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Les implications de l’individu dans les conditions nécessaires à la paix

tiré des numéros 13, 14 et 15 de Info Paix 19

lundi 15 août 2005, par Jean-Pierre Combe

- Les mouvements essentiels de l’être humain ont deux composants, l’un individuel, propre à chaque personne, et l’autre collectif, fait des multiples communications constituant la vie du groupe, de la société, et dans lesquelles la personne s’implique.
- La guerre est un drame de la vie du groupe qui met chacun de ses membres en danger de mort : elle n’interfère pas seulement dans les composantes collectives de l’être humain, mais aussi dans toutes ses composantes individuelles.

Les implications de l’individu dans les conditions nécessaires à la paix : une condition nécessaire du pacifisme véritable

premier épisode : l’être humain et la guerre

- Pour atteindre leurs objectifs de guerre, les armées détruisent ou saisissent les ressources et les moyens du travail de leur ennemi, et elles n’ont jamais pu les saisir sans en détruire une grande partie : la guerre attente aux ressources et aux moyens du travail.
- Le sang versé est le prix auquel la guerre règle les conflits : la guerre attente donc en même temps et dans le même mouvement à la vie des habitants, armés ou non, des contrées en cause.
- Il faut donc considérer la guerre comme un attentat collectif porté simultanément contre la vie de l’individu et contre les ressources et moyens du travail : pratiquement tous les exemples historiques le confirment à l’évidence, et toutes les guerres nous offrent à observer du « sale boulot » exécuté par ordre exprès d’un gouvernement : les 99 pendaisons de Tulle et la destruction d’Oradour sur Glane les 5 et 6 juin 1 944 par une division SS, la mise à sac du Palatinat, exécutée selon la volonté de Louis 14 sous les ordres du comte de Noailles n’en sont que deux exemples.
- L’individu est atteint dans son besoin de vivre en assurant sa vie par le travail que l’on sait faire soi-même ; c’est un besoin qui porte les individus concrets, les personnes, à se relier à l’être humain collectif concret, c’est-à-dire au groupe, à la société, et à rechercher satisfaction dans ce lien.
- Ce besoin réalise une liaison profonde entre l’individu et la société, suffisamment forte pour que la personne, concevant sa propre vie, lui associe celle de ses enfants et privilégie un autre membre du groupe, son conjoint, en lui témoignant une solidarité quotidienne, elle-même assurée par le même moyen.
- Les implications du besoin personnel d’assurer sa vie par son propre travail s’étendent en fait à l’économie, à la culture et à la politique, donc aussi à la guerre et la paix.
- Karl von Clausewitz avait fort bien démontré que la guerre est un moyen d’agir en politique.
- Compte tenu de ce que nous sommes tout à la fois des citoyens et des militants de la paix, nous devons préciser cette définition :
- La guerre est un moyen d’agir collectivement en politique dont les actes attentent tout ensemble aux êtres individuels et aux être collectifs, c’est-à-dire aux personnes et aux groupes sans laisser place à une quelconque sauvegarde individuelle.
- Il en résulte que chaque acte de guerre menace toute personne de toutes sortes d’attentats mortels directs, et commet nombre de ces attentats. S’en suivent, pour le Mouvement de la Paix, deux conditions : aider chaque personne à voir dans cette menace une raison suffisante de refuser que la guerre ait lieu, et analyser les manières dont se forment les différentes menaces contre les personnes pendant la marche à la guerre : il faut agir pour faire échouer chacun des processus qui forment ces menaces, parce que chacun de ces échecs entrave la marche à la guerre.
- Mais ceux qui téléguident la montée de ces menaces le font pour qu’elles concourent à former les camps du futur affrontement ; ils ne peuvent le faire que s’ils gouvernent, directement ou indirectement.
- Cela impose donc aux pacifistes de ne jamais se placer sous la dépendance d’un gouvernement ou d’un projet de gouvernement quel qu’il soit, et surtout pas de celui d’une hypothétique fédération pacifique d’états qui, eux, sont bien réels et font la guerre pour ainsi dire chaque fois que l’occasion s’en présente.
- Le Mouvement de la Paix doit fonder son action dans le besoin de vivre des individus, afin d’imposer la paix à des gouvernements dont nous ne savons qu’une chose : ils considèrent que la guerre est un moyen banal, souvent souhaitable, de leur politique.
- Une chose est claire aujourd’hui, c’est que le cadre d’une quelconque renégociation du traité constitutionnel européen est incompatible avec le besoin populaire de paix qui exprime collectivement le besoin de vivre.

Résumé du premier épisode :
- La guerre, qui règle les conflits d’intérêts au prix du sang que versent les membres des peuples tout autant que les soldats, est un moyen d’agir en politique dont les actes attentent aux êtres humains individuels et collectifs sans laisser de place à une sauvegarde individuelle.

