seront pas humiliés, au contraire, de rester les alliés loyaux des ouvriers dans la transformation révolutionnaire qui réalisera la société dans laquelle tous les êtres humains seront égaux en droits.
- L’autre partie de la petite bourgeoisie est bien représentée par les mutants qui ont pris le pouvoir sur le PCF : ils l’ont fait en réfutant les ouvriers qui participaient à l’activité intellectuelle de direction du parti ; ils ont refoulé ces ouvriers et les ont cantonnés dans des fonctions d’exécution excluant toute critique ; l’ordre des choses est selon eux que les petits-bourgeois qu’ils sont rédigent les consignes et que les ouvriers les exécutent ; ils ont effacé de leur mémoire l’histoire de la révolution russe, et leur philosophie les prépare à accepter l’alliance de ceux qui voudraient effacer l’histoire de la révolution française, et qui l’ont déjà tenté.
- On le voit, l’importance politique de cette contradiction dépasse le cadre des adhérents au PCF : cette contradiction est un des facteurs des alliances possibles ou impossibles pour la classe ouvrière dans la révolution. Comment pourrions-nous la tenir pour négligeable ? Nous devons l’étudier afin de dégager les perspectives de ces alliances.
- Aujourd’hui, dans la situation difficile où nous sommes, nous devons dégager de cette étude les modalités progressistes de l’adhésion au communisme de personnes qui ne sont pas membres de la classe ouvrière.
- La nécessité de cette étude avait été comprise lors de la fondation du parti communiste français : c’est afin d’y pourvoir que les membres des professions non-ouvrières n’étaient d’abord pas admis comme membres du parti ; ils n’en étaient pas écartés pour autant ; il y avait à cette époque beaucoup de femmes et d’hommes qui s’inscrivent dans notre mémoire, et dans l’histoire du communisme en France, en tant que communistes alors qu’ils n’avaient pas la carte de membres du parti.
- Aujourd’hui, nous devons partir du principe que c’est pour agir qu’une femme ou un homme adhère au PCF : mais que signifie agir pour les membres d’une profession qui n’est pas ouvrière, dans un parti qui a pour activité politique essentielle de porter au plan politique la revendication économique de la classe ouvrière ?
- Ceux qui adhèrent au parti communiste le font en premier lieu pour participer à son action ; prendre part à l’action n’est pas la même chose que de l’approuver : cette différence distingue le parti communiste de tous les autres partis en ce que la politique du parti communiste n’est pas tout entière contenue dans les déclarations ou actes de son équipe dirigeante. Pour en rendre compte, par exemple devant l’histoire, il faut prendre en considération les activités individuelles de tous ses membres, parce que ce sont toutes ces activités individuelles qui composent son activité collective.
- En deuxième lieu, il faut observer que depuis 1920, le parti communiste français organisait le soutien de l’activité de chacun de ses membres de telle manière que chacun d’eux parvienne à maîtriser l’activité collective du parti : à cet effet, le parti communiste animait, en son sein et autour de lui, des fonctions sur lesquelles ses membres s’appuyaient pour progresser dans leur activité militante ; les principales de ces fonctions sont :

