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Réflexions sur mon expérience d’enseignant

vendredi 7 décembre 2007, par Jean-Pierre Combe

- L’enseignement, qui est la fonction de l’enseignant, est souvent présenté par beaucoup de gens, même par des enseignants, comme devant préparer le mieux possible les enfants à vivre dans « la » société, à s’y trouver leur place, à y trouver leur équilibre. Une justification généreuse de cette présentation consiste à dire que cet équilibre serait une condition du bonheur.
- Je considère cette présentation du rôle de l’enseignant comme inacceptable sur le plan simplement humain, et contradictoire avec les traditions françaises de l’école de la République.



A-Rôle de l’enseignement

- En effet, « la » société étant donnée, il s’agirait simplement d’adapter les enfants à cette société. Le bonheur serait alors une conséquence d’une adaptation réussie, et les malheureux seraient conduits à mettre en cause d’abord l’école !
- Le scandale de cette interprétation éclate à l’évidence à qui a lu l’affreux et excellent livre d’Aldous Huxley le meilleur des mondes. Ce roman de science-fiction, qui contient aussi une forte dose de politique-fiction, décrit en effet une société parfaitement inhumaine, faite d’une humanité dans l’ensemble parfaitement heureuse ; mais dans cette société, le bonheur des hommes et des femmes est atteint grâce à un système éducatif qui joue à la perfection le rôle de préparer le mieux possible les enfants à « vivre dans la société » ; il est à remarquer que cette préparation consiste dans une suite de castrations qui fait de cette société une société d’impuissants. Est-ce là le rôle des enseignants ?
- L’admirable, dans le livre de Huxley, c’est qu’il est tout à la fois « à vomir » et, réflexion faite, surtout après les années du fascisme, parfaitement raisonnable. C’est un cri d’alarme qu’il faut faire entendre à chaque enseignant.
- Alors je pose la question suivante : faut-il adapter l’homme à la société, ou bien est-ce la société qu’il faut adapter à l’homme ?
- Je dis que la tradition française de la République est de considérer qu’il appartient aux humains d’organiser leur société de façon à ce que soient satisfaits leurs besoins d’êtres humains.
- Prenons comme exemple une des questions qui m’ont été posées par des collègues au cours de discussions sur ce sujet ; Faut-il que l’OS (ouvrier spécialisé, c’est-à-dire membre de la catégorie des ouvriers les moins qualifiés), ou celui qui sera OS, étudie Platon ?
- Il y a deux façons de répondre à cette question.
- On peut y répondre « non » pour les raisons suivantes : dans son travail, l’OS n’a pas besoin de savoir ce que pense Platon de l’organisation de la société. Par conséquent, faire étudier Platon à un futur OS serait le mal préparer à vivre dans la société. De plus, on risque, ce faisant, d’engendrer des besoins qu’un OS n’aura jamais les moyens de satisfaire : on risque donc d’en faire un malheureux.
- Je n’invente pas cette réponse : elle m’a été faite textuellement !
- Une autre façon de répondre est de le faire par l’affirmative, en considérant qu’après tout, un OS est un être humain, et que le besoin de culture est un besoin humain. Mais alors, il y a deux façons d’envisager les conséquences de cette attitude. L’une consiste à penser qu’après tout, si l’étude de Platon permet à ce futur OS de sortir de sa condition d’OS, ce sera toujours autant de gagné pour lui, et que ce sera tant mieux. Ce raisonnement conduit à l’impasse dès lors que l’on s’élève au-dessus du niveau individuel ; en effet, si tous les OS sortent de leur condition d’OS, qui fera marcher les usines ?
- L’autre façon d’envisager les conséquences de cette attitude (suivant laquelle l’école doit donner aux OS les moyens d’étudier Platon) est de dire que si la société est ainsi faite qu’elle est mise en danger par la moindre élévation du niveau culturel du peuple pris dans son ensemble, c’est qu’elle est bien mal faite et que le premier devoir des humains est de la refaire. Mais qu’alors, les humains auront de bien meilleures possibilités de la refaire si l’accès à la culture leur est ouvert. Après tout, il n’est pas écrit dans les évangiles, ni dans aucun autre des textes sacrés dont je puisse avoir entendu parler, que le travail doive être ainsi organisé qu’il suppose l’existence de la catégorie des OS que nous connaissons aujourd’hui !
- C’est pourquoi je donnerai du rôle de l’enseignement et de la mission des enseignants une autre définition, que j’affirme tout à la fois plus conforme à l’humanisme et à la tradition des fondateurs de notre République :
- L’enseignement a pour but de donner aux élèves des écoles et des lycées, ainsi qu’aux étudiants des universités, l’autonomie de pensée et d’action la plus grande possible.
- En France en 1977, ce but n’est pas atteint. Je ressens ce défaut comme une manifestation de misère, et cette misère me touche avec beaucoup de force ; je vais maintenant expliquer pourquoi.

