Ami de l’égalité

Terrorisme contre communisme

Tarnac : toujours le doute

mardi 30 décembre 2008, par Jean-Pierre Combe

- Chassez le doute par la porte, il revient par la fenêtre : lorsque les inculpations ont été signifiées, c’est-à-dire trois jours après les interpellations de Tarnac, nous avons appris que les inculpés n’avaient pas été interpelés dans le cadre d’une enquête ouverte à la suite de la plainte déposée par le PDG de la SNCF contre les attentats subis par la circulation des trains :

- ce n’est en effet que le jour des inculpations que cette enquête a été ouverte !
- C’est dans le cadre d’une enquête ouverte à la demande de la police états-unienne à propos d’actes de violence commis lors d’une manifestation d’opposants à un sommet de la mondialisation que les interpellations ont été opérées à Tarnac !...
- Ceux qui sont intervenus si vite (voir mon article Tarnac : « Ils » voient des terroristes partout !) pour nous imposer une explication définitive ont caché une part essentielle de l’information. Cela, joint à quelques incohérences relevées dans les informations diffusées entre-temps, jette le doute sur la thèse officielle relative à ces attentats. Il faut donc reprendre cet événement à son premier jour.
- Que s’est-il passé ?
- Depuis des mois, des accidents matériels, parmi lesquels de nombreuses ruptures accidentelles de caténaires se produisent en-dehors même de tout attentat : elles ont pour cause l’insuffisance des moyens consacrés par la SNCF et par le RFF (le Réseau ferré de France) à la maintenance de leurs matériels ; cette insuffisance a été dénoncée de longue date par les cheminots qui défendent syndicalement leurs intérêts de classe et par les communistes.
- Les attentats, quels étaient leurs objectifs ?
- La thèse officielle est que l’Etat était visé. Mais dans mon article Tarnac : « Ils » voient des terroristes partout ! j’ai montré qu’elle est fausse.
- La vérité est que la circulation des trains était visée : il s’agit donc tout à la fois de la SNCF et du RFF. Que sont ces entreprises ? Elles ont été constituées par ordre du gouvernement pour séparer la SNCF de son réseau de voies ferrées dans l’intention proclamée de soumettre la France aux intérêts des grandes bourgeoisies d’Europe en exécutant leur décision de privatiser le transport par voies ferrées prise dans le cadre de la construction de leur empire européen.
- Ces attentats ont porté un préjudice direct aux usagers des chemins de fer dont les emplois du temps ont été bouleversés, aux cheminots dont la charge de travail a été accrue, aussi bien en durée qu’en tension nerveuse (en « stress ») ; ils ont aussi porté préjudice au mouvement populaire de revendication, par la division qu’ils tendent à introduire entre les cheminots et les autres travailleurs et par le brouillard de confusion qu’ils ont soulevé. La peur, réelle ou potentielle, est une composante importante de ces préjudices.
- Parmi les victimes de ces attentats, on ne voit pas d’armée ennemie de notre nation et qui occuperait notre territoire : ce ne sont pas des actes de guerre ;
- ils n’ont atteint aucun moyen essentiel à l’accomplissement de l’exploitation capitaliste, et le profit quotidiennement prélevé par la bourgeoisie du grand capital n’a subi aucune diminution dont ils pourraient être la cause : pour cette raison, ces attentats ne peuvent en aucun cas participer d’une guerre révolutionnaire.
- En même temps, nous ne distinguons pas facilement qui a pu ou pourrait bénéficier des retards causés à la circulation des trains ou des autres dommages causés par ces attentats, sauf à pointer les entreprises qui fournissent le matériel nécessaire aux réparations.
- A ce point du raisonnement, nous voyons que ces attentats ne sont pas des actes de guerre, et en particulier, qu’ils ne sont pas des actes de guerre révolutionnaire ; ils peuvent donc être des actes crapuleux ou terroristes : j’admets momentanément que ce sont des actes terroristes.
- Le terrorisme, j’en ai donné une définition et fait une critique dans mon article L’antagonisme du terrorisme et du communisme. Dans un autre article, Du terrorisme et de ses variétés, j’ai montré comment et dans quelles limites il est possible de distinguer un « terrorisme de droite » d’un « terrorisme de gauche ».
- De quoi est-il question en la présente occurrence ?
- C’est un fait : dès le début de l’enquête, le gouvernement français (ou une partie du gouvernement, mais en une telle affaire, nous avons le devoir de tenir le gouvernement pour solidaire) a postulé que ces attentats sont des actes terroristes de gauche ; le 11 novembre 2008, il est intervenu pour tenter de nous imposer son postulat. Mais son intervention orientait l’enquête des magistrats et de la police judiciaire : elle violait ainsi l’indépendance de la magistrature. De plus, le postulat gouvernemental est faux.
- Ces circonstances font apparaître l’intervention gouvernementale comme le moment visible d’une machination, et cela rappelle les nombreuses machinations de notre histoire, ourdies par les gouvernements au service de la bourgeoisie, tant au moyen de certains services policiers de l’Etat que de structures propres à la bourgeoisie, beaucoup plus secrètes et sans scrupules, et qui n’hésitent jamais à manipuler les groupes plus ou moins idéalistes d’anarchistes ou de gauchistes en les lançant dans le terrorisme.
- Par son intervention, la ministre de l’Intérieur enfermait dans une impasse les policiers et les magistrats chargés d’instruire cette enquête et de juger cette affaire : ils ne peuvent découvrir la vérité que s’ils sortent de cette impasse, et pour cela, il leur faut désobéir au gouvernement. Et justement, l’un des plus importants des principes d’organisation sociale que nous devons aux Lumières philosophiques, et que la Révolution française a inscrits dans les principes statutaires de la magistrature judiciaire, est l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif, c’est-à-dire leur indépendance au sein de l’Etat. En l’occurrence, le statut de la magistrature judiciaire fait aux magistrats un devoir de désobéir au gouvernement, et d’imposer aux policiers de la police judiciaire de lui désobéir aussi, c’est-à-dire de désobéir à la ministre de l’Intérieur qui est leur chef hiérarchique.
- Notre devoir de citoyens est de juger de l’action de notre gouvernement : un ancien adage policier a gardé sa vérité : chercher le criminel parmi ceux à qui profite le crime. Cet adage nous pose les questions suivantes :