  • la discussion dans les cellules qui avait pour objet d’étudier la situation politique locale et d’organiser l’action locale du parti, qui est l’action de la cellule : en participant à ces discussions, les militants ne contribuaient pas seulement à l’activité communiste : ils exerçaient aussi leur intelligence et la faisaient progresser. Souvent, après avoir participé quelques mois à sa réunion de cellule hebdomadaire ainsi qu’aux diverses discussions avec ses collègues sur le lieu du travail, le militant communiste devenait capable de réussir aux examens scolaires auxquels il avait précédemment échoué, et ce n’était pas la fin de ses progrès.
  • Les réunions organisées plus rarement, et dont le but était de donner aux membres du parti connaissance de textes écrits par des auteurs communistes (Marx, Engels, Lénine, Thorez et d’autres...) et qui concernent la division capitaliste du travail et la lutte des classes ; de leur donner aussi l’occasion de discussions plus générales, avec d’autres camarades que ceux de sa cellule, et moins orientées vers l’action quotidienne.
    - Nous appelions « écoles du parti » ces réunions, dont certaines pouvaient être organisées en stages de deux semaines, d’un mois ou de quatre mois ; en y participant, les militants faisaient grandement progresser leur niveau de formation générale. Entre les deux guerres mondiales, des savants tels que le physicien Paul Langevin (qui n’était pas alors membre du parti communiste français) ou le philosophe Georges Politzer ont participé à ces écoles ou les ont dirigées.
    - La bourgeoisie française a toujours vu dans ces écoles communistes un danger tel qu’elle désigne souvent, et depuis fort longtemps, ce qu’y faisaient les communistes du nom de « lavage de cerveau ». La vérité est qu’en matière de lavage de cerveau, ce sont les services policiers de l’état bourgeois qui sont orfèvres !...
  • des réunions de formation générale ouvertes au public et traitant de philosophie, d’économie, de science, de politique et d’autres sujets ; ces réunions composaient des cycles que nous appelions « Universités populaires ». Dans la région parisienne, Georges Politzer les animait régulièrement, et des savants tels que Paul Langevin y ont participé. Leurs auditeurs réguliers pouvaient y atteindre un niveau d’études supérieur à celui du baccalauréat.

- Le développement de ces structures par le parti communiste montre que les communistes prenaient très au sérieux la composante intellectuelle de leur activité, et s’attachaient à rendre aux ouvriers communistes la maîtrise de leur propre développement intellectuel : c’est une caractéristique développée par le parti communiste que de soutenir ses membres ouvriers pour que, sur le plan intellectuel, ils deviennent les égaux de ceux de ses membres qui ont fait des études lycéennes ou universitaires ; participer à cet effort était une tâche des communistes qui avaient fait de telles études et ils y étaient sollicités aussitôt qu’ils avaient compris que son but était de réaliser réellement, parmi les communistes, l’égalité en droits sur le parti.
- Cet effort constant, caractéristique du parti communiste, était connu dans la classe ouvrière française : là était une des plus fortes raisons de son attachement durable au communisme : le parti communiste français reconnaissait aux ouvrières et aux ouvriers la dignité d’êtres humains, et leur en apportait la preuve quotidienne dès lors qu’ils lui avaient apporté leur adhésion.
- Je considère qu’en mettant fin à cet effort, en brisant ses structures et en le noyant dans l’oubli, les dirigeants mutants du PCF ont causé au parti communiste le dommage le plus grave : c’est là leur faute la plus impardonnable.
- Maintenant, nous devons refaire ce qu’ils ont défait, dans des conditions qui ont empiré du fait que depuis un demi-siècle, les réformes de l’Education nationale ont fait de l’enseignement une fonction secondaire, une sorte de « supplément d’âme » des établissements scolaires, et leur ont donné pour mission principale, prioritaire, de sélectionner les enfants. En vérité, les conditions concrètes faite à l’enseignement public par le gouvernement bourgeois sont aujourd’hui telles que l’école, et surtout le collège, dégoûte d’apprendre et de se cultiver les enfants qu’il va écarter de l’enseignement.
- Ce dégoût durablement imprimé dans les mentalités des enfants détournés de la culture est l’un des obstacles les plus difficiles à écarter, ou même seulement à franchir, pour rendre à notre peuple, c’est-à-dire précisément à ces élèves victimes de la sélection scolaire, le véritable parti communiste qui lui manque aujourd’hui évidemment : il s’oppose directement en effet à ce que ces anciens élèves de l’école participent aux discussions des cellules s’ils viennent à y adhérer.
- La raison prioritaire pour laquelle une ouvrière ou un ouvrier adhère au parti communiste est de mieux faire valoir sa revendication de classe en l’étendant du plan de l’économie à celui de la politique : les pratiques traditionnelles d’organisation du PCF, l’adhésion à la cellule d’entreprise et sa participation à l’activité de cette cellule, qui se développe selon le mode du centralisme démocratique, sont des réponses justes à cette raison, quelle que soit la difficulté de leur mise en œuvre. Aussitôt qu’il participe à la vie de sa cellule, l’ouvrier entre dans le mouvement d’étude et d’action politiques le plus proche de l’exploitation qu’il subit, celui qui s’affronte le plus directement à cette exploitation : dès lors qu’il en prend sa part, il porte sa revendication au niveau politique. Tous ses progrès ultérieurs, dont j’ai fait mention ci-dessus, viennent en conséquence de l’exigence que ses camarades membres de sa cellule lui adressent de placer sa participation aux discussions et à l’action de la cellule à un niveau égal à celui de ses camarades et qui corresponde aux nécessités de la lutte.
- Le problème que pose au parti communiste et à ses membres l’adhésion des membres des professions non ouvrières ne peut se résoudre aussi « simplement » : l’exercice de chacune de ces professions porte en effet un sens politique qui dépend de la place qu’elle occupe dans la division capitaliste du travail, et selon cette place, la revendication économique de l’individu qui l’exerce peut prendre un sens politique réactionnaire ou progressiste.
- Je donnerai l’exemple de la profession de médecin :
- La longueur et la difficulté des études de médecine, l’étendue et la spécificité de la documentation et du matériel nécessaires au médecin font que dans une société capitaliste, les calculs de la juste rémunération des actes du médecin qui assumerait lui-même leurs coûts ne peut aboutir qu’à des sommes très élevées, hors de portée d’un ouvrier même de bonne qualification.
- A titre principal, le médecin revendique à juste titre deux choses : un salaire qui lui permette de renouveler sa force de travail, et la possibilité d’acquérir et de maintenir la documentation et le matériel qui lui sont nécessaires pour exercer la médecine :

