Ami de l’égalité

Un système de violence idéologique et politique : le racisme

2- La race n’appartient pas à l’ordre naturel

Pour décrire la nature, on ne peut employer n’importe quelle catégorie

mardi 11 juillet 2006, par Jean-Pierre Combe

- Lisez Aux sources du racisme

Science, religion et politique
- De tous temps, étudier les textes fondateurs de la religion revient à entrer en conflit avec l’autorité religieuse : il en est ainsi parce que l’exercice de l’autorité religieuse consiste à propager et à maintenir une certaine interprétation de ces textes.
- Dans tous les états dont la religion est un pilier, ou qui cherchent le soutien d’une religion, ce conflit engendre un autre conflit, qui implique l’autorité politique.
- En vérité, ces deux conflits sont historiquement toujours très imbriqués l’un dans l’autre, et lorsqu’ils conduisent aux guerres comme lorsque les répressions font couler le sang et les larmes, les corps religieux (églises ou corps de prêtres) sont aussi coupables que les états.

- Au Moyen Age se développèrent des échanges économiques et culturels entre les royaumes et empires qui se partageaient les terres de l’ancien empire d’Occident et ceux du proche et du moyen-orient ; ces échanges étaient inévitables et conflictuels : pour en prendre le contrôle, mais sous le prétexte de « protéger les lieux saints contre les infidèles », les rois et empereurs chrétiens d’Occident entreprirent les guerres qu’ils appelèrent les croisades.
- Une immense curiosité induite en Europe par ces échanges porta ceux qu’on appelait alors les étudiants ou les bacheliers à prendre connaissance des documents que la grande civilisation arabe maintenait disponibles alors que dans tout ce qui avait été l’empire d’Occident, le contrôle religieux en avait interdit l’accès.
- Ce mouvement rendit à l’Europe la connaissance des anciens textes de l’est méditerrannéen et notamment des textes de la Grèce antique, que la grande civilisation arabe avait préservés et dont elle avait continué l’œuvre.
- Dans l’ancien empire d’Occident, cet apport ouvrait l’accès à une meilleure connaissance des conditions politiques, sociales et idéologiques dans lesquelles ces textes avaient été rédigés : c’était une très forte incitation à les relire, donc, à mettre en cause l’autorité religieuse qui s’en réservait le privilège ; de cette relecture procède le mouvement des réformes religieuses et la naissance des religions que nous appelons protestantes parce qu’elles se formaient à partir d’une protestation contre l’autorité du pape de Rome.
- Il en résulta aussi le développement d’un mouvement de prise de connaissance de la nature qui, lui aussi, remettait profondément en cause l’autorité religieuse fondée dans l’interprétation des textes canoniques : entreprendre d’étudier l’inconnu de l’univers équivalait en effet à entrer en conflit avec l’autorité religieuse.
- L’observation des astres, la connaissance de leurs mouvements, la connaissance du corps humain et la médecine donnèrent lieu à de graves affrontements : les savants qui osaient observer les astres et rendre compte de ce qu’ils avaient observé, ceux qui osèrent disséquer des cadavres pour connaître le corps humain, durent affronter la répression conduite par la religion instituée, et certains laissèrent leur vie sur le bûcher, victimes de cette répression.
- Afin de s’en protéger, leurs successeurs prirent l’habitude de commencer par démontrer que les textes canoniques et les préceptes religieux traitaient d’autre chose que de la question qu’ils allaient aborder. Il en est progressivement résulté la prise de conscience que toutes les disciplines du mouvement de prise de connaissance scientifique des réalités naturelles, l’astronomie, la physique, la chimie, la géologie, la biologie, ainsi que la discipline mathématique, qui concourt à la logique des sciences, sont étrangères aux religions et que la pensée religieuse n’a aucune légitimité pour interférer dans le mouvement de la science.
- La même démarche démontrait en même temps que quel que soit son niveau ou sa forme, l’exercice du pouvoir politique n’a lui non plus aucune légitimité pour interférer dans le mouvement de la science.

