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A l’attention du Congrès des Enseignants pour la Paix (7 et 8 janvier 2006)

L’industrie nucléaire militaire n’a pas d’objet

Il est temps d’en revendiquer le démantèlement

dimanche 8 janvier 2006, par Jean-Pierre Combe

1- Aux sources du pacifisme
- Le mouvement pacifiste est antérieur à l’invention des armes atomiques, antérieur même à la première guerre mondiale. Il émerge à la manière d’un compagnon inséparable du mouvement socialiste, sans jamais se confondre avec lui, tous deux interagissant sans cesse. L’histoire de la prise de conscience pacifiste, tout au long des dix-huitième et dix-neuvième siècle, devrait intéresser les historiens bien davantage que ce n’est aujourd’hui le cas.

- C’est la même progression de sa pensée politique qui a conduit Jean Jaurès à prendre le parti de la paix peu de temps après qu’il ait pris celui de l’abolition du capitalisme et de la réorganisation socialiste de la société française, ainsi qu’il s’exprimait dans l’Armée nouvelle ; cela devrait aussi intéresser les historiens : c’est en effet au cours de cette progression qu’il a mis en évidence ses raisons, aujourd’hui encore claires et convaincantes, de prendre parti comme il le faisait.
- Il faut remarquer que Jean Jaurès ne s’est pas démarqué de l’influence du colonialisme : pendant la crise du Maroc qui opposa la France à l’Allemagne, ses écrits et discours expriment encore un "colonialisme de gauche".
- Mais justement : ceux qui gouvernaient la France et les propriétaires des plus gros capitaux industriels et financiers de ce pays firent de cette crise du Maroc le début de la marche à la guerre qu’ils jugeaient nécessaire pour couper court aux prétentions coloniales de l’Allemagne.
- Dès le début de cette marche à la guerre, Jean Jaurès prit parti contre elle et cette lutte le conduisit à préciser et à compléter sa prise de parti pacifiste : dans le courant de cette lutte, il découvrait et mettait en lumière des raisons pacifistes incompatibles avec le colonialisme, fût-il de gauche. Sa vie a été abrégée avant qu’il ait pu rassembler les raisons du pacifisme et mettre en lumière critique l’incompatibilité du pacifisme et du colonialisme.
- Jean Jaurès a conduit sa lutte pour la paix jusqu’à dire et écrire que l’intervention pacifiste des peuples sera nécessaire pour arrêter la guerre, et que cette intervention doit consister à exproprier les propriétaires des plus gros capitaux industriels et financiers.
- Il fut assassiné le 31 juillet 1914 : ce ne fut pas le hasard d’un coup de folie, et encore moins un accident ; celui qui l’a tué se serait abstenu si la campagne pacifiste de Jaurès, par sa cohérence, par sa ténacité et par la popularité qui en résultait, n’avait pas créé une menace pour ceux qui gouvernaient la France et pour les hommes de grandes affaires, dont nous savons aujourd’hui qu’ils voulaient la guerre.
- Après la mort de Jaurès, le pacifisme, la volonté de paix, fut occulté, mais subsista et se manifesta dans les tranchées, notamment dès l’hiver 1914-1915, où des trèves locales destinées à permettre que l’on enlève les cadavres du "no man’s land", le territoire situé entre les premières lignes de tranchées, donnaient aux soldats des armées affrontées l’occasion de s’entrecroiser et de reconnaitre leurs semblables sous l’uniforme ennemi : là se trouve le commencement du mouvement des fraternisations de soldats français et allemands, qui concerna en 1915 près de trois millions d’hommes des deux armées, et auquel les deux états-majors appliquèrent la même répression honteuse, féroce et clandestine.
- Qu’a-t-il manqué pour que ce grand mouvement de paix rencontre les efforts que faisaient certains socialistes européens et certains ministres de gouvernements neutres pour arrêter les combats ?
- Il a certainement manqué à ce mouvement pacifiste des hommes de notoriété actifs en politique, honnêtes, rigoureux et rigoureusement engagés par leur parole, accessibles aux simples gens et sensibles à leur pensée, et capables de s’engager pour leurs intérêts et pour leurs droits humains... est-il absurde de dire que Jaurès vivant, l’entreprise d’arrêter la guerre avait une chance de réussir ?
- Le coup de feu qui a tué Jaurès fut bien réellement le premier coup de feu de la première guerre mondiale : la mort du plus cohérent et du plus conséquent des grands pacifistes permit à ceux qui voulaient faire la guerre de la faire.
- Jaurès n’était plus...
- Pour les pacifistes de toute l’Europe, l’évènement confirmait ce que Jaurès dénonçait depuis 1910 : le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.
- La guerre qui venait de commencer n’était que l’aboutissement de conflits opposant les intérêts de grands capitalistes ; cet aboutissement avait été rendu inévitable par le fait que les gouvernements obéissaient à la logique de ces mêmes intérêts :
- pour en finir avec les guerres, il fallait donc soustraire les gouvernements à la logique des confrontations capitalistes ; les socialistes étaient ainsi mis au pied du mur ; ils confirmèrent leurs divisions.
- Les socio-démocrates décidèrent qu’il suffisait qu’ils prennent eux-mêmes les fonctions des ministres pour que le gouvernement échappe à la logique des intérêts capitalistes. L’expropriation des capitalistes n’était peut-être pas nécessaire.
- En France et en Allemagne, les dirigeants socialistes se contentèrent de cette idée et en firent leur justification de participer à la direction de la guerre ; beaucoup des députés socialistes subirent des pressions policières directes : les directions des partis socialistes s’engluèrent dans la politique d’"Union sacrée".
- Mais d’autres militants socialistes restaient fidèles aux résolutions pacifistes votées par l’Internationale ouvrière et confirmées par des conférences socialistes avant l’été de 1914 ; on trouve parmi eux les noms de Karl Liebknecht, de Rosa Luxembourg, de Lénine, de ceux qui maintenaient les analyses de Karl Marx et de Friederich Engels... : ils disaient et écrivaient que pour en finir avec les guerres, il ne suffisait pas de remplacer des ministres capitalistes par des ministres socialistes, mais qu’il fallait en plus retirer aux capitalistes la source de leur pouvoir, leur propriété ; déjà, plus d’un siècle auparavant, Babeuf avait attiré l’attention sur le fait que le commerce de la terre (l’outil de travail) a toujours été la cause des inégalités, ainsi que de guerres et de misères sans fin.
- La propagation de cette idée transforma le refus des souffrances et de la misère provoquées par la guerre en véritable revendication radicale de la paix ; c’est ainsi qu’elle engendra les évènements révolutionnaires qui ont bouleversé l’Europe et l’Asie mineure de 1917 à 1922, détruisant notamment quatre empires : l’allemand, l’autrichien, l’ottoman et le russe : il se montre ici que ces évènements trouvent leur cause dans la guerre elle-même, et leur motivation dans la volonté d’en finir avec les guerres, qui s’était largement développée précédemment comme un effet de la critique socialiste du capitalisme et de ses gouvernements.
- Il faut retenir que le dix-neuvième siècle fut en France le moment de la prise de conscience de ce que la paix requiert que les humains recherchent les causes des guerres, les mettent en évidence et y mettent fin ; il faut retenir aussi que la première guerre mondiale vint confirmer cette réquisition de la paix avec la force de la preuve matérielle.