  • s’il cherche la satisfaction de cette double revendication dans le montant des honoraires qu’il va facturer à ses patients, cela le conduit à fixer ces honoraires à un niveau tel que seuls les bourgeois suffisamment riches pourront venir le consulter ; s’il le fait, il excluera de sa clientèle les membres du peuple : en pratiquant ainsi, il nie l’égalité des êtres humains en droits de vivre en bonne santé : le sens politique de cette pratique médicale est donc strictement réactionnaire, et même si la revendication personnelle de ce médecin est humainement juste, et pour autant qu’elle est de bien exercer la médecine dans de bonnes conditions afin d’apporter à ses patients les meilleurs soins possibles, elle est humainement juste, ce médecin donne à la satisfaction de sa revendication un sens réactionnaire ; c’est d’ailleurs la seule voie offerte par les règles capitalistes de l’économie aux médecins lorsqu’il leur faut satisfaire leurs plus justes revendications ;
  • si au contraire ce médecin cherche la satisfaction de sa revendication auprès des services collectifs de la société, tels que la Sécurité sociale, créée sur la lancée de la Résistance, les hôpitaux publics, qui résultent de la reprise en mains collective par la Révolution d’œuvres charitables antérieures, et aussi d’autres structures et services collectifs encore à définir, il donne à la satisfaction de sa revendication un sens politique progressiste que la révolution à venir pourra reprendre pour lui donner son plein effet.

- Ces raisons avaient d’abord conduit le parti communiste, au lendemain du congrès de Tours, à maintenir ces professions à l’écart de son organisation, puis à compenser cet ostracisme en admettant que des membres de ces professions agissent en communistes sans être membres du PCF.
- Dans l’après-guerre de 1945, il a admis l’adhésion de membres de professions non ouvrières, en encadrant ces adhésions de deux garde-fous :

  • un principe professionnel qui exigeait des ces communistes qu’ils agissent d’abord, à titre principal, dans l’établissement dans lequel ils exercent leur profession, en tâchant d’y créer une cellule s’il n’y en a pas, sans chercher à participer aux bureaux de cellules étrangères à cet établissement, et sans chercher à participer aux comités des sections ou fédérations si leurs propres cellules ne les avaient pas d’abord mandatés pour cela ;
  • et le principe du parti ouvrier, selon lequel le parti s’imposait pour règle de composer ses comités de section, fédéraux et central de telle manière que les ouvriers y soient majoritaires.

