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Résister, aujourd’hui encore et jusqu’à la victoire

Discours prononcé devant la Stèle de Clergoux consacrée à la Résistance sur le plateau des Etangs

lundi 6 juin 2011, par Jean-Pierre Combe

- Chers camarades et amis,
- Vous venez de voir l’exposition réalisée par le Comité de la Stèle de Clergoux et consacrée à la Résistance sur le plateau des Etangs ; je dois préciser que le comité du Plateau des Etangs de l’ANACR a encouragé et soutenu le projet de cette exposition aussitôt qu’il s’est formé. Dernièrement encore, il y a dix jours, nous avons organisé un loto afin d’en verser le bénéfice au budget de sa réalisation.
- Nous comptons bien que le Conseil général et le Conseil régional, qui ont été sollicités, apportent chacun sa quote-part, afin de permettre au Comité de la stèle de boucler ce budget, ce qui nous permettra de montrer cette exposition dans toutes les communes du Plateau des Etangs et au-delà.

- Vous avez remarqué l’importance qu’elle donne au programme que le Conseil national de la Résistance a rédigé et publié sous le titre Les Jours heureux. Soyez bien convaincus que ce programme a eu dans la libération de notre pays une importance qui dépasse de beaucoup la place que lui donne cette exposition : en réalité, c’est lui qui a défini les objectifs pour lesquels notre peuple mettait de plus en plus de forces dans la guerre qu’il faisait aux forces armées fascistes et nazies, et c’est lui, de cette manière, qui a assigné à l’insurrection nationale libératrice les objectifs extrêmement mobilisateurs pour lesquels elle s’est développée jusqu’à ce que l’armée française nouvelle, réalisant l’amalgame des troupes de la Résistance et des troupes de la France Libre, prenne part aux combats des troupes alliées, porte notre drapeau national jusqu’à Berlin et participe à l’acte de capitulation de l’empire hitlérien.
- Là n’est pas la fin de l’histoire du programme Les Jours heureux ; la défaite des troupes mussoliniennes et hitlériennes n’était pas l’objectif suprême des combats libérateurs ; le texte du programme est clair : il fallait encore tirer les leçons de la défaite de 1940 en éliminant ses causes, c’est-à-dire « en rendant aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation ».
- Il fallait donc transformer complètement les institutions politiques et économiques de notre pays, notamment « en établissant la démocratie la plus large, en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel, en assurant la liberté de penser, de conscience et d’expression, ..., en assurant le respect de la personne humaine et l’égalité absolue des citoyens devants la loi ». Notamment.
- Dans cette perpective concrète, Les Jours heureux assignait au futur gouvernement la mission :

  • « d’instaurer une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie,
  • d’organiser rationnellement l’économie en subordonnant les intérêts particuliers à l’intérêt général et en l’affranchissant de la dictature professionnelle instaurée à l’image des états fascistes,
  • de rendre à la nation les grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, les sources d’énergie, les richesses du sous-sol, les compagnies d’assurances et les grandes banques,
  • de développer et de soutenir les coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales,
  • et de garantir aux ouvriers possédant les qualifications nécessaires le droit d’accéder aux fonctions de direction et d’administration de l’entreprise, ainsi que la participation des travailleurs à la direction de l’économie. »

- Tout cela en plus des réalisations plus connues que sont la généralisation des régimes de retraites et l’instauration de la Sécurité sociale, financés par répartition, le statut de la Fonction publique, les Comités d’Entreprise, ...
- En même temps, le programme Les Jours heureux assignait au futur gouvernement de la France d’étendre les droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales, ce qui ne pouvait que conduire à très brève échéance à la décolonisation.
- Et comme une responsabilité supérieure allait incomber aux citoyens de cette France transformée, le programme du Conseil national de la Résistance assignait encore aux futurs gouvernements de la France la mission de transformer sans délai le système de l’instruction publique de notre pays (les écoles, centres d’apprentissage, collèges, lycées, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur) afin « de donner à tous les enfants de France l’instruction et l’accès à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leur parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer, et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ».

