Ami de l’égalité

Je signe une pétition

en disant mes réserves

samedi 13 décembre 2008, par Jean-Pierre Combe

- Deux de mes correspondants m’on adressé par internet le texte que l’on lira ci-dessous, comme celui d’une pétition lancée par les éditions La Fabrique comme suite à l’opération policière qui a abouti à l’arrestation de plusieurs habitants de la commune de Tarnac (en Corrèze).

- Voici le texte que j’ai adressé, toujours par internet, aux éditions La Fabrique pour apporter ma signature au bas de cette pétition :

- Veuillez inscrire mes noms et prénoms dans la liste des signataires de votre pétition "Une opération récente ... a permis d’arrêter et d’inculper neuf personnes en mettant en euvre la législation antiterroriste ..." : Jean-Pierre Combe, ingénieur et universitaire retraité.
- J’habite en Corrèze ; si beaucoup de choses me tiennent à distance des personnes qui ont été arrêtées, l’effort de faire revivre un commerce rural et quelques hectares de terre m’est sympathique ; mais cette sympathie ne suffirait pas à vous apporter ma signature : je condamne en effet les attentats commis par quelque moyen que ce soit contre la circulation des trains aussi longtemps que cette circulation n’est pas un moyen dont se sert une force armée étrangère pour opprimer la nation ; si je le fais, c’est parce que les informations publiées dès le 11 novembre et depuis par les "médias" me donnent de très sérieuses raisons de penser que les preuves rassemblées contre eux par l’accusation sont très insuffisantes, parce que l’expérience de deux siècles de notre histoire nationale a prouvé de nombreuses fois que les législations d’exception peuvent très facilement être utilisées contre l’égalité en droits humains et civiques de tous les habitants qui travaillent le pays, contre la démocratie et contre la république, et parce que les ruptures de caténaires ne sont pas toutes dues à des attentats ; en réalité, je ne connais pas de cas où une législation d’exception ait servi à défendre la république, la démocratie et l’égalité en droits de tous les citoyens, qui sont des conditions nécessaires au progrès social.
- Je m’abstiendrai de commenter la mise en danger ou non de la vie des passagers, parce que tout commentaire de ce sujet pourrait être interprété comme une confirmation de la culpabilité des personnes arrêtées : je ne suis pas accusateur, mais citoyen soucieux de revendiquer, pour moi et pour mes compatriotes de toutes origines, l’intégrale jouissance de nos droits humains et civiques.
- Soyez assurés de ma sincère considération.
- Jean-Pierre Combe

- Voici le texte qui m’a été transmis comme le texte de la pétition de La Fabrique :

- *Une opération récente*
- Une opération récente, largement médiatisée, a permis d’arrêter et d’inculper neuf personnes, en mettant en œuvre la législation antiterroriste. Cette opération a déjà changé de nature : une fois établie l’inconsistance de l’accusation de sabotage des caténaires, l’affaire a pris un tour clairement politique. Pour le procureur de la République,
« le but de leur entreprise est bien d’atteindre les institutions de l’État, et de parvenir par la violence - je dis bien par la violence et non pas par la contestation qui est permise - à troubler l’ordre politique, économique et social ».
- La cible de cette opération est bien plus large que le groupe des personnes inculpées, contre lesquelles il n’existe aucune preuve matérielle, ni même rien de précis qui puisse leur être reproché. L’inculpation pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste » est plus que vague : qu’est-ce au juste qu’une association, et comment faut-il entendre ce « en vue de » sinon comme une criminalisation de l’intention ? Quant au qualificatif de terroriste, la définition en vigueur est si large qu’il peut s’appliquer à pratiquement n’importe quoi - et que posséder tel ou tel texte, aller à telle ou telle manifestation suffit à tomber sous le coup de cette législation d’exception.
- Les personnes inculpées n’ont pas été choisies au hasard, mais parce qu’elles mènent une existence politique. Ils et elles ont participé à des manifestations - dernièrement, celle de Vichy, où s’est tenu le peu honorable sommet européen sur l’immigration. Ils réfléchissent, ils lisent des livres, ils vivent ensemble dans un village lointain. On a parlé de clandestinité : ils ont ouvert une épicerie, tout le monde les connaît dans la région, où un comité de soutien s’est organisé dès leur arrestation. Ce qu’ils cherchaient, ce n’est ni l’anonymat, ni le refuge, mais bien le contraire : une autre relation que celle, anonyme, de la métropole. Finalement, l’absence de preuve elle-même devient une preuve : le refus des inculpés de se dénoncer les uns les autres durant la garde à vue est présenté comme un nouvel indice de leur fond terroriste.
- En réalité, pour nous tous cette affaire est un test. Jusqu’à quel point allons-nous accepter que l’antiterrorisme permette n’importe quand d’inculper n’importe qui ? Où se situe la limite de la liberté d’expression ? Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont elles compatibles à long terme avec la démocratie ? Sommes-nous prêts à voir la police et la justice négocier le virage vers un ordre nouveau ? La réponse à ces questions, c’est à nous de la donner, et d’abord en demandant l’arrêt des poursuites et la libération immédiate de celles et ceux qui ont été inculpés pour l’exemple.

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