- L’effort nécessaire pour maintenir ces principes en activité faiblissait très sensiblement au cours de la septième décennie du vingtième siècle ; quelques semaines après les élections de juin 1969, le parti communiste renonçait à le maintenir : on s’est mis à discuter de la classe ouvrière comme s’il fallait trouver quelque part un dogme pour résoudre les problèmes de sa détermination ; en même temps, nous avons vu disparaître les cellules des établissements et entreprises employant les professions non ouvrières ; ensuite, les directions du PCF furent envahies par des enseignants et membres d’autres professions non-ouvrières, qui prenaient la place autrefois occupée par les ouvriers ; sans doute les membres du PCF membres de ces professions étaient-ils rebutés par la difficulté réelle que présente l’activité communiste dans leurs professions, mais était-ce une raison ? Ce n’est en tous cas pas un hasard si les dérives du parti communiste se sont alors accélérées et sont devenues évidentes ; le PCF cessait d’être un parti ouvrier : ce qui s’en est suivi a montré qu’il ne gagnait rien en démocratie, c’est le moins que l’on puisse dire !...
- Au point où en sont les choses, il m’est permis d’écrire ceci :
- Le véritable parti communiste devra revenir au principe professionnel selon lequel tout communiste organisé milite dans sa profession et dans son entreprise.
- La difficulté particulière qu’il y a à conduire une activité communiste dans les professions non-ouvrières tient à ce que ces professions sont sans cesse utilisées par la bourgeoisie capitaliste pour améliorer les conditions du prélèvement du profit ; or, de quelque manière que l’on retourne la question de la lutte des classes, nous devons constater ce qui suit :

  1. il est de l’intérêt de la future révolution que les communistes connaissent bien tous les procédés dont se sert la bourgeoisie capitaliste pour prélever et collecter le profit et pour gérer les capitaux ; ceci indépendamment de la manière dont la classe ouvrière organisera et gèrera la production et la répartition des richesses entre les membres de la société ;
  2. chaque profession non-ouvrière est dépositaire d’un corps de connaissances que la révolution, à moins de se condamner elle-même, ne devra pas faire disparaître, mais devra reprendre en mains et rebâtir (démonter et remonter selon un autre plan) pour servir les intérêts du peuple travailleur ;
  3. beaucoup d’entre elles développent une activité dont la bourgeoisie se sert seule ou prioritairement, mais que la révolution devra mettre au service de l’emsemble du peuple selon le principe de l’égalité en droits : c’est le cas entre autres des professions de santé, particulièrement depuis qu’en 1959, la bourgeoisie a réussi (avec la complicité de FO) à prendre la Sécurité sociale sous sa coupe ;
  4. les deux remarques précédentes déterminent la responsabilité de ceux des membres de ces professions qui adhèrent au parti communiste.

- Toutes ces raisons font que les communistes doivent organiser le parti en veillant à maintenir en activité leurs contacts avec leurs camarades des professions non ouvrières, de manière à permettre à ces camarades de prendre en conscience le parti ouvrier dans la lutte des classes de notre pays.
- Pour certaines de ces professions, telles par exemple que la profession enseignante, les professions infirmières hospitalières, les professions d’employés non-ouvriers dans les entreprises de toutes tailles, artisanales ou industrielles, ces contacts peuvent être matérialisés par la création de cellules d’établissements, ou par l’adhésion des employés à la cellule ouvrière de leur entreprise ; pour d’autres de ces professions, il est nécessaire d’organiser ces contacts par d’autres voies.
- En tout état de cause, la tâche qui incombe aux communistes membres des professions non-ouvrières est en principe lourde ; il faut la penser selon deux axes simultanés : l’un est la revendication (universelle) de vivre dignement, l’autre est la critique du contenu de l’exercice de la profession et de la place qu’elle occupe dans la division capitaliste du travail, que chacun doit faire du point de vue que lui donne sa prise du parti ouvrier dans les luttes de classes.
- Certes, c’est une lourde tâche, mais d’autres communistes l’ont entreprise avant nous, notamment en France pendant les quelques années qui ont suivi la victoire du front populaire et précédé la déclaration de guerre, ou pendant les années de l’après-deuxième guerre mondiale ; ils ont prouvé qu’elle est à la portée des communistes : renâcler devant cette tâche et se réfugier dans des fonctions de direction internes au PCF, comme l’ont fait ceux qui ont préparé et réalisé la mutation, est indigne de communistes, je le dis comme je le pense.

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