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L’expérience scientifique met-elle en doute la réalité de l’Univers ?

Qui a peur de la science ?

mardi 4 septembre 2007

Georges Gastaud, professeur de philosophie à Lens, vient de réagir à un article publié dans la revue La Recherche : voici son texte :

- Au « courrier des lecteurs » de la Recherche,
- Ainsi qu’à M. le directeur de la rubrique « matière » de la Recherche

- Madame, Monsieur,
- L’article paru dans votre numéro 410 (août 2007) sous le titre « le monde quantique s’éloigne de la réalité » me laisse plus que perplexe.

- Faisant référence à une expérience menée par des physiciens viennois, l’article affirme en substance que l’anti-réalisme et la non-localité (et en filigrane, l’indéterminisme ?) sont corroborés par cette expérimentation. L’article ne contient pas assez d’éléments précis pour en juger vraiment, mais il me semble en tout cas qu’à trop vouloir conclure il frôle l’aporie logique.
- Si le réalisme physique est faux, c’est que la microphysique n’est qu’une construction technique, voire subjective (apparentée philosophiquement à l’idéalisme) ; mais alors comment dire en même temps que l’expérience confirme les propriétés « non locales » de la réalité microphysique ? Si ces propriétés sont bien des propriétés du « monde quantique » (qui n’a sans doute pas attendu des milliards d’années qu’un « observateur » daigne le mesurer pour produire des effets objectifs...), alors, c’est le réalisme qui marque un point. On ne peut gagner sur tous les tableaux !
- Dans le même esprit, j’ai toujours trouvé étrange qu’on prenne appui sur les « relations d’incertitude » chères à Heisenberg pour déclarer à la fois que la mécanique quantique infirme le réalisme ET qu’elle atteste le caractère « objectivement hasardeux » de la nature quantique...
- Pour en revenir aux deux photons « intriqués » de l’expérience viennoise dont on constate qu’ils inter-agissent à distance (en violant la Relativité qui proscrit l’action instantanée à distance ?) ou tout au moins qu’ils varient identiquement quand on les soumet à mesures, cela ne montre-t-il pas plutôt qu’ils sont porteurs de propriétés réelles, antérieures à la mesure puisqu’elles résultent de l’intrication préalable qu’ils ont subie (et qui est une réalité objective par rapport à la mesure faite ultérieurement, sinon par rapport à l’intrication initiale provoquée par l’action des scientifiques) ?
- En bref, sans me prononcer en rien sur les résultats scientifiques proprement dits, j’ai le sentiment que règne une certaine confusion philosophique sur l’utilisation des mots « matière » et « réalité » : on commence par les rabattre sur leur signification intuitive périmée depuis longtemps, puis on les excommunie bruyamment en pourfendant par la même occasion le matérialisme (toujours « dogmatique ») et le réalisme (immanquablement « naïf ») avec en prime un frisson mystique : la matière est inconnaissable objectivement bien qu’on lui accorde... objectivement des vertus quasi-magiques !
- Ne faudrait-il pas plutôt dialectiser l’idée de réalité matérielle, par exemple en cessant d’opposer le réel au potentiel (depuis Aristote on sait que le possible fait partie de la réalité : ce n’est pas seulement dans la tête du zoologiste que le têtard est une grenouille « en puissance » !).
- Sans cela, la science n’est plus qu’une illusion bien construite, autorisant qui plus est toutes les dérives irrationalistes que ses créateurs grecs l’avait chargée de combattre !

- Bien cordialement vôtre, G. Gastaud

- PS : merci de passer si possible in extenso cette argumentation : elle peut sembler longue mais vu l’aridité du sujet, elle est au contraire serrée au maximum (comme d’ailleurs l’article visé, dont l’auteur avait reçu la mission impossible de trop en dire en trop peu de lignes).

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