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Violence policière, ou police embringuée dans la violence de classe ?

mardi 19 juillet 2016, par Jean-Pierre Combe

Depuis des années, l’action des gouvernements français aggrave sans cesse la violence quotidienne exercée sur le peuple par les capitalistes qui exploitent sa force de travail : l’année dernière, le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve a lancé une nouvelle aggression, dont les objectifs sont annoncés dans le projet dit « Loi El Khomri ».

Dès que nos compatriotes eurent compris le sens de ce projet, ils ont commencé de manifester leur refus, et donc, de revendiquer son retrait : ce mouvement a très vite dépassé les seuls salariés de l’industrie et n’a cessé de s’exprimer par de nouvelles voies, de s’étendre et de gagner en intensité, progressivement certes, mais en débordant les uns après les autres les obstacles par lesquels le gouvernement et la classe bourgeoise riche tentaient de le canaliser.

Visiblement, notre peuple refuse ce projet de loi ; pourtant, le gouvernement Valls-Hollande-Cazeneuve s’entête et tente de dresser un formidable barrage policier pour contenir le mouvement de revendication, espérant pouvoir le réprimer.

Dans l’atmosphère délétère créée par les glissements qui entraînent notre gouvernement vers l’adoption de méthodes toujours plus autoritaires et arbitraires, la complexité des violences qui ont accompagné cette répression nous met en danger d’en produire une analyse incomplète, voire simpliste, qui peut déclencher un déferlement de la pire violence réactionnaire qui soit, la violence fasciste et nazie.

Il convient donc d’ouvrir les yeux et de réfléchir, en tenant compte, pour être efficaces, de l’expérience historique du mouvement ouvrier, du mouvement populaire de notre pays.

Cette expérience nous montre d’abord à l’évidence que la plus essentielle en même temps que la plus fondamentale violence subie en France depuis plus de deux siècles par la classe ouvrière, par le peuple travailleur tout entier, est la violence de l’exploitation que lui impose la bourgeoisie capitaliste, qu’elle soit financière ou industrielle.

L’expérience biséculaire que nous en avons nous enseigne que l’Etat a toujours appliqué toutes ses administrations à assurer cette exploitation : en particulier, il applique en permanence les forces armées (l’armée de ligne et la police) à réprimer les actions que la classe ouvrière entreprend pour alléger le fardeau des prélèvements du profit capitaliste : c’est en cela que l’Etat est bourgeois.

Cela doit nous conduire à penser, et à ne jamais oublier que la police et l’armée, qui sont des administrations de l’Etat, ne sont pas les causes des violences que nous subissons : elles n’en sont que des moyens ; il convient d’une part de prendre conscience de l’existence et de l’activité d’autres moyens, et d’autre part d’examiner les autres fonctions de la police, de l’armée et des autres administrations de l’Etat.

Il faut aussi penser que ce sont les plus riches bourgeois, propriétaires des plus gros capitaux, dont l’intérêt constant au cours des décennies est d’assurer et d’accroître le prélèvement du profit qu’ils incorporent à leurs capitaux, de réprimer et de faire taire toute revendication salariale, c’est-à-dire toute revendication dont la satisfaction aurait pour effet d’améliorer le maintien et la reproduction de la force de travail.

Le caractère bourgeois de l’Etat résulte de ce qu’il est institué pour la mission de mettre en valeur l’intérêt de la bourgeoisie et en fonction de cette mission ; c’est pour cela qu’en réalité, pour tout ce qui concerne la répression anti-ouvrière, ce ne sont pas les ministres, directeurs et chefs qui assignent les missions des administrations, ce sont les plus riches bourgeois, propriétaires des plus gros capitaux.

Rappelons-nous que ceux-ci sont mis par leurs affaires en relations permanentes et étroites : ce réseau fait de leur groupe une société d’affaires et de confiance, ce qui s’appelle un trust en anglais ; comme tous les trusts, il donne à ses membres la possibilité de coordonner leur gestion des biens que chacun contrôle au moyen de ses capitaux ; or, l’étendue et la nature de ces biens mettent ce petit groupe en mesure d’obliger le gouvernement à prendre les intérêts de ses membres pour cadre de sa politique : en fait, c’est ce groupe qui gère la division du travail de toute la société : ce réseau d’affaires et de confiance est donc le véritable gouvernement du pays, et il en est ainsi dans tous les pays capitalistes !