B-Comment ma profession m’a confronté avec mes idées

(1)-mon passé individuel
- J’ai eu la chance de pouvoir suivre sans problèmes matériels des études supérieures. J’y ai acquis pas mal de mathématiques, de la physique, de la chimie, et très peu de philosophie.
- J’éprouve depuis longtemps un grand intérêt pour les langues, ce qui m’a poussé à orienter mon travail de recherche vers les problèmes de la linguistique, et plus précisément vers le traitement sur machines mathématiques des problèmes de linguistique.
- Simultanément, je m’intéresse beaucoup aux problèmes de la cité, à la fois par devoir de citoyen et par goût humain ; en particulier la façon dont l’humanité résout par étapes successives les problèmes des relations entre les individus et la collectivité me passionnent.
- Sur le plan familial, mes enfants étaient à l’âge de l’acquisition du langage dans le même temps où un problème d’enseignement particulièrement difficile s’est posé à moi. Cela m’a conduit à élargir mon champ de réflexions.

(2)-ma mission actuelle
- Elle est d’enseigner les mathématiques dans une université héritière d’une ancienne faculté de lettres d’avant 1968. Cette mission m’est échue en 1970. Je l’ai acceptée avec empressement à cause des problèmes de fond révélés par le paradoxe que beaucoup de mes amis et moi-même vivions à l’écoute de son énoncé. Le rôle pédagogique des enseignants-chercheurs dans les universités n’étant pas retenu pour la gestion de leur carrière, d’avoir à résoudre ce problème m’a porté sur ce plan un grave préjudice.
- Au cours des premières années (ce que j’appellerai ci-dessous la « période A »), mon enseignement n’était pas obligatoire pour les étudiants ; c’était une option du DUEL (Diplôme universitaire d’Etudes littéraires).
- A la suite de la mise en place des DEUG (Diplômes d’Etudes universitaires générales), il est devenu obligatoire dans le cadre de quatre de ces diplômes (psychologie, sociologie, histoire, géographie).
- Les collègues de ma nouvelle université étaient dans l’ensemble favorables à l’introduction des mathématiques, mais pour des raisons diverses où les arrières pensées inavouables n’étaient pas toujours absentes : en fait, certains d’entre eux y voyaient l’occasion de renforcer la sélection dans les premières années de l’université en faisant porter aux enseignants de mathématiques la responsabilité de ce renforcement. Le seul but de cette sélection était de renvoyer un certain nombre d’étudiants sur le marché du travail.
- Bien que la majorité des collègues ne soient pas malhonnêtes à ce point, il a malgré tout fallu combattre ces idées fausses ou hypocrites. Mais cela n’a pas été l’essentiel de mon effort ; l’essentiel, c’était de résoudre le problème pédagogique.
- La raison essentielle de l’introduction des mathématiques dans certaines disciplines réside dans le fait que le développement de ces disciplines se trouvait entravé par le cloisonnement rigoureux en France entre « disciplines scientifiques » et « disciplines littéraires ».