2- Aux sources de l’éducation à la paix : la naissance du mouvement d’Education nouvelle
- De retour au pays, les survivants des tranchées étaient dominés par une pensée : que cela ne recommence pas !
- Parmi eux, nombre d’instituteurs ont investi cette pensée comme une exigence péremptoire et directrice de leur pédagogie.
- Leur conscience les conduisait à coopérer pour refondre toute la pédagogie de manière à satisfaire à cette exigence : il fallait désormais que leurs élèves, devenus adultes, sachent empêcher les guerres.
- Avant guerre, déjà, certains d’entre eux avaient éprouvé le besoin de coopérer hors du contrôle de l’administration, notamment, mais pas seulement, pour défendre leurs conditions de travail et de rémunération : leurs efforts pour créer un syndicat d’instituteurs les avait opposés à leurs hiérarchies, à l’administrative comme à la pédagogique ; cette expérience aidant, c’est au moyen d’un mouvement associatif que les enseignants survivants des tranchées assurèrent leur coopération pour reconstruire la pédagogie : telle est la source du Mouvement d’Education nouvelle.
- Entre les deux guerres, ce mouvement fut marqué en France par trois personnalité : Paul Langevin, universitaire et savant de haute volée, Célestin Freinet et Henri Wallon. Ces trois hommes s’accordaient avec tous les membres du mouvement pour que le pacifisme recherche les causes des guerres et y mette fin, et pour enseigner cette exigence à tous les enfants.
- En vérité, le mouvement d’Education nouvelle s’est créé dans presque tous les pays d’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, et sans doute aussi ailleurs. Mais bientôt, les fascismes ont fermé les frontières et se sont lancés dans une chasse à mort contre les éducateurs pacifistes : ils ont isolé les mouvements nationaux d’Education nouvelle qu’ils ne pouvaient pas combattre directement.