Nous le constatons chaque fois que l’évolution des mentalités populaires tend à mettre en cause et en difficulté l’exploitation capitaliste, même lorsque les lois en vigueur permettent cette mise en cause.

C’est le cas en France en ce moment même : tout cela doit éclairer à nos yeux les développements politiques dont font partie les violences dont nous sommes les témoins depuis ce printemps.

Dans ces développements, nous avons d’abord observé qu’un grand nombre de nos concitoyens, surtout parmi les salariés, rejettent la « loi El Khomri », et que ce nombre grandit au fur et à mesure de la diffusion de son contenu : ce que nous refusons, c’est de sacrifier, de réduire à presque rien nos droits de vivre dignement !

A l’automne, la réponse populaire aux attentats terroristes de Paris fut une très profonde condamnation s’exprimant par des défilés de deuil dont les participants n’ont pratiquement jamais rejeté les tracts que les membres de PRCF diffusaient : les participants de ces défilés comprenaient parfaitement que nous jugions ces attentats du point de vue politique, et que s’en abstenir ferait le jeu des terroristes, en même temps que cela permettrait toutes les récupérations réactionnaires de la condamnation populaire.

D’ailleurs, nous faisions aussitôt une série d’observations :

  • d’abord, le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve tentait de récupérer cette condamnation en faisant voter et mettre en vigueur la loi d’« Etat d’urgence » ;
  • aussitôt, la grande majorité de notre peuple mettait en doute l’efficacité de l’« état d’urgence » dans la lutte contre le terrorisme, et interprétait corrélativement cette loi comme un moyen de répression tourné contre les manifestations hostiles aux lois réactionnaires qui démantèlent les restes des réalisations que nous devons au Conseil national de la Résistance et aux gouvernements de la libération ;
  • en même temps, le gouvernement lançait le processus qui doit donner valeur légale à la « loi El Khomri » ;
  • ensuite s’est diffusée le constat que la « loi El Khomri » n’émane pas du gouvernement qui siège à Paris, mais de celui de l’UE (Union européenne).

Ceux de nos concitoyens qui se voient directement menacés par la « loi El Khomri » sont les premiers à rejeter la mise en place par le gouvernement d’un barrage légal visant à limiter notre liberté d’expression et à réprimer les manifestations revendicatives.

Plus largement, beaucoup d’entre nous voient dans la concommitance de ces évènements une très grave menace qui, de plus, nous dépasse largement : la décision pertinente fut de manifester malgré les interdictions, dans le calme, d’une manière évidemment pacifique, avec pour principale force notre nombre, la cohérence de notre revendication, notre détermination, et la capacité de durer que cela nous donne.

Tout en délibérant dans les syndicats d’entreprise, les travailleurs ont donc entrepris de manifester, de délibérer de leurs affaires communes au-delà des entreprises, voire dans la rue, de dire et redire leur rejet de la loi « El Khomri », et de dénoncer comme une faute commise par le gouvernement toute répression policière de ces manifestations, dont la loi d’Etat d’urgence énonce la menace.

Au début, les confédérations syndicales, réticentes, subissaient la pression de ces manifestations auxquelles leurs syndicats de base, surtout ceux de la CGT, participaient pleinement ; l’initiative des Nuits Debout, prise pour faire face tout à la fois au mutisme des confédérations et à une interdiction de manifester formulée par la maire de Paris, est apparue comme un emblème pour un mouvement populaire aux développements divers.

Quant au gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve, il brandissait l’Etat d’urgence et employait tous les moyens de l’intimidation pour tenter d’empêcher les citoyens de manifester : présence policière massive, tronçonnage de défilés, encerclement et garde de groupes de manifestants par un rideau fermé de policiers (comme dans des nasses, disent les victimes), usage de gaz lacrimogène, … ; il faut observer que les forces de l’ordre, localement, n’appliquaient pas toutes le même zèle à exécuter les ordres reçus.