(3)-qui sont désormais mes auditeurs ?
- essentiellement des étudiants titulaires d’un baccalauréat d’une série littéraire, sans bagage mathématique conséquent. Pour la plupart, ces étudiants avaient refermé leur manuel de mathématiques de la classe de troisième du lycée en se jurant bien de ne plus jamais rouvrir pareil ouvrage. Ce faisant, ils avaient intériorisé leur orientation ; ils avaient intégré à l’image qu’ils se faisaient de leur propre personnalité l’étiquette de « non-matheux » que le système d’orientation en vigueur chez nous leur collait sur le front. Ce faisant, ils avaient pris le parti d’accepter, et même de proclamer pour certains d’entre eux, l’idée qu’ils étaient à tout jamais incapables de comprendre quoi que ce soit aux sciences exactes ou naturelles.
- Oui, c’est triste à dire, mais c’est confirmé par les nombreuses discussions que j’ai eues avec eux tant dans la « période A » que dans la « période B » : ils avaient conscience d’une impuissance, et certains s’en faisaient gloire !
- Sans doute était-ce une manière de faire de nécessité vertu, car je n’ai pas rencontré d’étudiant inconscient de cette impuissance !
- J’affirme que les étudiants titulaires du seul baccalauréat de la série A de l’enseignement général ont une autonomie de pensée réduite par rapport aux exigences du monde moderne et futur.
- Ma mission pouvait dès lors s’énoncer ainsi : j’avais à réparer en partie le dommage subi par des victimes des classements auxquels se livre notre système d’orientation !
- Quels sont ces classements ?
- Ils sont deux, auxquels tout le reste peut se ramener.

  1. Dans le premier cycle, et en général près du début du premier cycle, on classe les élèves en « manuels » et en « non-manuels » (il est à noter qu’on ne dit pas « intellectuels » !), avec de temps en temps des variations dans le vocabulaire, quand la chose devient trop intolérable ; on a ainsi parlé de « conceptuels » et de « non-conceptuels », et employé bien d’autres termes, mais toujours pour faire le même classement !
  2. Dans le premier cycle également, mais vers la fin de ce cycle, on classe les élèves en « doués pour les mathématiques » et « non-doués pour les mathématiques ». Autrefois, on disait « scientifiques » et « littéraires ». Cette évolution-ci aussi est significative.

- J’ai constaté au cours des discussions avec les étudiants, et je peux faire état ici de plusieurs centaines d’entretiens avec des étudiants des plus divers, que le classement en « matheux » et « non-matheux » aboutissait à une réduire l’autonomie de pensée et d’action des étudiants « non-matheux ». Il ressort à l’évidence de toute la vie politique et sociale des Français depuis l’avènement de la grande industrie de mode capitaliste, que le classement en « manuels » et « non-manuels » est aussi une réduction de l’autonomie de pensée et d’action des « manuels ».
- Ces classements sont-ils au moins justifiés par quelque « nature humaine » ? Cette question me hante tout au long de mon expérience, et en particulier pendant toute la période où j’ai élaboré ma solution à mon problème pédagogique.

