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Quatre septembre 1970 : la bourgeoisie annonce sa république

lundi 23 août 2010, par Jean-Pierre Combe

- La République, c’est le gouvernement de la nation par le peuple qui la constitue.
- Ce concept populaire est né des Lumières philosophiques longuement mûries dans les discussions populaires des dix-septième et dix-huitième siècle ;

- il a pris corps et réalité à partir de la prise de la Bastille, et surtout par l’intervention populaire qui, de 1792 à 1794, a sauvé la Révolution de l’intervention étrangère.
- La première définition qui lui fut donnée en France est la Constitution de l’an 1 de la République, rédigée par la Convention et proposée par elle à l’approbation populaire, à partir du mois de floréal an 2 de la République (mai 1794) : l’une après l’autre, les Assemblées primaires (qui étaient à peu près cantonales) approuvaient cette Constitution : la consultation évoluait vers une approbation massive lorsque la grande bourgeoisie y mit fin de vive force en portant le coup d’Etat du 9 thermidor an 2 de la République (27 juillet 1794).
- Les conséquences de ce coup d’Etat furent les suivantes : plusieurs dizaines de milliers de morts violentes victimes de la Terreur blanche (au bas mot dix fois plus que la Terreur n’avait fait de victimes), la fin de tout processus démocratique, la formation d’un Etat policier cynique et brutal, maintenu au prix du sang du peuple par la violence sous les noms successifs de Convention thermidorienne, de Directoire, de Consulat, d’Empire, de Monarchie restaurée, de Monarchie de Juillet, et de nouveau, d’Empire, jusqu’à ce que les troupes des princes allemands écrasent l’armée impériale en 1870 : le coup d’Etat de thermidor an 2 de la République marque le début de trois quarts de siècles de répression antipopulaire, antiouvrière et antirépublicaine dans laquelle la bourgeoisie engage ouvertement et officiellement toutes les ressources de son Etat, sans donner à cet Etat un nom d’emprunt !
- C’est un fait : pendant ces trois quarts de siècle, la République ne doit rien à la bourgeoisie ; c’est pour abattre toute idée de République que la bourgeoise applique au peuple une répression sanglante qui fit à elle seule, mises à part les guerres napoléonniennes, celles du Second Empire et la misère caractéristique de l’économie bourgeoise, plus d’une centaine de milliers de morts).
- Aux premiers jours de septembre 1870, l’armée impériale, avec à sa tête l’Empereur, Louis-Napoléon Bonaparte dit Napoléon 3, se laissait enfermer à Sedan et capitulait devant l’armée des princes allemands que conduisait le roi de Prusse Guillaume, que cette victoire fit empereur d’Allemagne, assisté de son chancelier Bismarck.
- La guerre avait été déclarée quelques mois plus tôt par Louis-Napoléon Bonaparte au roi de Prusse ; elle n’avait pas reçu d’adhésion populaire, c’est le moins que nous puissions en dire ; elle fut conduite par l’Etat-major impérial d’une manière irrationnelle, où l’absurdité semble dicter les décisions, lesquelles aboutissent à de véritables crimes ; ainsi conduits, les combats alimentèrent la fronde du peuple de telle manière que certains cercles bourgeois comprirent que l’occasion qu’ils attendaient était arrivée, pourvu seulement qu’ils sachent mobiliser à leur profit l’énergie populaire : l’été 1870 les vit comploter la déchéance de l’empire ; ils formèrent une équipe de chefs politiciens, et le 4 septembre, cette équipe proclama la République.
- L’armée impériale entièrement rendue prisonnière aux princes allemands, les armées allemandes s’empressèrent de mettre le siège devant Paris.
- En province, le peuple se mobilisait : en quelques semaines, une infanterie nombreuse approchait de Paris, menaçant les troupes assiégeantes par l’ouest, par le sud et par le sud-est, pendant que des francs-tireurs harcelaient les troupes allemandes sur tous les itinéraires qu’elles parcouraient et tentaient de garder entre Paris et leurs bases en Allemagne : la victoire allemande était plus qu’incertaine !
- Il faut le dire : l’équipe qui s’était proclamée « gouvernement provisoire de la République » est restée dans la conduite de la guerre aussi irrationnelle que l’avait été le gouvernement impérial, envoyant, par des décisions absurdes, de nombreux travailleurs à un sacrifice inutile ; en même temps, l’un des principaux participants du complot contre l’Empire, Adolphe Thiers, consacrait beaucoup de temps et d’efforts à freiner les armées venues de province, à désespérer leurs hommes en surestimant beaucoup les effectifs assiégant Paris : ce gouvernement agissait comme s’il comptait que la présence de l’armée prussienne l’aiderait à briser les ressorts de l’initiative populaire et à maintenir le peuple dans l’obéïssance politique !
- Les Parisiens ont bientôt surnommé ce gouvernement « la République des quatre Jules », selon les prénoms de quatre de ses membres ; c’est que ce régime, s’il avait déchu l’Empire de Louis-Napoléon Bonaparte, n’était pas une République, au sens que les travailleurs de France donnaient à ce mot. Le nom de République lui-même n’est devenu définitif qu’à la fin de janvier 1879, lorsque Mac-Mahon eut démissionné de la Présidence : il a fallu tout ce temps pour mettre en fonction les nouvelles structures du pouvoir, dans lesquelles le pouvoir de diriger l’économie était placé hors de portée des assemblées élues au suffrage demi-universel et de l’équipe baptisée « gouvernement » que ces assemblées contrôlaient.
- C’est ce régime que par la suite Marx, puis Lénine, appelleront « République bourgeoise », en dénonçant sa nature d’Etat bourgeois. Je le répète : ce régime n’est pas né entre 1789 et 1794, mais entre le quatre septembre 1 870 et le mois de janvier 1879 !

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