- Tel était, tel est le programme du CNR ; son premier objectif, la défaite des empires racistes (fasciste et nazi) fut atteint au printemps de 1945.
- La guerre finissant, les gouvernements que présidait le général De Gaulle se mettaient à la tâche fixée par le Conseil national de la Résistance. Leur action ne se heurta pas seulement aux difficultés de la tâche : ceux qui se savaient menacés par les objectifs de la Résistance faisaient obstacle sur obstacle.
- Menacés, ils l’étaient, oui, mais pas dans leur vie ni dans leur personne : ils étaient menacés dans la puissance que leur donnaient les capitaux terriens, miniers, industriels, commerciaux et financiers qu’ils possédaient ; la menace de nationalisation de leurs entreprises pesait sur les plus riches d’entre eux.
- Pour rester les maîtres de cette puissance et les détenteurs de cette richesse, ils entreprirent immédiatement de saboter l’action des gouvernements de la Libération et de faire obstacle à la mise en œuvre de la politique définie par le Conseil national de la Résistance.
- Avec l’appui de leurs pareils d’Angleterre et des Etats-unis, ils obtinrent le changement de politique opéré par le gouvernement le 27 mai 1947 : ainsi, la mise en œuvre du programme du CNR n’aura été que partielle et n’aura duré que deux ans et demi.
- Mais les conséquences de ces trente mois de transformations démocratiques eurent dans notre pays une très grande importance : les trente années de prospérité et de dignité nationale qui ont suivi sont l’effet des nationalisations opérées entre 1944 et 1948, de la forte augmentation des salaires, de l’existence des Comités d’entreprise, de la Sécu, des régimes de retraites, du statut de la fonction publique, ..., et n’ont donc pas d’autre cause que les trente mois de mise en œuvre du programme du CNR par les gouvernements que le général De Gaulle avait présidés.
- Soixante quatre ans se sont écoulés depuis ce revirement politique : les trente années de prospérité ont été suivies de plusieurs décennies de crises succédant aux crises à l’image des perles d’un collier. Au cours de ces soixante quatre ans, toutes les réalisations de la Libération ont été soumises à un démontage progressif qui s’avère aujourd’hui total, et nos gouvernements s’efforcent de mettre toute leur expérience, bonne ou mauvaise, aux oubliettes.
- Notre dignité nationale n’est plus qu’un glorieux souvenir, et la prétendue « classe politique » gère notre pays comme les proconsuls gèrent la province, et cela consiste à attendre les décisions prises dans la capitale de l’empire...
- Tout semble dire aujourd’hui que les propriétaires des plus gros capitaux actifs dans notre pays ont mené à bien leur entreprise de destruction de la politique du CNR : et tout montre qu’ils ont mis la France en ruines !
- Que nous reste-t-il de la Résistance, de la Libération et de ce qui s’en est suivi ?
- Il nous en reste d’abord le souvenir déjà flou, déjà estompé, de jours qui furent heureux ; en reste aussi l’expérience si riche des luttes populaires qu’il a fallu mener pour que soit mis en œuvre le programme du CNR, puis pour défendre les réalisations de la Libération ; et encore sans doute une meilleure connaissance de ceux qui s’opposent à cette politique, vous savez, ces gens riches à l’excès, égoïstes, orgueilleux et arrogants au point de réfuter le droit d’une ouvrière à la dignité et à l’intégrité de sa personne !
- Nous y avons appris que ce que notre nation a pu faire en 1944 contre ces ploutocrates et malgré leur sabotage, elle peut encore le faire aujourd’hui, pourvu que notre peuple renie les illusions, qu’il rejette les leurres et les faux-semblants, et qu’il s’unisse sur ses propres intérêts.
- Ce que notre nation a pu faire en 1944, nous pouvons donc le faire une fois encore, à condition de résister, de ne pas nous soumettre, de faire valoir nos intérêts contre ceux des propriétaire privés qui accaparent profits et capitaux.

- Le 14 mai dernier, un comité d’anciens Combattants de la Résistance et de la France libre réuni au plateau des Glières, commune de Thorens, en Haute-Savoie :

  • a appelé à constater que les valeurs inscrites en 1944 par le Comité national de la Résistance dans son programme Les Jours heureux sont toujours actuelles et porteuses d’espoir ;
  • dénonçant les manœuvres politiciennes par lesquelles certains entreprennent de soumettre les élections de 2012 à leurs intérêts particuliers, a émis le souhait que tous les citoyens, tous les partis, tous les syndicats, toutes les associations « participent à l’élaboration d’un Projet de Société du 21ème siècle en repartant du programme du CNR Les jours heureux adopté le 15 mars 1944 » ;
  • a rappelé explicitement l’obligation qui incombe aux candidats et aux titulaires d’un mandat public de garantir l’égalité, la liberté et la fraternité, et rappelé la discipline à laquelle ils doivent se plier faute de laquelle ils ne peuvent en aucun cas apporter cette garantie.

- Nous ne sommes pas seuls à penser que les valeurs de la Résistance sont le socle nécessaire de toute politique démocratique et républicaine ; oui, il est temps de nous doter d’un bon programme, de ce que l’appel du 14 mai 2011 nomme un projet de société.
- Comment penser le programme pour la résistance d’aujourd’hui ? Relisons Les Jours heureux : nous verrons que dans tous les domaines, le programme du Conseil national de la Résistance fournit la base nécessaire à tout projet d’une société démocratique, et que de plus, l’histoire de la politique qui en découlait nous présente une expérience concrète dont le rappel est aujourd’hui nécessaire à tout effort d’union du peuple de France.
- Rappelons-nous une donnée majeure de notre expérience historique : l’union du peuple de France est la seule force capable de rendre à tous les citoyens de notre pays la liberté, l’égalité en droits et la fraternité sans lesquelles il serait vain de parler de démocratie.
- Clergoux, le 29 mai 2011 ; Jean-Pierre Combe, président du Comité ANACR du Plateau des Etangs

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