3- L’épreuve de la guerre
- Les militants du mouvement d’Education nouvelle n’ont jamais eu de doute sur un point : les fascismes italien, allemand, hongrois, roumain, animaient le camp de la guerre.
- La plupart des militants d’Education nouvelle étaient favorables à la Résistance ou y participaient ; à la Libération, ils se sont retrouvés en accord avec l’orientation vers le progrès et la paix que donnait le programme du Conseil national de la Résistance aux futures réformes de notre pays ; celles concernant le système éducatif bientôt mises à l’étude par la commission présidée d’abord par Paul Langevin, puis, après sa mort, par Henri Wallon, le mouvement s’est activé pour les mettre en euvre. Il faut toutefois noter que la commission n’a pu remettre son rapport au gouvernement qu’après que le gouvernement français ait tourné le dos aux orientations de la Résistance : le plan Langevin-Wallon n’a jamais eu le moindre commencement de mise en euvre.

4- L’ère des armes atomiques et nucléaires
- Elle a commencé le 6 août 1944 par le bombardement atomique de la ville japonnaise d’Hiroshima. Il faut la diviser en quatre grandes périodes :
- Première période : les USA seuls possèdent la bombe atomique
- Les revues US destinées au grand public publient des "reportages de fiction" décrivant combien il sera facile, désormais, aux troupes états-uniennes de conquérir le territoire de l’URSS, quelques bombes atomiques suffisant à détruire ses groupes d’armées et les villes dont la population se serait avisée de combattre l’invasion. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces publications : elles font évoluer la représentation de la guerre que se fait le public.
- Pendant cette période, la France crée le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), pour une mission découlant des orientations du programme du CNR : développer toutes les applications pacifiques de la physique atomique et nucléaire ; elle en confie la direction, avec le titre de Haut Commissaire, à Frédéric Joliot-Curie, le physicien qui avait découvert la radio-activité artificielle ; la première réalisation du CEA sera la pile atomique Zoé, qui sera notre première expérience de production d’énergie à partir de la fission de l’atome d’uranium.
- Frédéric Joliot-Curie était communiste, résistant et militant pacifiste : en même temps qu’il dirige la création et le démarrage du CEA, il participe activement à la fondation du Mouvement de la Paix en France, ainsi qu’à l’établissement de relations pacifistes sur le plan international : il deviendra le président fondateur du Conseil mondial de la Paix, formé afin de fédérer au niveau mondial les Mouvements de la Paix nationaux.
- Mais le gouvernement français a changé : le nouveau gouvernement a choisi de demander le bénéfice du plan Marshall : les Etats unis d’Amérique conditionnent l’attribution du bénéfice de ce plan à l’éviction des communistes de tous les postes de responsabilité et de direction dans les pays bénéficiaires : cette raison conduira à la révocation de Frédéric Joliot-Curie de ses fonctions de Haut Commissaire à l’Energie atomique.
- Deuxième période : l’URSS a fait savoir qu’elle avait fabriqué une bombe atomique
- Ce qui caractérise cette période, c’est que le territoire des USA est hors de portée des bombardiers soviétiques.
- Les USA se lancent en même temps dans une course à la puissance des bombes nucléaires et dans la mise au point de canons et de fusées capables de lancer des projectiles atomiques.
- l’Angleterre resserre son alliance avec les USA ; dans le cadre de cette alliance, elle se dote d’un armement nucléaire. En fait, ce n’est qu’une annexe de l’armement états-unien, et cela le restera.
- A l’heure actuelle, nous ne disposons pas encore de véritable information sur les efforts que fait l’URSS, sauf le rytme et la puissance des explosions expérimentales : pendant toute cette période, ce rytme est plus lent que celui des essais états-uniens, et la puissance comparable : au cours de cette période, l’URSS n’a pas réduit son retard sur les USA.
- C’est au cours de cette période que les gouvernements français modifient les missions du CEA : elles incluent désormais les applications guerrières de la physique nucléaire. Les deux derniers gouvernements de la "quatrième république" créent les bases industrielles nécessaires à la production d’armes nucléaires, et lorsque le général De Gaulle devient président de la "cinquième république", il n’a plus qu’à rendre officielle la décision de créer une "force de frappe nucléaire", et à réorganiser les forces armées en conséquence.
- Troisième période : l’URSS a procédé au lancement d’un missile à très longue portée capable d’atteindre le territoire des USA, puis à une explosion nucléaire de très grande puissance.
- Désormais, la guerre nucléaire, si elle éclatait, ravagerait aussi le territoire des USA.
- C’est alors que commence la phase la plus dramatique de la course aux armements nucléaires.
- La Chine entreprend de se doter d’armes nucléaires.
- Israël s’équipe en catimini, sous le contrôle étroit des USA.
- Plus tard, l’Inde et le Cachemire se doteront aussi d’armes nucléaires.
- Peu après le début de cette période, l’URSS entreprend de porter et de maintenir son armement nucléaire au niveau de celui des USA. Elle y parviendra à peu près, sans jamais le dépasser, et en maintenant toujours un rytme d’essais nucléaires inférieur à celui des Etats-unis. Les déclarations de certains présidents des USA selon lesquelles leur pays aurait pris du retard sur l’URSS en matière d’armement nucléaire n’ont jamais été que poudre aux yeux.
- Au cours de cette période, les gouvernements français complètent la "force de frappe" qui atteint son apogée. Les successeurs du président Pompidou l’utilisent pour une gesticulation que le général De Gaulle avait toujours évitée, et en font un moyen d’intégration progressive et discrète à l’OTAN.
- Quatrième période : l’URSS a engagé la politique dite de péréstroïka
- L’affaiblissement de l’URSS, son effondrement, puis sa disparition constituent le commencement de cette période. Une grande question se pose : qu’est devenu son arsenal nucléaire ?
- Les gouvernements qui le contrôlent ont rétabli dans leurs pays l’économie capitaliste. Par conséquent, les conditions politiques sur lesquelles s’étaient édifiés les arsenaux nucléaires ont disparu.
- Cette disparition élargit la question et met en cause non plus seulement l’armement nucléaire autrefois soviétique, mais avec lui les armements américains avec ses annexes britannique et israélienne, l’armement français et tous les autres.