Etudier la nature
- Aux dix-septième et dix-huitième siècles, les savants qui étudiaient la nature et qui s’attachaient à la décrire, les naturalistes, étaient placés devant l’extrême complexité de leur objet d’études : la variété des êtres de cet objet semblait en effet infinie.
- Pour affronter cette complexité, il fallait que la description de la nature soit systématique. La première tâche des naturalistes fut donc de définir et de mettre en œuvre une méthode systématique pour classer les êtres : comment définir les catégories et les critères de classement ? Les ressemblances et les différences que chacun peut observer entre des êtres tels que, par exemple, un chien, un renard et un loup, ou entre du seigle et du froment, conduisirent les naturalistes à envisager des catégories de classement emboîtées, dont l’exposition prendrait la forme d’un catalogue divisé en tomes, les tomes en parties, les parties en chapitres, les chapitres en paragrafes,...
- Le catalogue tout entier représentant la nature elle-même, il a reçu le nom de Classification universelle des êtres naturels ; sa première division devait se présenter en catégories accueillant l’une tous les êtres minéraux, l’autre tous les êtres végétaux, l’autre enfin tous les êtres animaux. Les trois catégories de cette première division sont le règne minéral, le règne végétal et le règne animal.
- Les catégories inférieures au règne ont été définies et précisées ensuite, au fur et à mesure des progrès des travaux des naturalistes ; la découverte d’un nouvel être dans la nature remettait souvent en cause nombre des catégories précédemment définies en même temps que leurs hiérarchies et leurs voisinages.
- Une des catégories inférieures au règne est celle de l’espèce : son importance s’est imposée dès le début des recherches naturalistes, et n’a jamais cessé jusqu’à aujourd’hui...

De l’espèce et de la variété
- Dès le début de la description systématique de la nature, la catégorie de l’espèce semblait s’imposer comme celle qui réunirait tous les chênes et eux seuls, tous les érables et eux seuls, tous les chiens et eux seuls, tous les ânes et eux seuls...
- « Les chiens ne font pas des chats ! » Ce proverbe populaire exprime assez bien le sens que les savants s’accordaient avec le peuple à donner à la catégorie de l’espèce : les êtres appartenant à la même espèce peuvent se reproduire entre eux et leurs petits appartiennent à cette espèce.
- C’est précisément ce que l’on cherchait en définissant l’espèce : définir une catégorie stable dans la succession des générations : les chiens ne font pas des chats, ni les chèvres des brebis, ni les érables des roseaux, ni le blé du sarrazin ou du riz...
- Les espèces se classent par genres, les genres par familles, les familles par ordres, les ordres par classes, les classes par embranchements et les embranchements par règnes : toutes les catégories supérieures à l’espèce sont invariables dans la succession des générations parce qu’elles regroupent directement ou indirectement des espèces et que l’espèce est invariable.
- Par contre, l’accouplement de chiens différents produit toujours des chiens, mais les paysans savent depuis qu’ils vivent avec des chiens que ces petits peuvent être très différents de leurs géniteurs : dans la succession des générations, la stabilité d’une catégorie de chiens (ou de bovins, ou de moutons, ou de poules,...) n’est ni totale, ni spontanée ; la nature est ainsi faite qu’au contraire, une catégorie de chiens est généralement instable si l’humain ne sélectionne pas les descendants.
- Donc, si l’on crée des catégories inférieures à l’espèce, que l’espèce regroupera, il faut s’attendre à ce que la reproduction des êtres de chacune de ces catégories inférieures produise de manière tout à fait régulière tantôt des êtres qui ne lui appartiennent pas, tantôt des êtres qui lui appartiennent : s’il n’en est pas ainsi, si deux êtres d’une catégorie inférieure à l’espèce ne produisent que des êtres appartenant à cette même catégorie inférieure, cela veut dire que l’on s’est trompé en désignant l’espèce, et qu’en vérité l’espèce est cette catégorie inférieure.
- L’espèce est stable dans la succession des générations, mais les catégories définies au sein de l’espèce ne le sont pas : elles sont au contraire variables dans la succession des générations ; l’espèce est la catégorie invariable la plus proche des êtres individuels.
- Le nom de ces catégories inférieures à l’espèce en est découlé très logiquement : parce qu’elles peuvent varier, les savants les ont appelées des variétés.