Ces comportements déplacés de la police ajoutaient au ras-le-bol de la population travailleuse l’excès (la « goutte d’eau » de trop) qui faisait sortir de leurs gonds les moins expérimentés des manifestants : ils provoquaient chez eux des réactions de colère irréfléchie ; il faut comprendre, par conséquent, que le seul tort de ces manifestants est d’avoir suivi leur colère, qui est très mauvaise conseillère et les a fait tomber dans la provocation : ils ne sont pas coupables des dégâts qui ont suivi !

Mais des groupes irresponsables ont trouvé là le prétexte qu’ils attendaient pour entrer en action : leur tactique est en effet de se mêler aux manifestants pour stimuler et amplifier les mouvements que la colère leur inspire, et provoquer de beaucoup plus grands dégâts ; ils disent suivre des théories selon lesquelles toute révolution serait l’œuvre destructrice de minorités agissantes, que les foules suivraient comme des troupeaux de moutons ; l’histoire de notre mouvement ouvrier nous rapporte plusieurs exemples de tels groupes irresponsables : dans tous les cas, l’effet de leur action fut de donner à la police des occasions d’intervenir dans les désordres créés par eux, à un moment et d’une manière tels qu’elle peut arrêter le plus grand nombre possible de manifestants non membres de ces groupes, et les charger des accusations les plus lourdes possibles ; mais les membres de ces groupes éventuellement pris dans ces rafles sont rarement présentés au parquet, et presque jamais condamnés par la justice : dans notre histoire, il est arrivé plus d’une fois que les militants ouvriers reconnaissent parmi eux des policiers !

Devant ces faits, nous devons déjà comprendre que les corps de police sont complexes, et que les policiers ne cultivent pas tous la même représentation des mouvements de la société : les gouvernements jouent évidemment de ces différences.

Cependant, nous avons observé aussi l’action de groupes autres que ceux que nous appelons ci-dessus les « groupes irresponsables » : par exemple, ceux qui ont brisé les vitrages de l’hôpital Necker à Paris n’agissaient pas dans la manifestation, mais en avant d’elle, avant qu’elle soit sur place, et même s’ils étaient hors de vue de la section de police la plus voisine, personne ne peut croire que le commandement de la police ne les observait pas, qu’il ignorait ce qui se passait ; un autre exemple a été observé à Rennes, où des casseurs ont opéré dans une rue commerçante en l’absence de la police et de toute manifestation, très tranquillement, comme une section de fantassins à l’exercice !

Ces deux exemples ne sont pas les seuls : nous devons donc les prendre au sérieux ; leur description n’invoque pas les schémas pouvant décrire l’action des « ultra-gauches » ni celle des anarchistes ; leur tactique rappelle bien davantage celle de commandos bien entraînés qui agiraient en coordination avec la police, mais sans être sous ses ordres. Que peuvent être de tels commandos ?

Ils sont entraînés à un très haut niveau sportif, militairement organisés et disciplinés, et totalement clandestins : pour les recruter, les entraîner, les sélectionner, assurer leur nourriture, leurs logements, leurs déplacements et le secret de leur fonctionnement, il faut de gros moyens financiers, immobiliers et hôteliers : ce n’est pas à la portée des prolétaires, ni même des petits-bourgeois !

Seule, une société de confiance et d’affaires (un trust), formée avec toute la discrétion nécessaire par de très grands bourgeois et étroitement reliés aux cabinets ministériels peut soutenir ces commandos, les financer et les former ; et bien entendu, qui paye les violons commande la musique : c’est ce trust qui désigne les chefs et l’état-major de ces commandos, et qui leur assigne leurs missions.