Deuxième épisode : mais qui sort vainqueur des guerres ?
- A toutes les époques, la littérature nous enseigne que les membres des peuples ont toujours ressenti la guerre comme une catastrophe : c’est un fait que chaque guerre ravage les conditions de vie du peuple vaincu ; mais aussi, les témoins des guerres ont toujours observé que les conditions de vie du peuple réputé vainqueur ont elles aussi été ravagées.
- C’est au point que lorsque l’histoire examine les résultats des guerres, elle atteste constamment que du point de vue des conditions de vie des peuples, aucun des peuples belligérants n’a gagné à faire la guerre : il n’y a pas de peuple vainqueur.
- La victoire de 1945 ne fait pas exception : les peuples sont sortis vainqueurs de la deuxième guerre mondiale parce qu’ils n’en espéraient nul profit ; cette guerre leur a été imposée par le fascisme, par le racisme, et leur victoire se confond avec la destruction de l’empire raciste de Hitler. En réalité, la victoire de 1945 a bénéficié au peuple allemand tout autant qu’au peuple français, pour ne parler que d’eux. Et si le peuple français a beaucoup payé pour cette victoire, si le peuple allemand a beaucoup souffert du racisme hitlérien, et il en a beaucoup souffert, ce sont les peuples soviétiques qui ont eu à subir, du seul fait de l’action des armées envoyées conquérir leurs pays par les gouvernements racistes, les plus lourdes pertes de cette guerre, et à fournir contre ces armées le plus gros effort de combat, et ni pour ces pertes, ni pour ces efforts, ni pour les ravages des conditions de la vie du peuple qui en sont résultés, aucun des peuples soviétiques n’a reçu de compensation.
- Du point de vue des conditions de vie des peuples, une guerre ne fait que des vaincus : la guerre d’un peuple contre un autre peuple n’a pas lieu d’être.
- Ce que nous constatons, c’est que l’intervention en politique des peuples conscients, c’est-à-dire la démocratie proprement dite, est essentiellement pacifiste, porteuse de paix : pour rendre la prochaine guerre impossible, il faut favoriser les progrès de la conscience nécessaire à l’intervention réelle des peuples en politique.

- Mais alors, qui sont ces gens qui espèrent tirer de la prochaine guerre un avantage tel qu’ils n’hésitent pas à utiliser leur pouvoir d’y lancer les peuples ?
- Ces gens sont assez peu nombreux : leurs fonctions dans la société leur donnent une vue d’ensemble de la marche politique et économique du monde ; ils président à titre privé, c’est-à-dire comme si ces intérêts étaient leur propriété privée légitime, à des intérêts comparables à un budget d’état, et qui peuvent être notablement accrus par les résultats d’une guerre.
- Ils considèrent la guerre comme un moyen d’accroître les intérêts auxquels ils président : ils espèrent accaparer une part des ressources naturelles que l’industrie des hommes puise dans un territoire, ou accaparer une quantité significative des moyens (usines, machines, réseaux de transport des marchandises, de l’énergie, de l’eau, etc...) de l’industrie de ce territoire, ou soumettre à leur loi un nombre significatif des travailleurs habitant ce territoire, et il va de soi que le bénéfice que ces gens tirent d’une guerre peut consister en une combinaison de ces trois objets.
- Ces gens ont assez de pouvoir sur la société pour créer de toutes pièces dans la population l’état d’esprit grâce auquel elle acceptera la guerre en faisant sien les objectifs qu’ils lui fixeront : les moyens par lesquels passe ce pouvoir sont la censure et la manipulation de l’information.

- Cela définit assez précisément ces gens : ils sont les membres de la petite société qui détermine l’économie en liaison étroite avec le gouvernement de l’état. Dans les sociétés dont l’économie est capitaliste, ce sont les membres d’un groupe qui réunit les chefs des plus grosses sociétés par actions, ceux des principaux trusts industriels et financiers, les directeurs des principales administrations de l’état, les ministres qu’ils influencent directement et le chef de l’état.
- Dans un pays comme la France, cela fait moins d’une centaine de personnes, dont moins d’une dizaine sont connues du public ; dans cette compagnie qui fixe les orientations que suivra le gouvernement, le mandat d’élu du peuple ne donne aucun pouvoir.
- Nous ne saurions sous-estimer l’importance de ce petit groupe excessivement discret : c’est lui, par exemple, qui a décidé de professionnaliser totalement l’Armée française, et cette décision a été imposée ensuite par le président de la République, en court-circuitant totalement l’assemblée nationale, pourtant seule compétente en cette matière.
- Une chose doit être clairement comprise : les intérêts populaires n’ont aucun représentant dans cette compagnie. De par son recrutement, les seuls intérêts qu’elle puisse prendre en compte et exprimer sont les intérêts privés des propriétaires des plus gros capitaux de notre pays et ceux des trusts auxquels ils participent et qui l’encadrent.

