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A propos des « djihadistes » français

mercredi 29 janvier 2014, par Jean-Pierre Combe

- Dans l’Echo du 28 janvier 2014, je lis à propos des deux lycéens « apprentis djihadistes » français récupérés à la frontière de la Turquie et de la Syrie ce commentaire du ministre de l’Intérieur, selon lequel l’afflux de djihadistes français vers la Syrie constituerait le plus grand danger auquel nous devions faire face dans les prochaines années.

- Ce ministre s’est-il demandé comment et pourquoi ce danger est apparu ? Je veux lui donner une piste sérieuse pour répondre à cette question : aucune religion au monde n’a jamais renoncé à sa prédication ; et les prédications religieuses ont toujours donné lieu à des dérives intégristes, parfois simultanément diverses, lorsque des notables religieux prétendaient s’en servir pour accumuler davantage de richesse ou prendre davantage de pouvoir, ce qui n’est pas incompatible : dans le royaume de France, les prédications du protestantisme, de l’Islam et du judaïsme ont seulement toujours été tenues dans la marge par les choix religieux des rois de France et par la prédication catholique romaine, en même temps que les philosophes, savants, écrivains et artistes des Lumières ébranlaient les carcans papistes qui étranglaient leurs disciplines.
- La Révolution française a reconnu la citoyenneté des protestants, puis des juifs, en même temps qu’elle formulait les principes de l’Instruction publique : cette institution publique devait bénéficer à tous, notamment à tous les enfants, quelle que soit la religion de leur famille, sans obliger les enfants à quitter leur religion.
- Dans cet esprit, aussi bien Condorcet que Lepelletier de Saint Fargeau assignaient à l’enseignement que l’Instruction publique devait dispenser la mission de développer l’esprit critique de ses élèves de tous âges et des deux sexes, et à cette fin, plaçaient les Lumières philosophiques et scientifiques, ainsi que la littérature classique, au cœur de cet enseignement.
- Un siècle durant, les principes alors posés sont restés à l’état de revendications républicaines : ils n’ont connu de commencement de réalisation en France qu’un siècle après la Révolution, dans l’institution de l’Ecole publique laïque ; encore leur réalisation est-elle toujours restée partielle : les écoles, collèges et lycées de France sont toujours restés très en-deçà des principes posés par Condorcet et par Lepelletier de Saint Fargeau.
- Quoi qu’il en soit, l’institution de l’école laïque et le renforcement des principes laïcs des enseignements secondaires faisaient faire des progrès à l’esprit critique de la population française ; ces progrès ont été arrêtés par les réformes réactionnaires commencées en 1964 par le ministre de l’Education nationale Olivier Guichard et continuées depuis par tous les autres ministres (sauf par Edgard Faure de juin 1 968 à juin 1969 et par Alain Savary de 1981 à 1984) ; mais depuis 1964 , et malgré ces deux ministres, l’esprit critique des Français s’affaiblit d’année en année .
- Ce qu’il faut remarquer pour répondre à la question posée ci-avant, c’est que les prédications religieuses sont pratiquement restées limitées à la religiosité des croyants, qui est chose privée, jusqu’à ce que les réformes réactionnaires commencent à produire leurs effets destructeurs sur les contenus des enseignements publics : c’est réellement depuis un demi-siècle que nous voyons grandir en France le danger que représentent les intégrismes de toutes les religions (et pas seulement l’intégrisme islamiste).

P.-S.

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