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Le débat de l’Assemblée nationale

Il n’y a pas de raison de prescrire les crimes de guerre !

N’en déplaise à la réaction dure !

samedi 21 août 2010, par Jean-Pierre Combe

- L’Assemblée nationale vient de voter, le 13 juillet 2010, la première loi française disposant que les crimes de guerre seront prescrits.
- Cette loi est violemment contraire à l’opinion et à la sensibilité des Français, et peu importe la durée pendant laquelle les poursuites, le jugement et le châtiment des coupables restent possible.

-Les partis durement réactionnaires nous disent que la sensibilité des Français, ni leur opinion, n’entrent en ligne de compte : leurs arguments ont été développés devant l’Assemblée nationale par Madame Alliot-Marie, Messieurs Bockel, Mariani, Goasgen : ce sont des arguments d’une extrême faiblesse, des arguments sans vie et sans âme :
- Leur premier agument a été de prétendre que la France n’était engagée par rien, par aucun accord ni traité international.
- Ayant ainsi écarté la discussion sur les traités et conventions internationales engageant la france, ils ont opposé deux arguments principaux à la revendication d’imprescriptibilité des crimes de guerre :

  1. la loi proposée ne supprimerait pas l’imprescriptibilité de ces crimes parce que le droit français les prescrirait au bout d’un délai de dix ans ;
  2. l’amendement proposé par Monsieur Grand, député de l’Hérault, s’il était introduit dans la loi, rendrait cette loi rétroactive.

- Les autres arguments de ces messieurs-dames ont autant de valeur que la roupie des sansonnets : leur vide le dispute à leur grotesque, et même à l’insultant pour nos amis anglais !
- Voici l’amendement proposé par Monsieur Grand : Les crimes de guerre, tels qu’ils sont définis par le protocole additionnel 1 du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, sont imprescriptibles quels que soient la date ou le lieu auxquels ils ont été commis.
- Pour évaluer leur premier argument, lisons la constitution : c’est elle en effet qui définit les sources du droit, c’est-à-dire les textes que les tribunaux doivent lire lorsqu’ils rédigent une sentence, c’est-à-dire lorsqu’ils ont à dire le droit. La constitution de la cinquième République précise en effet que les sources du droit sont les lois votées par notre parlement, la jurisprudence et les accords et traités internationaux ratifiés par la France. Un amendement récent à la constitution donne aux accords internationaux ratifiés une valeur contraignante supérieure à celle de nos lois !
- On ne peut donc pas gouverner comme gouvernent les politiciens de la réaction dure, comme si les engagements internationaux de la France n’existaient pas !
- En vérité, le droit français prescrivait-il les crimes de guerre avant le 13 juillet 2010 ?
- Aucune loi française n’en disposait ainsi ; quant à l’interprétation qui applique alors le droit commun, elle est d’abord, elle a toujours été, contraire à l’opinion et au sentiment populaires, qui ont toujours considéré que les crimes de guerre sont hors du commun ; elle est de plus contraire à la constitution, qui donne aux tribunaux deux autres sources que les lois pour qu’ils les consultent avant de se tourner vers le droit commun : la jurisprudence et les accords et traités internationaux.
- Or, les accords et traités internationaux dans laquelle la France s’est engagée dès 1943, sous la direction du général De Gaulle, chef de la France Libre, et constamment depuis, considèrent que les crimes de guerre, les crimes contre la paix et les crimes contre l’humanité doivent être poursuivis, leurs auteurs jugés et les coupables châtiés sans donner à ces poursuites ni au châtiment de limite dans le temps : c’est très exactement la définition de l’imprescriptibilité.
- Ainsi le 12 août 1949, les Nations unies, auxquelles la France participait pleinement, reprennent dans leurs conventions les principes des conventions interalliées qui ont défini le statut et la mission du Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg afin de les faire valoir dans la paix : dès cette date, le droit international poursuit les criminels de guerre, afin de les juger et de châtier les coupables, sans limite dans le temps.
- En 1968, une nouvelle convention précise que l’absence de limite dans le temps assignée aux poursuites et au châtiment signifie que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles quelle que soit la date où ils ont été commis : par cette convention, les Nations unies n’apportent aucune définition nouvelle : elles mettent seulement les points sur les « i », pour mieux écarter les interprétations abusives du droit international.
- Le moins que nous puissions dire à ce moment de nos constatations, c’est que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la source internationale du droit français a toujours déclaré les crimes de guerre, comme les crimes contre l’humanité et comme les crimes contre la paix, imprescriptibles !
- Mais il y a plus : en juin 1977, les Nations unies ajoutent des protocoles à la convention du 12 août 1949 : le 31 janvier 2001, notre Assemblée nationale, après notre Sénat, a voté à l’unanimité la loi numéro 2001-79 que le Président de la République et le Premier Ministre ont appliquée en apportant à l’ONU la ratification de la convention et l’adhésion à son premier protocole additionnel.
- Or, l’alinéa 7 de l’article 75 de ce protocole dispose que les personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité seront déférées aux fins de jugement conformément aux règles du droit international applicable : c’est-à-dire, comme nous venons de le voir, sans que la prescription puisse leur être appliquée.
- Que reste-t-il de l’argument de la réaction dure qui nous gouverne, selon lequel le droit français antérieur au 13 juillet 2010 prescrirait les crimes de guerre ? Rien !
- Voyons maintenant leur deuxième argument : la rétroactivité supposée de l’amendement de Monsieur Grand : cet amendement reprend, pour définir les crimes de guerre, le premier protocole additionnel à la Convention de Genève du 12 août 1949 : or, ce protocole n’introduit aucune rétroactivité dans son application : il dispose au contraire que les personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité seront jugées en vertu du droit applicable au moment où les crimes qui leur sont reprochés ont été commis. Où est la rétroactivité ?
- Il ne reste rien non plus de l’argument de la réaction dure de notre pays selon lequel l’amendement proposé par Monsieur Grand, s’il était adopté et introduit dans la loi en discussion, la rendrait rétroactive.
- Il en résulte que sur le point des crimes de guerre, la loi votée le 13 juillet 2010 par notre Assemblée nationale est une mauvaise loi et qu’elle contredit la constitution ; les citoyens de notre pays doivent se mettre en alerte : que la réaction dure obtienne le vote de mauvaises lois de cette manière cavalière et au moyen d’arguments faux, voilà qui rappelle les souvenirs d’autres temps, qui furent autant de désastres pour la démocratie ! il faut maintenant faire abroger cette loi, ou au moins faire abroger ses mauvaises dispositions.
- Le développement ci-dessus montre que les arguments avancés pour la faire passer, notamment ceux qui nient l’existence d’engagements auxquels la France a souscrit, ont violé la Constitution de notre pays ; de plus, le texte de la nouvelle loi entre en contradiction avec la source internationale que définit notre Constitution pour le droit français : l’honneur des députés et des sénateurs fidèles à la République serait maintenant de saisir la Cour constitutionnelle sur le caractère anticonstitutionnel de l’application de la prescription aux crimes de guerre ! il serait intéressant de savoir comment cette Cour résoudrait ce problème !

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