5- Armement nucléaire et politique
- L’armement et la menace
- Dès la fin de 1944, les Etats-unis et la Grande-Bretagne élaboraient les fondements théoriques et pratiques de ce que Winston Churchill nommait déjà le rideau de fer : Il s’agissait pour Winston Churchill et pour Harry Trumann de préparer les Etats-unis d’Amérique, l’Angleterre et leurs alliés à mettre en euvre dès que la victoire sur les fascismes serait acquise une politique renouvelant la politique d’isolement du pays soviétique qui avait été celle des gouvernements états-unien, anglais et français de 1918 à 1940 ; le bombardement d’Hiroshima s’inscrit dans cette élaboration autant, et même sans doute plus que dans un effort destiné à mettre fin à la guerre contre le Japon.
- De ce fait, nous pouvons dire que dès le 6 août 1945, les territoires dont l’économie évoluait vers le socialisme étaient la cible principale de l’armement atomique états-unien, et qu’ils en sont devenus la cible unique dès le 10 août, lendemain du bombardement de Nagasaki.
- C’est la politique du rideau de fer, bientôt confirmée par la politique de guerre froide, qui a produit en URSS et dans les autres pays socialistes la mentalité obsidionale (de forteresse assiégée) qui a ensuite caractérisé leur politique.
- Deux conditions ont donc déterminé la politique soviétique en matière d’armement nucléaire : la principale fut l’herméticité du rideau de fer ; l’autre, la puissance de l’URSS, était un déterminant secondaire, qui n’est devenu important que vers la fin de la troisième période.
- Aujourd’hui, le camp socialiste a disparu : avec lui, c’est la dynamique politique de la création et du développement de part et d’autre du rideau de fer des arsenaux nucléaires qui a disparu. Alors, quelles peuvent être les raisons de conserver l’armement nucléaire ? Cette question concerne aussi bien celui autrefois soviétique que tous les autres !
- Si nous demandons aux actuelles puissances nucléaires militaires quelle puissance les menace, et contre laquelle leur armement les défend, ni les Etats-unis d’Amérique, ni la Grande-Bretagne, ni la France ne peuvent désigner un danger contre lequel l’armement nucléaire représente une véritable protection. Si la Russie ou la Chine désignaient un tel danger, on pourrait certainement et légitimement douter de sa véracité.
- Quant aux autres (Inde, Cachemire, ainsi peut-être que demain l’Iran et la République démocratique et populaire de Corée), on peut montrer que des initiatives hardies de désarmement nucléaire sont de nature à les dispenser de courir après un tel armement.
- Le terrorisme
- Le terrorisme n’est pas une puissance politique, mais une méthode de menace et d’action que certains emploient.
- Ses moyens et sa dynamique sont tels que l’armement nucléaire ne produit aucun effet sur les terroristes : il n’y a pas de défense nucléaire contre le terrorisme.
- Le coût de l’armement
- L’armement nucléaire est le plus cher qui soit en coût direct.
- Rien, aucun sous-produit ne vient compenser son coût : la production d’énergie ne doit rien à l’industrie nucléaire d’armement (c’est le contraire qui est vrai !) ; la fabrication des petites piles électriques à très longue durée, qui contiennent quelques milligrammes de plutonium, ne lui doit plus rien, et la science, les techniques et les technologies progresseraient bien mieux et bien plus vite si elles n’étaient pas handicapées par leur orientation vers l’armement.
- Au coût direct de l’armement nucléaire, qui se mesure budgétairement dans la mesure où le budget n’a pas été rendu muet à son propos, il faut ajouter la destruction de la nature par la pollution chimique, thermique et radioactive : les deux tiers au moins de la pollution chimique et thermique doivent être imputés à l’industrie d’armements, et nous pouvons imputer près de la moitié de la pollution chimique et thermique aux industries qui soutiennent l’armement nucléaire (armes, vecteurs, véhicules et équipements).
- Globalement, un moyen de diminuer de moitié les pollutions chimiques et thermiques de notre planète et en même temps de réduire les dépenses improductives est de supprimer toutes les armes nucléaires, leurs vecteurs, véhicules et équipements, ainsi que toutes les industries qui les soutiennent.

