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La loi du 16 décembre 1964

Le vote communiste de la loi du 16 décembre 1964

mercredi 7 avril 2010, par Jean-Pierre Combe

- Marie-Claude Vaillant-Couturier est la deuxième députée qui intervient dans ce débat, après Raymond Schmittlein et avant René Sanson ; parlant au nom du groupe communiste, elle expose les raisons qui déterminent le vote de ce groupe, et ces raisons, j’en témoigne, sont celles de tous les communistes.

- Marie-Claude Vaillant-Couturier commence par rappeler le moment, l’année 1945, où la mise au grand jour des crimes nazis a révolté les peuples du monde, et par donner de ces crimes une énumération incomplète, afin d’en brosser à grands traits un tableau :
- dans cette énumération figurent aussi bien des crimes classés aujourd’hui contre l’humanité que de guerre : Marie-Claude Vaillant-Couturier réunit de cette manière ces deux catégories dans le raisonnement qu’elle expose.
- Elle rappelle alors que la révolte des peuples a engendré la volonté que ces crimes soient punis et qu’ils ne se reproduisent pas ; elle rappelle encore que la charte du Tribunal de Nuremberg (8 août 1945) est une expression de cette volonté, et qu’une résolution reprenant l’essentiel de cette charte fut adoptée par les Nations Unies le 13 février 1946.
- Elle dénonce le danger que les crimes contre l’humanité soient prescrits en 1965, qui naît de la pression qu’exerce, par la déclaration qu’a rappelée le rapporteur Paul Coste-Floret, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne pour que soient appliquées les règles de prescription en vigueur pour les crimes de droit commun. Dans cette phrase, opère-t-elle une séparation entre crimes contre l’humanité et crimes de guerre ? Nous allons voir qu’il n’en est rien.
- Elle examine ce qu’est la prescription : elle prend en considération les fondements que le droit français assigne à la prescription : le défaut de preuve, le défaut d’exemplarité et la nécessité de l’oubli. C’est important, car il faut rappeler que la prescription ne peut exister que si elle est fondée sur quelque chose ; l’importance de ce rappel tient aussi à ce que la prescription, en droit français, concerne les crimes de droit commun et s’étend à tous les autres crimes sauf s’il existe une définition légale différente.
- Aussitôt, Marie-Claude Vaillant-Couturier reprend la réfutation des deux premiers fondements exposée par le rapporteur de la loi, Paul Coste-Floret : les preuves des crimes nazis et fascistes n’ont fait que devenir plus nombreuses et plus visibles depuis 1945, et ces crimes sont chaque jour un peu plus exemplaires.
- Elle réfute également, et avec la même force, la nécessité de l’oubli, au motif que l’oubli serait une trahison de nos morts, ce qui est et reste absolument vrai.
- Il faut remarquer ici que la prescription des crimes nazis, fascistes et autres crimes racistes n’a pas d’autre fondement que ceux-là, et que les réfutations de ces trois fondements sont tout aussi valables pour les crimes de guerre que pour les crimes contre l’humanité.
- Marie-Claude Vaillant-Couturier illustre alors sa démonstration de la nécessité d’interdire la prescription des crimes contre l’humanité en invoquant le cas du criminel de guerre Lammerding, qui vivait alors paisiblement à Dusseldorf : elle propose à l’assemblée l’image de Lammerding visitant l’église d’Oradour : cette image des effets qu’aurait la prescription sur la liberté du criminel de guerre Lammerding est particulièrement parlante.
- Elle conclut cette première partie de son intervention sur la nécessité de s’assurer que le texte de la future loi concerne tous les crimes commis pendant la deuxième guerre mondiale, et revendique explicitement que ceux qui bénéficient déjà d’une prescription soient privés de ce bénéfice.
- Au nom du groupe communiste, Marie-Claude Vaillant-Couturier avait déposé un amendement, dont le texte précise que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles quels que soient la date et le lieu où ils ont été commis ;
- Le Garde des Sceaux et ministre de la justice, Jean Foyer, répondant à la délibération de l’Assemblée, a précisé que le texte proposé porte déjà, sans ambigüité, le sens de cet amendement, même s’il le porte d’une manière un peu plus implicite ; en conséquence, jean Foyer considérait que l’amendement proposé par Marie-Claude Vaillant-Couturier était inutile et pouvait être retiré ;
- Au moment de voter le projet de loi, Marie-Claude Vaillant-Couturier prend en compte les explications du Garde des Sceaux en retirant son amendement.
- Nous devons donc reconnaître qu’il est faux de dire que le parti communiste français aurait voté la prescription des crimes de guerre en votant la loi du 16 décembre 1964 ; c’est le contraire qui est vrai : toute l’argumentation de Marie-Claude Vaillant-Couturier est fondée sur la profonde essence criminelle commune aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, et le motif du vote du groupe communiste est bien le fait que cette essence criminelle commune à ces deux catégories de crimes interdit que les crimes appartenant à l’une ou à l’autre soient prescrits.
- En votant la loi du 16 décembre 1964, le groupe communiste a accompli un acte militant pour que les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne soient jamais prescrits.

P.-S.

- Lire aussi :

- Dans les articles suivants, j’analyse les interventions faites par les députés dans le débat de cette loi :

- Lire aussi Il n’y a pas de raison de prescrire les crimes de guerre !

- Notez bien :
- Le compte-rendu de la séance du 16 décembre 1964 de l’Assemblée nationale a été publié, selon la bonne règle, dans le Journal officiel de la République française : la règle voulait alors que les Journaux officiels de la République française soient expédiés aussitôt publiés aux mairies des chefs-lieux de canton ; par conséquent les textes analysés dans cette série d’articles sont disponibles dans les dépôts d’archives de ces communes, lorsque ces dépôts existent encore ; si les réformes administratives qui ont supprimé nos cantons ont conduit à la disparition de ces archives, on doit de toutes façons trouver les Journaux officiels dans les dépôts d’Archives départementales.

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