  • qui a intérêt à saboter la SNCF et le réseau des voies ferrées de France ?
  • Ces attentats, ne sont-ils pas de nature à masquer la cause réelle des défaillances des caténaires et d’autres matériels, à savoir, l’insuffisance des moyens consacrés à la maintenance par la SNCF et par le RFF ?
  • Ne sont-ils pas de nature à détourner les Français de l’intérêt qu’ils portent à leur entreprise publique de transport par voie ferrée ?
  • Ne sont-ils pas de nature à affaiblir leur résistance contre la privatisation de la SNCF ?
  • Les propriétaires des capitaux privés candidats à faire circuler en France leurs propres trains plutôt que ceux de la SNCF, n’ont-ils aucun profit à tirer de ces attentats ?

- Il faut poser ces questions en face de cette autre : qui sont les victimes, qui a subi les dégâts ?
- Nous, les communistes, nous revendiquons que SNCF et RFF restent les entreprises publiques assumant la totalité du service public du transport par voie ferrée des personnes et des biens ; nous revendiquons notamment qu’elles développent le réseau de telle manière qu’il desserve la totalité du territoire de notre pays, comme il le faisait en 1936 et même mieux, car il est possible de faire mieux, et que leur soient affectés les moyens de cette mission ; cela nous conduit à replacer les accidents de la circulation des trains et les attentats commis contre elle dans le contexte des destructions opérées de longue date sous la direction de gouvernements français au service de la grande bourgeoisie : nous ne pouvons laisser oublier que depuis 1947, ces messieurs ont détruit plus de la moitié du réseau ferré de notre pays et créé ainsi un mécanisme de désertification parmi les plus puissants de ceux qui ont ravagé une très grande part de notre territoire.
- Lorsque s’achevait la guerre de 1939-1945, les bourgeoisies de tous les pays de l’ouest européen s’unissaient par-dessus les nations, hors de leur autorité, dans le but de définir et d’instaurer leur propre empire, celui qui porte aujourd’hui le nom d’Union européenne. Agissant dès lors dans le cadre de cette alliance supranationale, la bourgeoisie française a d’abord réussi, le 3 mai 1947, à mettre fin aux gouvernements de notre Libération ; tous les gouvernements de la France qui ont suivi ont gouverné au service de la plus grande bourgeoisie de notre pays, poursuivant les objectifs politiques essentiels de la grande bourgeoisie, qui sont contraires aux intérêts de la nation : détruire nos entreprises publiques et livrer leur capital aux propriétaires des capitaux privés et apatrides. C’est exactement dans ce cadre qu’agissent les propriétaires de capitaux actifs dans l’industrie des transports lorsqu’ils s’attachent à faire circuler leurs propres trains sur notre réseau ferré, à s’approprier des centaines de kilomètres de nos voies ferrées, c’est-à-dire à usurper notre bien national.
- Cette politique est conduite depuis les institutions de l’Etat européen, et le gouvernement français la couvre.
- Or, la grande bourgeoisie et ses gouvernements ne progressent pas du tout vers leurs objectifs aussi simplement qu’ils le souhaiteraient : l’industrie des transports par voie ferrée est l’une de celles dont la privatisation se heurte à des résistances de la part de la population de notre pays : cela peut conduire certains des capitalistes du transport à tenter de la faire aboutir en forçant le passage par la violence terroriste.
- Ce n’est peut-être qu’une tentation, mais elle est d’autant plus forte que des structures terroristes existent dans toute l’Europe, et que leur objet est d’assurer le pouvoir que détient la classe bourgeoise de déterminer toute politique et de gouverner chaque pays, et par conséquent de maintenir le principe d’inégalité comme fondement essentiel de toute organisation sociale.
- Dès 1918 en effet, les grandes bourgeoisies de toute l’Europe ont commencé à mettre sur pied des groupes violents en leur assignant la mission de réagir aux progrès accomplis dans l’ancien empire des Tsars par le mouvement révolutionnaire des conseils (soviets) de travailleurs et de soldats, de combattre la révolution et de reconquérir le territoire de l’ancien empire des Tsars ; les fascii (faisceaux) qui ont donné son nom au parti fasciste de Mussolini et les Schützabteilungen (SA) du parti national-socialiste de Hitler ne sont que deux exemples de ces groupes violents : c’est pour donner une justification à la mise sur pied de ces groupes violents que leurs commanditaires ont lancé le bobard selon lequel le parti communiste serait violent par essence.