Résumé des épisodes précédents :
- La guerre est un moyen d’agir en politique qui soumet individuellement les membres des peuples aux intérêts d’un très petit groupe ; les membres de ce groupe obtiennent ce résultat en présentant leurs propres intérêts comme les intérêts collectifs de toute la société.
- Ceux des membres des peuples qui sont conscients savent que la guerre ne profite jamais aux peuples : ils savent qu’au contraire, le peuple du camp vainqueur sort lui-même vaincu de la guerre. Dans chacun des camps belligérants, les seuls vainqueurs possibles sont les membres du petit groupe dont il vient d’être question.
- Ces raisons doivent nous conduire à concevoir qu’une société pacifiste est celle dans laquelle le peuple détermine en conscience, selon ses intérêts véritables, la politique de toute la société : une telle politique serait en effet de nature à faire obstacle à la guerre. L’intervention consciente des peuples en politique pour leurs propres intérêts est de nature à faire réellement obstacle à la guerre.

Troisième épisode : le Roi, la guerre, la Nation, la paix
- Rappelons d’abord que la démocratie véritable est précisément le processus par lequel le peuple détermine en conscience et selon ses propres intérêts la politique de la société ; et constatons que nulle part dans le monde, la démocratie véritable n’est une réalité achevée : de bonnes âmes s’en croient autorisées d’opposer l’objection d’utopie à l’idée d’en appeler à l’intervention pacifiste des peuples. Mais cette objection n’est pas elle-même fondée en réalité ; elle n’est qu’un argument de l’idéologie du renoncement, et cette idéologie n’a pas d’autre usage que de faire obéir les peuples à des intérêts qui ne sont pas ceux de leurs membres.
- Les pacifistes sont devant la tâche de faire progresser la conscience sociale de telle manière que les peuples interviennent réellement en politique. En quoi consiste cette tâche ? Et d’abord, comment peut-on faire progresser la conscience sociale ?
- C’est ici qu’interfèrent l’être individuel et l’être collectif de l’humanité.
- Le support de la conscience, c’est l’individu humain : toute la pédagogie, implicite puis orale depuis que l’Homme est l’Homme, explicitement réfléchie par écrit depuis l’Antiquité, où des philosophes ont étudié l’éducation des enfants et ont écrit à son sujet, toute la pédagogie a pour objet la progression de la conscience individuelle, depuis l’état initial du nourisson jusqu’à l’âge, variable selon les ethnies, où l’adulte prend sa place dans la société.
- Nous observons ainsi que l’enfant développe sa conscience individuelle en vivant les échanges sensuels, affectifs et intellectuels qui le relient à son entourage, lequel, quel que soit le nom que nous lui attribuons, est toujours une partie de la société.
- Donc, la conscience individuelle existe, et elle met l’individu en relation avec la société.
- Qu’en est-il de la conscience sociale ? L’importance de ce concept tient à ce que les décisions souveraines se prennent en conscience.
- Pour l’Ancien Régime, comme en général pour toute société aristocratique, le roi porte la conscience de la société sur laquelle il règne ; sa conscience s’impose à tous ses sujets, à son royaume tout entier ; c’est ce que les philosophes des Lumières appelaient l’arbitraire royal.
- Dans un tel régime aristocratique, la société n’a pas de conscience collective, ou, selon les cas, la conscience collective de la société n’est qu’un autre nom de la conscience du roi : les consciences individuelles sont baillonnées.
- La révolution de 1789 a balayé les conceptions erronées de l’Ancien Régime.
- Elle résulte en effet d’un puissant mouvement populaire qui fondait ses revendications dans les progrès accomplis par la science depuis la Renaissance, eux-mêmes traduits en philosophie par les Lumières du dix-huitième siècle : au premier plan de ces revendications, le peuple avait placé deux revendications inséparables : l’égalité en droits de tous les habitants du pays, et la liberté des consciences individuelles.
- Le seul moyen de libérer les consciences individuelles était d’en finir avec l’attribution au roi, ou même au roi en son conseil, de la fonction de porter la conscience de son royaume : la révolution a mis fin à ce principe en proclamant que le propriétaire de la souveraineté est le peuple, en déchéant le roi de la souveraineté, en l’attribuant à un acteur qui l’exercera en formant à partir des consciences individuelles librement exprimées la conscience nécessaire pour prendre et assumer les décisions souveraines.
- Cet acteur est donc collectif : c’est la nation.
- La nation exerce la souveraineté lorsque les décisions souveraines sont prises selon la conscience que la société produit collectivement sous le contrôle et la responsabilité du peuple lui-même.
- Que l’on retrouve encore aujourd’hui les conceptions fausses de l’Ancien Régime à la base de nombre de régimes aristocratiques dans le monde ne justifie pas que nous cédions à l’incitation qui nous est faite de renoncer aux progrès que nous devons à notre Révolution.
- (à suivre)...

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