6- Le problème posé aux pacifistes français
- Lorsque les armements nucléaires participaient de la confrontation politique des pays du camp socialiste et des pays capitalistes, les citoyens français ont pu se sentir fondés à penser le fait nucléaire comme un cercle infernal dont il n’est pas possible de sortir, sauf si tous les partenaires se mettaient d’accord et respectaient cet accord.
- Mais il n’en est plus ainsi ; tous les pays propriétaires d’armement nucléaire sont devenus capitalistes, même si la Chine pose encore un point d’interrogation : les relations d’affaires qui se multiplient rendent improductives, du point de vue capitaliste, des armes dont l’usage ne détruirait pas seulement les forces armées de l’ennemi, mais en plus, réduirait à rien la force de travail exploitable dans le pays ennemi et rendrait ses ressources inaccessibles.
- Il devient légitime de poser dans ces conditions nouvelles la vieille question :
- L’armement nucléaire de notre pays, nous sert-il à quelque chose ? Et s’il ne nous sert à rien, qu’avons-nous à perdre à décider unilatéralement, sans condition et sans délai de le détruire et de démanteler son industrie ?
- La première constatation que nous pouvons faire, c’est qu’il n’existe pas de menace contre laquelle notre armement nucléaire soit réellement une protection.
- Nous pouvons dire par conséquent que si la France détruisait délibérément, unilatéralement et sans conditions ses armes nucléaires et l’industrie militaire qui les produit et les maintient opérationnelles, elle n’encourrait aucune conséquence négative, elle n’aggraverait ni ne transformerait en danger aucune des menaces qui pèsent sur elle ou sur l’un quelconque des peuples qui sont ses amis.
- Au contraire, si la France détruisait délibérément, unilatéralement et sans conditions ses armes nucléaires et l’industrie militaire qui les produit et les maintient opérationnelles, cet acte ne manquerait pas d’être très largement connu du plus vaste public mondial : les habitants de notre Terre, et d’abord les plus humbles et les plus opprimés, ressentiraient immédiatement un allègement moral du poids qui les accable aujourd’hui, et ceux d’entre eux qui s’activent pour leur libération se sentiraient encouragés à donner à leur action libératrice une intensité supérieure.
- Un tel encouragement adressé aux plus humbles et aux plus opprimés et ressenti par eux est de nature :

  1. à les détourner des sirènes que manipulent les organisations terroristes, ce qui réduirait d’autant les possibilités de ces dernières de recruter des volontaires de la mort pour les attentats suicides ;
  2. à les tourner vers leurs propres gouvernements afin d’obtenir d’eux qu’ils sortent de la soumission aux plus puissants qui est la politique de presque tous les états actuels, et mettent en euvre une politique conforme aux intérêts des peuples et de la paix.