- Nous avons, en France, l’expérience de telles structures depuis la quatrième décennie du vingtième siècle : ce fut la sinistre aventure des ligues fascistes, de la « Cagoule » et de la « Synarchie » ; lorsque Philippe Pétain était le chef de l’Etat français, cette expérience fut confirmée par le zèle que mettait la « Milice française » à maintenir l’ordre raciste en pourchassant les résistants ; depuis la Libération de 1945-47, elle nous est rappelée de temps à autre, de SAC en OAS, au rythme des aventures de l’impérialisme qui se dit français. Dans son livre Le choix de la défaite, Annie Lacroix-Riz expose ce que furent en France la « Cagoule » et la « Synarchie » depuis la crise des années vingt jusqu’à la veille de la guerre de 1939, ainsi que la continuité qui relie ces structures à celles de l’Etat français de Philippe Pétain.
- Pour ce qui concerne l’après-guerre de 1945, le livre de Daniele Ganser Les armées secrètes de l’OTAN met en évidence que l’OTAN, piloté depuis le Pentagone de Washington, s’est attaché à regrouper et à réorganiser les membres des mouvements racistes (nazi-fascistes) de toute l’Europe pour en faire une armée secrète anticommuniste. Au Pentagone, et par conséquent dans tout l’OTAN, on arguait de la nécessité d’organiser la résistance dès le temps de paix, pour qu’elle combatte efficacement de l’autre côté du front, dans les arrières de l’ennemi, lorsque l’armée soviétique passerait à l’offensive pour conquérir le territoire occidental de l’Europe par la force des armes. Dans les milieux où se recrutent les mouvements racistes, nul n’avait le droit de douter de cette éventualité.
- Parmi les mouvements que l’OTAN travaillait à regrouper et à réorganiser, le lecteur français informé de notre histoire reconnaîtra sans peine les continuateurs du pétainisme et de la kollaboration (tel était le surnom donné par les Français à la politique de collaboration avec l’occupant nazi et fasciste définie par Philippe Pétain et appliquée par le gouvernement de l’Etat français).
- C’est très exactement cet héritage que les armées secrètes de l’OTAN ont véritablement collecté partout en Europe, en réorganisant, en animant les mouvements racistes d’Europe et en les intégrant dans l’OTAN, et c’est encore cet héritage qui donne à ses armées secrètes leurs caractères principaux et essentiels, tels que leur véritable objectif général, qui est de combattre le communisme par la violence.
- Le livre de Daniele Ganser nous confirme qu’ils ont agi par le terrorisme le plus sanglant contre les partis communistes, comme par exemple en Italie et en Belgique ; qu’en France, ils se sont impliqués notamment dans les épisodes sanglants de l’OAS. Leur méthode consistait tantôt à provoquer quelque groupe « terroriste de gauche », du type des « brigades rouges » ou des « fractions armées rouges », pour qu’il commette quelque attentat, tantôt à commettre eux-mêmes les attentats les plus horribles possibles, en les organisant de manière à en faire accuser le parti communiste ou au moins quelque groupuscule « de gauche », quitte à susciter eux-mêmes de tels groupuscules quand il n’en existait pas.
- Afin de créer des conditions favorables à leur action violente, les armées secrètes de l’OTAN se sont attachées à inscrire dans l’opinion publique un rejet du communisme qui soit assez violent pour justifier que l’on frappe à mort les femmes et les hommes communistes : c’est pour y parvenir qu’ils ont relancé le bobard selon lequel le parti communiste serait essentiellement violent, et qu’ils s’efforcent jusqu’à aujourd’hui d’imposer à l’opinion publique le préjugé que le parti communiste serait essentiellement terroriste.
- On le voit : cette propagande ne date pas de prétendues « révélations » liées à l’effondrement du camp socialiste ; au contraire, c’est tout au début de la guerre froide que le but de combattre le communisme par la violence fut assigné aux armées secrètes de l’OTAN et c’est de ce même moment qu’elles ont commencé de pratiquer ainsi chaque fois que l’occasion s’est présentée à elles, d’un bout de l’Europe prétendue libre à l’autre.
- C’est bien là une deuxième piste terroriste pour rechercher les auteurs des attentats : le fait que le gouvernement français se soit permis d’en détourner l’enquête nous conduit à revendiquer contre lui que la police intègre la piste du « terrorisme de droite » dans l’éventail de ses pistes de recherche, sans exclure l’éventualité que de riches et puissants commanditaires aient réussi à manipuler un groupe se réclamant de « la gauche » en vue d’attentats terroristes !

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