Décrire systématiquement les êtres naturels
- Cela consiste à observer chacun d’eux, pour en décrire les caractères en mettant en lumière ceux qui sont propres à l’espèce à laquelle ils appartiennent, que l’on appelle pour cette raison les caractères spécifiques.
- Cette tâche était complexe dès le début, lorsque les savants classaient les chats, les chiens, les sorbiers, les merisiers, les épis de blé ou de riz, les plants de chanvre, de lin ou de coton, les êtres que l’humain connaît pour vivre en contact avec eux, pour les travailler, pour s’en nourrir, s’en habiller, pour en faire leur habitat ou pour voisiner avec eux... elle s’est encore compliquée dès qu’il fallut étendre le champ de l’étude aux autres êtres de la nature, jusque-là inconnus. Chaque fois qu’un naturaliste se trouvait placé devant un être inconnu, la détermination de ses caractères spécifiques interférait avec la définition même des espèces auxquelles il pouvait appartenir, avec le voisinage de ces espèces ou avec la hiérarchie des catégories qui le concernaient.
- La tâche de classer tous les êtres naturels exhaustivement s’est avérée jusqu’à aujourd’hui l’une des activités scientifiques les plus ardues ; elle est aussi l’une des plus importantes par sa fécondité : entre autres résultats, elle a induit nombre de progrès véritables, qui ne détruisent pas la biosphère, dans l’agriculture ; elle a induit la connaissance de ce qu’était la nature avant l’existence de l’écriture, c’est-à-dire de l’histoire ; elle a induit la remise en cause de l’invariabilité des espèces et la découverte de leur évolution par Darwin, dont résulte encore l’intuition que les catégories supérieures à l’espèce ne sont pas seulement des catégories logiques ou méthodiques, mais, elles aussi, des manifestations de processus naturels, des traces inscrites dans la nature elle-même par des processus qu’il faut encore étudier : une intuition, en sciences, est une forte raison de poser de nouveaux problèmes, d’élaborer une nouvelle problématique.
- Cela étant, les savants qui ont entrepris, puis développé le processus de classification universelle des êtres naturels ont toujours, à toutes les étapes de leur travail, eu toutes les raisons d’éviter d’employer le mot race : les dénotations, le sens concret de ce mot concernent en effet la division des sociétés en castes politiquement et économiquement inégales, et il porte les conotations religieuses qui justifient ces dénotations ; la race est une notion religieuse ou politique sans aucune valeur scientifique ; l’employer en science y introduirait les notions, les dénotations et les conotations religieuses et politiques qui lui sont étrangères, que ce soit du point de vue de l’observation ou de celui des méthodes : lorsqu’un chercheur emploie le mot race dans une recherche scientifique, il réduit à néant le progrès apporté au mouvement scientifique par le processus qui en a exclu l’autorité religieuse, l’autorité politique et ses subordonnées que sont les autorités administratives.
- La race n’est pas une notion scientifique. Ceux qui ont employé le mot de race dans des textes scientifiques ont toujours affaibli la valeur scientifique de ces textes et permis qu’ils servent à dévoyer la science et à la soumettre à un gouvernement ou à une religion.

L’humanité dans la classification universelle des êtres
- De tous temps, dans toutes les tribus, dans tous les clans et dans toutes les ethnies, des femmes en âge d’être mères ayant rencontré des hommes adultes étrangers à leur tribu, à leur clan ou à leur ethnie, quelle que soit la raison de la rencontre et quelles qu’en soient les modalités, ont pu s’accoupler avec ces hommes et de ce fait, concevoir des enfants.
- Il n’a jamais fait de doute pour personne que ces enfants étaient, et sont, des petits d’humains porteurs de tous les caractères qui font que leurs parents sont des êtres humains.
- Par ces raisons, l’humanité est une espèce ; les naturalistes ont donné à cette espèce le nom d’Homo sapiens. Cette espèce peut être classée dans un genre, le genre Homo.
- Mais les naturalistes ont constaté de longue date qu’elle est la seule espèce actuelle de ce genre ; pour cette raison, de nombreux auteurs emploient presque indifféremment les deux expressions : « l’espèce humaine » et « le genre humain ».
- A son tour, ce genre peut être classé dans la famille des hominidés, dans laquelle il est le seul genre actuel, cette famille dans l’ordre des primates et cet ordre dans la classe des mammifères.
- L’humain est un être naturel qui pense.

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