- Que la France détruise délibérément, unilatéralement et sans conditions ses armes nucléaires et l’industrie militaire qui les produit et les maintient opérationnelles serait en outre une salutaire mise en garde adressée aux états les plus riches et aux organisations dans lesquelles ils s’efforcent d’encadrer le monde entier : cela déséquilibrerait le consensus de ces organisations en un sens qui donnerait beaucoup plus de poids à la personnalité de chacun des habitants de la Terre. Chacun peut voir ici que les positions diplomatiques de la France tout comme les positions des acteurs économiques français s’en trouveraient grandement améliorées.
- Ce sont autant de raisons puissantes de revendiquer que la France détruise unilatéralement et sans condition son armement nucléaire.

- Les problèmes concrets que pose la suppression de l’armement nucléaire et de l’industrie de sa production et de sa maintenance
- En France, l’industrie de l’armement nucléaire n’est pas séparée de l’industrie nucléaire civile. Au contraire, lorsque la décision a été prise de développer aussi les applications guerrières de la physique atomique et nucléaire, on n’a pas conçu une industrie nucléaire militaire séparée de l’industrie nucléaire civile, mais une seule industrie à deux objets, l’un militaire et l’autre civil. Nous avons donc une industrie à deux composantes couplées ; la plus grande partie possible de la composante militaire a été développée en détournant partiellement des processus civils de leur objet, en déguisant des processus militaires en processus civils et en imbriquant le plus intimement possible, y compris sur le plan budgétaire, les processus militaires dans les processus civils.
- Les problèmes que pose la suppression de l’armement nucléaire et de son industrie de soutien sont donc les suivants :

  • le démontage des armes, l’isolement des détonateurs, la fragmentation des explosifs nucléaires en fragments non explosifs, leur stockage, élimination ou recyclage vers des usages pacifiques,...
  • le démontage des vecteurs, la destruction ou le recyclage de leurs éléments (dont certains peuvent être fournis à l’industrie spatiale) ;
  • le découplage de la composante militaire d’avec la composante civile de l’industrie nucléaire : c’est sans doute le problème le plus complexe. On peut concevoir une première approximation de méthode pour ce découplage en remontant la filière à partir des armes elles-mêmes et de leur démontage, et en évaluant les processus de leur production au fur et à mesure de leur rencontre, selon qu’ils sont exclusivement militaires ou non, et selon que l’on peut les réinvestir dans une industrie de paix ou non.
  • le renforcement de la sûreté des productions nucléaires civiles et de la sécurité des acteurs et des populations concernés par eux.

- Une fois découplée d’avec la composante civile, la composante militaire est totalement improductive et se présente sous forme de fragments assez incohérents ; il reste toutefois à achever son démontage et à réinvestir, recycler, stocker ou éliminer ses fragments.

- Il faut maintenant examiner les conséquences concrètes qu’aurait sur notre société la destruction de l’armement nucléaire de notre pays.
- La question à laquelle il faut répondre est : Est-ce que de démanteler l’industrie nucléaire militaire française produira une augmentation du chômage ?
- La réponse est qu’elle en produira vraisemblablement très peu, et peut-être même pas du tout :
- la raison essentielle tient au couplage des productions civile et militaire françaises : ce sont les mêmes agents qui réalisent les processus de transformation des matières fissiles, à partir de l’uranium, de manière à en satisfaire les fins civiles et les fins militaires. Pour une grande partie de ces agents, le découplage et la suppression de la production militaire se traduiront simplement par une modification des méthodes de leurs tâches productives ;
- ensuite, nous savons que la modification d’un processus industriel quel qu’il soit nécessite d’élever significativement son niveau de sûreté et le niveau de sécurité des populations qu’il concerne : pendant le temps de la modification, les effectifs des équipes chargées de ces fonctions et l’instruction de leurs agents devront être accrus et renforcés ;
- quant aux personnels affectés à la fabrication et à la maintenance des vecteurs, ils sont relativement peu nombreux, et leurs hautes qualifications rendra leurs reconversions faciles vers les industries aérospatiale ou chimique.
- En vérité, la seule raison véritable d’une augmentation du chômage qui serait contemporaine de la fin mise à notre armement nucléaire militaire ne serait pas cette fin, mais la poursuite par le gouvernement de la France de l’actuelle politique qui désindustrialise notre pays.
- De s’attaquer résolument à tous ces problèmes, de les résoudre concrètement et en réalité, élèvera considérablement les connaissances et savoir-faires de nos industries de pointe, en même temps que cela dégagera les moyens nécessaires pour reconstituer l’agriculture et l’industrie de notre pays au mieux du respect des processus naturels.