En vérité, l’existence de telles formations para-militaires clandestines n’est pas une nouveauté en Europe : rappelons-nous les milices racistes des différentes dictatures bourgeoises qui ont déchiré les nations de l’Europe à partir de 1918, les Faisceaux de Mussolini en Italie, les SA (Sturm Abteilungen - Sections d’Assaut) et SS (Schütz Staffel - Escadrons de Protection) de Hitler en Allemagne, le CSAR (Comité Secret de l’Action Révolutionnaire, surnommé la Cagoule) en France, puis en France occupée la Milice Française de Philippe Pétain…

Pensons aussi aux dégâts et aux crimes des escadrons de la mort dans divers pays de l’Amérique Latine, notamment ceux des « paramilitaires » en Colombie !...

L’origine française de ces commandos clandestins de la haute bourgeoisie est beaucoup plus ancienne : elle remonte à la Révolution française.

Leur première réalisation procède de la conjonction, le 5 août 1789, de deux forces contre-révolutionnaires : au matin de ce jour fut adopté et mis en vigueur le décret de l’Assemblée constituante dit « d’abolition des privilèges » : ce décret avait été délibéré par l’Assemblée constituante convoquée d’urgence au lendemain de la prise de la Bastille par le peuple de Paris ; la prise de la Bastille faisait suite au mouvement des insurrections paysannes qui se développait depuis l’automne 1788 : les paysans attachés aux domaines seigneuriaux investissaient les châteaux de leurs seigneurs, mettaient la main sur les titres de la propriété nobiliaire et les détruisaient, ruinant les seigneurs concernés en même temps qu’ils anéantissaient les espoirs des bourgeois riches d’en devenir propriétaires ; ces insurrections se répandaient de proche en proche : il apparut au mois de juillet qu’elles menaçaient de balayer tout le royaume ; la prise de la Bastille montra à l’évidence aux députés des trois ordres à l’Assemblée constituante que ce mouvement révolutionnaire détruirait l’ordre féodal avant de s’arrêter : pour sauvegarder les biens des privilégiés de l’Ancien Régime, et les ambitions bourgeoises d’en devenir maîtres, il fallait donc d’urgence encadrer l’abolition de l’ordre féodal.

Et de fait, le décret du 5 août 1789 abolissait seulement les privilèges qui ne rapportaient plus de revenu à leurs titulaires : pour les autres, il les déclarait rachetables en droit bourgeois ; cette disposition n’obligeait pas leurs titulaires à les vendre, mais à les gérer désormais dans le cadre du droit bourgeois : le décret dit « d’abolition des privilèges » n’enlevait pas aux aristocrates le privilège de la richesse : il les transformait seulement en bourgeois, et les protégeait comme il protégeait les prétentions de la bourgeoisie elle-même en excluant les paysans, trop pauvres, de tout accès à la propriété des terres qu’ils cultivaient depuis des générations.

Telle est le principe politique de l’alliance de la bourgeoisie riche avec l’aristocratie de naissance.

Ce principe posé, les nouveaux alliés s’attachèrent à le faire entrer dans la réalité concrète ; cela prit trois ans.

Les bourgeois riches et les aristocrates se mirent les uns et les autres en action selon leurs compétences ; l’Assemblée constituante rédigeait une constitution qui ferait du roi le chef de l’Etat bourgeois ; pendant ce temps, les aristocrates ânonaient la gestion de leurs propriétés selon le droit bourgeois, tout en cultivant l’espoir que leur qualité de serviteur du roi, c’est-à-dire du chef constitutionnel de l’Etat bourgeois, leur vaudrait une fonction d’autorité au sein de l’Etat dont il était désormais le chef ; en attendant, ils reconstituaient leurs troupes de « gens d’armes » sans se mettre sous l’autorité de la représentation nationale, c’est-à-dire hors les lois nouvelles qu’ils se refusaient à reconnaître ; quelques-uns prenaient des commandements dans la Garde Nationale (le plus célèbre est Gilbert du Mortier marquis de La Fayette, qui a changé son nom pour celui de Lafayette), d’autres rassemblaient leurs pairs, les autres enfin recrutaient parmi les gens pour qui les lois nouvelles et celles en cours d’élaboration n’avaient pas plus d’importance que les anciennes, ou parmi les jeunes bourgeois qui considéraient que la révolution avait atteint les objectifs de leur classe, et que par conséquent elle devait s’arrêter, ce qui les conduisait à prendre les armes pour y mettre fin ; les aristocrates connaissaient le « métier des armes » : ils formaient ces recrues comme ils avaient formé les soldats sous l’Ancien Régime, sauf que désormais leur arme d’usage courant n’était ni le fusil, alors inadapté aux combats de la guérilla urbaine, ni le sabre, qui laisse trop de traces, mais une lourde canne noueuse que nous nommerions « gourdin » plutôt que « matraque ».

