A l’approche des élections de 2012, certains acceptent comme une évidence que les communistes soutiennent le Front de Gauche.
Je suis communiste : je doute de l’évidence, et je cherche les raisons !
Une première se présente : c’est que le Front de Gauche fédère le PCF avec le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon.
Cette raison plus tristement administrative que véritablement politique n’est pas convaincante, à cause du très grand nombre de communistes qui ont cessé d’être membres du PCF tout en restant communistes : la décision prise par le PCF d’entrer dans le Front de Gauche engage peut-être les membres du PCF ; mais elle ne saurait obliger les communistes en général.
Un objet plus sérieux, plus politique, attire mes doutes : le programme ; celui du Front de Gauche est-il compatible avec l’orientation politique que les traditions des luttes démocratiques et ouvrières en France ont élaborées en lui donnant dès le dix-neuvième siècle le nom de communisme ?
Les militants ouvriers du Parti socialiste SFIO, revenant des tranchées en 1918, revendiquaient de mettre leur parti dans cette orientation ; ils ont voté l’adhésion à l’Internationale communiste (par trois mandats sur quatre) parce qu’ils avaient reconnu que les conditions de cette adhésion leur permettraient de le faire et d’en répondre eux-mêmes.
Quatre principes explicitement discutés pendant le dix-neuvième siècle permettent de définir cette orientation ; les deux premiers résultent de la Révolution française, et Gracchus Babeuf a beaucoup fait pour les mettre en lumière :
- le refus de la misère qui accable les travailleurs tout au long de leur vie ;
- la condamnation des privilèges dont jouissent les membres des familles les plus riches et grâce auxquels ils dirigent toute la société, quelle que soit la composition de la Chambre des Députés.
Ces deux premiers principes fondaient la revendication populaire de la République, que notre peuple n’a jamais séparée de celle du socialisme.
- La conscience que ces privilèges sont assurés aux bourgeois riches par l’étendue des biens et entreprises qu’ils possèdent à titre privé, et par le dénuement des prolétaires, qui les oblige à travailler pour les propriétaires de capitaux ;
- la volonté qui résulte de tout cela de confisquer aux capitalistes les capitaux réels et financiers, et de les soumettre à une propriété nationale grâce à laquelle les prolétaires pourront conduire la production de telle manière que personne ne sera abandonné à la misère.
Ces deux principes-ci, très logiquement liés aux précédents, sont ceux sur lesquels Karl Marx et Friederich Engels ont travaillé tout au long de leur vie, et pour lesquels ils ont produit leur théorie de la Révolution.
Je suis communiste : j’ai reconnu le réalisme de ces principes, donc la possibilité de les réaliser ; par conséquent, je cherche si le programme du Front de Gauche est compatible avec eux.
Or, ni dans le texte affiché sous le nom de Projet sur le site internet du Front de Gauche, ni dans les travaux qu’il a diffusés pour préparer les élections de 2012, je ne trouve rien qui me permette d’espérer pouvoir agir en cohérence avec les principes du communisme ; au contraire : ces textes encadrent l’action dans des principes qui respectent les protections mises en place par les propriétaires des plus gros capitaux contre les légitimes revendications populaires.
Je lis dans les textes du Front de Gauche une invitation à renoncer, ou au moins à surseoir à l’action révolutionnaire qui caractérise le communisme ; cette invitation me rappelle la politique adoptée en 1947 par la direction du PS-SFIO, en vertu de laquelle les ministres membres de ce parti ont réprimé par la violence armée les légitimes revendications ouvrières, notamment dans les mines, la Poste, les usines Renault à peine nationalisées,…
M’est-il possible de soutenir une telle politique ? Non !
En l’absence de candidats véritablement communistes, s’engageant pour une politique véritablement communiste, je ne peux que rappeler que les citoyennes et les citoyens, dans le secret de l’isoloir, sont libres de voter selon leur conscience, et que le vote blanc est aussi un vote.