- Le processus de privatisation serait-il favorable ou défavorable à la résolution de ces problèmes ?
- En vérité, toutes les expériences des privatisations opérées dans tous les pays du monde, de la France à la Chine en passant par l’Angleterre et la Russie, établissent que dans toutes les industries, le recours à la privatisation n’apporte de contribution à l’élaboration d’une solution fiable pour aucun de ces problèmes ;
- en matière de sûreté des processus, et donc aussi de sécurité des agents et des populations, c’est le contraire qui est vrai : toute privatisation perturbe la sûreté des processus de production de manière à rendre actives les causes d’accidents et de catastrophes les plus diverses.
- Ce qui est décisif pour le maintien du niveau de sûreté d’un processus de production et du niveau de sécurité des acteurs et des populations concernés par lui, ainsi que pour l’élévation de ces niveaux que nécessite toute modification de ce processus (la fin d’un processus et le découplage d’un processus double sont deux modifications), c’est le maintien et l’élévation de la connaissance de ce processus par ses acteurs et par les populations qu’il concerne à un niveau tel qu’il permette à ces agents et à ces populations de maîtriser ses effets sur leur vie et sur leur environnement : or la privatisation d’un processus industriel place ce processus sous l’autorité des propriétaires de capitaux pour qui la volonté de "rentrer dans leurs fonds", en vérité, la volonté de faire du profit, est essentiellement prioriraire sur la connaissance du processus par ses acteurs et par les populations concernées ; dans le cas des industries nucéaires, militaire ou civile, cette priorité est multipliée par le très lourd secret auquel sont soumis les processus.
- La privatisation d’un processus industriel est antagonique à sa connaissance par ses acteurs et par les populations ; pour cette raison, elle est antagonique aux processus de sûreté et de sécurité qui lui sont indispensables ; ou, si l’on préfère, la privatisation d’un processus industriel, parce qu’elle tend à annuler très rapidement la connaissance de ce processus par ses acteurs et par les populations qu’il concerne, s’oppose par essence et catégoriquement à la sûreté de ce processus et à la sécurité des acteurs et des populations qu’il concerne.
- En vérité, nulle commission internationale ne peut assurer la sûreté des processus nucléaires et la sécurité des acteurs et des populations mieux que les acteurs et les populations concernés lorsqu’ils exercent sans entraves leur droit de le connaitre.

- Bien que ce ne soit pas le sujet du présent article, il faut dire quelques mots de l’industrie des armements classiques afin d’éviter certaines interprétations mal intentionnées :
- Il est bien vrai que l’objectif des pacifistes est d’imposer à tous les états une politique de paix ; ce qui caractérise une telle politique, c’est qu’elle met les conflits d’intérêts réels en évidence publique, exposant chacun d’eux aussitôt qu’il se noue, tout en rendant actives toutes les voies par lesquelles circule l’information de nation à nation, et notamment les voies interindividuelles, afin de bâtir, pour chaque conflit au fur et à mesure de ce qu’il se noue, une solution fondée sur la démarche des droits humains et civiques, et respectant par principe l’égalité en droits de chaque être humain ;
- le refus de prendre en considération l’égalité en droits de tous les êtres humains individuels empêche en effet toujours de concevoir les solutions équitables et justes aux conflits d’intérêts collectifs.
- Tel est le processus essentiel qui assure l’efficacité de la politique de paix : par lui, les armements classiques s’avèreront inutiles au fur et à mesure de ce que les habitants de la Terre apprendront à négocier de cette manière les conflits d’intérêts collectifs.
- Aujourd’hui, ce processus n’est pas commencé : ce n’est pas lui qui nous conduit à prendre conscience de la nécessité de mettre fin aux armements nucléaires et aux industries de leur production et de leur maintenance ; c’est seulement le fait que l’emploi de ces armes annulerait le bénéfice d’être vainqueur ; il n’existe aucun conflit dans lequel une des parties aurait intérêt à engager l’emploi de ses armes.
- Donc, ne nous y trompons pas : il nous reste encore à apprendre à activer toutes les voies par où circule l’information nécessaire pour bâtir les solutions des conflits sans recourir à la guerre, à les maintenir actives malgré toutes les censures que les fauteurs de guerre leur appliquent, et à faire de cette circulation d’information la base de la négociation de la fin des conflits, sans attendre que commencent les hostilités. Nous devons le faire tout en dénonçant les illusions selon lesquelles le désarmement serait impossible.
- C’est ainsi que nous créerons les conditions de la paix.