Quant aux bourgeois riches, ils veillaient au contrôle de la représentation nationale : ils n’avaient pas à craindre la présence dans les Assemblées de représentants des paysans travailleurs ni des ouvriers des villes : Sans-Culottes, ils en étaient exclus par le système censitaire ou (pour la Convention) parce qu’ils n’étaient pas propriétaires ; mais d’une part les bourgeois riches devaient limiter autant qu’il leur était possible l’influence des représentants du peuple trop fidèles aux Lumières philosophiques, et d’autre part, ils leur fallait investir, c’est-à-dire dépenser une part de leurs ressources, dans la mise sur pied d’une défense sûre et durable du nouveau système de leur propriété, incluant bien évidemment les nouveaux biens soumis au droit bourgeois qu’étaient les anciens domaines nobiliaires : donc, ils fournissaient le financement nécessaire aux bandes armées illégales qu’instruisaient les aristocrates.

C’est donc de combattre à main armée la Révolution qui a transformé l’alliance de la bourgeoisie riche et de l’aristocratie de naissance en une nouvelle bourgeoisie ; clairement contre-révolutionnaire dès le cinq août 1789, elle s’était mise aussitôt à la tâche de former sa propre force armée, forcément hors des nouvelles lois.

Les évènements qui se sont déroulés durant trois ans, de l’été 1789 à l’été 1792, ont donné à ces bandes armées nombre d’occasions de perfectionner leurs tactiques, d’identifier leurs objectifs, et à leurs commandements de bien identifier les forces révolutionnaires qu’ils avaient à combattre.

C’est contre ces bandes que furent convoqués à Paris les Gardes Nationaux volontaires pour défendre la Convention ; leur première mission fut de se porter au-devant de l’armée d’invasion prussienne et de la repousser : ils accomplirent cette mission à Valmy en remportant la victoire le 20 septembre 1792, pendant le temps de l’avènement de la République à Paris ; ensuite, leur mission permanente fut de protéger les délibérations de la Convention.

La mort du roi, le 21 janvier 1793, marque le début de la grande offensive contre-révolutionnaire des bandes armées illégales de la nouvelle bourgeoisie ; sans liens directs avec l’intervention étrangère, ces bandes s’opposaient au fonctionnement des comités révolutionnaires départementaux et locaux, par l’intimidation, par le saccage des locaux, par l’attentat contre les responsables élus, et souvent par le meurtre ; les jeunes gens acquis à la révolution qui auraient pu leur faire barrage et les combattre avaient été conscrits dans les armées de la République envoyées aux frontières pour y combattre l’invasion des armées des princes : cette circonstance décida de la victoire des bandes illégales, qui rendit possible le coup d’Etat du 9 thermidor an 2 de la République (27 juillet 1794), au moyen duquel la bourgeoisie française s’est emparée du pouvoir !

Qui peut s’étonner que depuis lors, celle-ci se soit toujours gardé la possibilité d’en user ? Lorsque Balzac place une société secrète parmi les sujets de ses romans, il dénonce une possibilité bourgeoise de faire usage de la violence illégale dans l’exercice du pouvoir !

Qui peut s’étonner qu’aujourd’hui, elle en ait conservé la tradition ?

Depuis que l’OTAN existe, ses officiers se répandent partout en Europe pour mettre sur pied, maintenir et fédérer au service du capital mondial des réseaux capables de former et de mettre en œuvre hors des lois en vigueur des bandes armées clandestines (on lira à ce sujet, entre autres, un petit livre écrit par deux universitaires suisses et paru voici déjà quelques années, intitulé Les armées secrètes de l’OTAN) : les grands bourgeois capitalistes français se sont assez étroitement liés à leurs semblables des Etats-unis et des pays capitalistes d’Europe occidentale pour intégrer leurs réseaux à ceux de l’OTAN ; cette intégration permet évidemment à ces bourgeois riches de se servir des institutions de l’OTAN pour renforcer leur capacité de contrôler, de mobiliser et de mettre en œuvre leurs bandes illégales, en complément ou même en lieu et place des forces armées constitutionnelles de notre pays !

Ce qui précède met un danger en évidence : que les réseaux propres à la grande bourgeoisie française soient dominés par les chefs de l’OTAN au point que ceux-ci s’en servent librement pour faire circuler en toute illégalité des groupes violents, que ce soient des groupes de hooligans qui gravitent autour des clubs sportifs professionnels, ou même des continuateurs du fascisme et du nazisme tels ceux qui ont été engagés en Ukraine avec le soutien logistique de l’OTAN, précisément.

Cela étant, nous devons nous interroger sur les raisons qui ont amené l’Etat-major des armées françaises à créer en son sein un « commandement des missions intérieures », qui est apparu en public au cours de la cérémonie du 14 juillet, puis le gouvernement à appeler les Français à se porter volontaires pour rejoindre la réserve opérationnelle de nos armées.

Ces deux initiatives sont de nature à renforcer l’encadrement militaire de notre peuple ; dans le contexte de l’Etat d’urgence, nous sommes en droit d’y voir un facteur de fascisation, un moyen supplémentaire pour imposer aux mouvements populaires de revendication des contrôles toujours plus lourds, plus pénibles, évidemment dans l’espoir que caressent messieurs Hollande, Valls et Cazeneuve d’épuiser l’énergie que nous mettons dans nos revendications légitimes…

Mais il y a une autre hypothèse : depuis des décennies, nos gouvernements successifs ont spécialisé l’armée française dans les opérations extérieures au détriment de la défense du territoire national : ils ont même supprimé les garnisons frontalières de l’est de notre pays !

Les officiers de notre état-major ont bien évidemment vu qu’il en résulte de véritables brèches dans notre potentiel de défense nationale : ont-ils fini par se faire entendre de ceux qui nous gouvernent, par leur faire comprendre qu’il est extrêmement dangereux de laisser ainsi le champ libre aux réseaux clandestins de l’OTAN, c’est-à-dire de laisser circuler librement les bandes armées fascistes et nazies ? Ce n’est pas impossible.

Quoi qu’il en soit, une chose doit être claire : si les diverses forces armées dont disposent les chefs du capitalisme français leur apportent le service qu’ils en attendent, alors, toute tentative révolutionnaire commençant par un coup de force destiné à briser la structure de l’Etat bourgeois sera écrasée dans un bain de sang avant même que le peuple ait pu réagir. En vérité, ce n’est pas nouveau.

Mais cela nous ramène à une vérité constante de l’histoire humaine : les véritables révolutions, celles qui changent véritablement la base des pouvoirs économique et politique, ces révolutions se produisent quand une grande majorité des femmes et des hommes qui ont intérêt à ces changements se voient majoritaires dans la société, prennent clairement conscience de leur intérêt et se mettent en mouvement pour les réaliser : dans les révolutions véritables, le parti révolutionnaire est toujours très largement majoritaire.

Les minorités agissantes sont toujours une illusion.

Le devoir des révolutionnaires est donc de propager dans toutes les catégories sociales la conscience de la révolution nécessaire, en franchissant les limites de ces catégories, jusqu’à ce que la conscience de la révolution nécessaire soit le fait d’une large majorité de la population, incluant une grande partie des fonctionnaires militaires, policiers et de justice, jusqu’à ce que la masse de cette majorité emporte toutes les défenses que la classe exploiteuse a bâties autour de l’exploitation : c’est en travaillant la société de cette manière que nous réduirons l’épanchement du sang que tentera dans tous les cas la contre-révolution.

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