7- Que faire ?
- Le cadre de cette brève étude ne permet que de dégager de ce que nous savons de la politique de paix les principes essentiels de l’action pacifiste, afin d’ouvrir la discussion sur les modes d’action pertinents.
- Première idée : identifier les processus nécessaires aux politiques de paix.
- L’histoire des siècles passés comme l’histoire contemporaine nous offre de nombreux exemples de guerres ; il faut retenir ici que chaque guerre est précédée d’une période que les historiens appellent souvent la marche à la guerre : l’étude de ces marches aux guerres met en évidence des processus qui ont progressivement rendu la guerre fatale en faisant cesser la communication entre les groupes que les intérêts ont réussi à mobiliser ; faire une politique de paix, c’est combattre la fatalité de la guerre afin de nier concrètement cette fatalité, donc, maintenir la communication que l’affrontement commençant tend à faire cesser : cela nous conduit à dire que :
- les politiques de paix mettent en euvre des processus qui constatent les conflits d’intérêts collectifs au moment même où ils se forment, commencent l’analyse de leur consistance sans attendre que le conflit se déclare, rendent publics les intérêts qui s’affrontent de manière à mettre chaque femme et chaque homme en mesure de critiquer, du point de vue de l’exercice par elle ou par lui de ses droits humains et civiques, l’implication de ses intérêts individuels dans les intérêts collectifs qui s’affrontent.
- Il s’agit de maintenir ouvert ou d’ouvrir pour tous les individus concernés un accès à la connaissance critique des intérêts collectifs en conflit.
- Deuxième idée : maintenir actifs ces processus en vue de constituer la négociation qui résoudra le conflit sans recourir à la guerre.
- Les politiques de paix assignent à tous ces processus et à ceux que l’on peut constituer avec eux l’objectif de mettre en évidence la réduction ou l’annulation des tensions collectives dues au conflit que l’on peut obtenir en faisant progresser l’exercice par chaque femme et par chaque homme de ses droits humains et civiques et en faisant progresser concrètement l’égalité en droits de tous les êtres humains, qu’ils soient ou non directement concernés par le conflit.
- Sur le plan méthodique, il s’agit d’une critique qui inscrit ses évaluations en termes concrets dans la société en satisfaisant à deux exigences d’une importance particulière :

  1. Se fonder sur l’exercice concret par tous les êtres humains de leurs droits humains et civiques dans le respect de l’égalité de tous les humains en droits.
  2. Impliquer l’ensemble des habitants des pays concernés par le conflit : il est inconcevable de développer cette critique au sein de cabinets spécialisés : elle ne peut exister que si elle est constituée d’interventions collectives du plus grand nombre possible d’individus concernés par le conflit : elle met normalement en cause le pouvoir des gouvernements constitués.

- Il s’agit de donner la vie à la démocratie !
- Maintenir ouvert ou ouvrir pour tous les membres des peuples concernés par la formation d’un conflit collectif d’intérêts l’accès à la connaissance critique de ce conflit, cela suppose que tous ces individus discutent des intérêts affrontés du point de vue de la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen : la discussion qui y est nécessaire est collective, durable, et tous les membres des peuples concernés doivent y participer quelle que soit la diversité de leurs religions, de leurs philosophies, de leurs langues : en vérité, ce n’est que par une discussion pleinement laïque que l’on peut résoudre les conflits d’intérêts collectifs sans recourir à la guerre.
- Il s’agit de remettre en vigueur le principe de laïcité des institutions communes à tous les êtres humains

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