C-A la recherche de la solution

- Il a bien fallu faire un raisonnement a-priori pour déterminer ce que j’allais faire dès la première heure. Voici ce raisonnement :
- J’avais à enseigner des étudiants qui avaient eu une réaction de refus vis-à-vis des mathématiques au cours de leur classe de troisième, quelques années auparavant. Ils gardaient donc des mathématiques un souvenir à la fois numérique et négatif. Par ailleurs, leurs besoins concernaient principalement les statistiques : ils étaient donc principalement numériques ; mais le besoin d’informatique commençait alors à se faire sentir, et cela tendait déjà à modifier quelque peu les relations des étudiants avec les mathématiques du nombre.
- Mais le plus important, c’était que leur refus des mathématiques leur masquait toute la liaison des mathématiques avec le raisonnement humain. Pour cette raison, j’ai considéré qu’au sein du besoin de mathématiques des étudiants, le besoin de raisonnement était de très loin plus impératif que le besoin de nombre ; l’association du nombre à l’image négative qu’ils avaient gardée des mathématiques me poussait à repousser les mathématiques du nombre à une étape ultérieure de leur formation. S’ils abordaient les mathématiques numériques après que l’obstacle du raisonnement ait été levé, les mathématiques du nombre ne devaient plus leur poser de problème grave. Par ailleurs, porter l’accent sur les mathématiques du raisonnement serait une bonne ouverture sur une démystification de l’informatique qui apparaissait comme vraiment nécessaire étant donné les réactions de crainte superstitieuse que je pouvais observer autour de moi.
- Tout cela m’a conduit à définir un premier programme, pour cinquante heures de travaux dirigés de première année de DUEL, qui juxtaposait dans cet ordre l’algèbre des ensembles, la logique élémentaire à deux valeurs, l’étude des relations et des applications. Le mode d’exposition de cet enseignement restait très classique, consistant en un parachutage de définitions suivi d’un examen de leurs conséquences et d’une étude des théorèmes de base qu’elles rendent possibles.
- Cela se passait au début de la période A. J’avais peu d’étudiants dans mes groupes, à cause du caractère facultatif de cet enseignement. leur petit nombre se joignait à une certaine disponibilité : ils avaient choisi de faire un peu de mathématiques. Cela a rendu possible un dialogue qui m’a permis de faire les observations suivantes :
- Les étudiants éprouvaient des difficultés à suivre certaines démonstrations d’algèbre des ensembles. J’ai repéré ces difficultés en suivant pas à pas les démonstrations : dans tous les cas, elles consistaient en un blocage placé au niveau du langage, jamais au niveau des mathématiques. Ce blocage ne s’effaçait jamais complètement, il en restait toujours un malaise d’insatisfaction aussi longtemps que la logique n’avait pas été abordée. Le blocage et ses restes s’effaçaient très exactement lors du passage du calcul des propositions au calcul des prédicats, et cela dans tous les cas. A tel point que la première année, d’une part très peu d’étudiants assidus ont été ajournés lors de la session de juin, et d’autre part, les étudiants ont posé la revendication qu’à l’avenir, la logique soit traitée avant l’algèbre des ensembles.
- Quelle a été mon attitude devant ces constatations ?
- D’une part, j’ai modifié le plan du cours, qui commence désormais par la logique. D’autre part, le contenu des discussions que j’avais eues avec les étudiants m’a poussé à approfondir le rapport de la logique élémentaire au langage « de tout le monde » ; j’ai abouti à un exposé de la logique qui consiste à l’extraire des structures les plus courantes de la discussion, en choisissant le plus souvent mes exemples dans les cas les plus banaux rencontrés au cours des discussions quotidiennes, mais aussi dans des textes classiques, de Molière, de Corneille ou d’autres... ; il était parfois évident que cette extraction consistait à adopter des conventions simplificatrices.
- Que les conventions nécessaires pour passer de l’usage banal et quotidien de la langue commune à la logique élémentaire soient simplificatrices est illustré par l’exemple du « ou » logique, dont la définition que l’on peut donner en français consiste à choisir entre les deux valeurs du « ou » de la langue française ; cette remarque vaut en fait au moins pour toutes les autres définitions de base de la logique élémentaire. De présenter la logique de cette manière amène les étudiants à deux idées justes :

  • celle que les mathématiques sont un système de signes sémantiquement appauvri par rapport à n’importe quelle langue humaine, et notamment par rapport à la langue maternelle de l’enseignant aussi bien que par rapport à celle de l’étudiant ;
  • celle que la démarche d’exposition des mathématiques ne peut être transposée d’une langue dans une autre au moyen d’une traduction mot à mot des propos que tient celui qui enseigne : celui-ci doit penser lui-même les propos qu’il va tenir au cours de son enseignement, et cela complètement dans la langue dans laquelle il va enseigner : il doit en effet suivre la simplification qui mène de la langue dans laquelle il enseigne à la logique qui organise l’objet de son enseignement, et cette simplification dépend de la langue de l’enseignement.

- Cette manière de présenter la logique les amène aussi à cette autre idée juste que l’essentiel des qualités qui font l’intérêt des mathématiques résulte précisément de cet appauvrissement.
- En suivant la même voie de recherche, j’ai ensuite construit l’exposé de l’algèbre des ensembles sur la logique que je venais d’enseigner ; d’en appeler alors systématiquement au calcul de vérité aboutit alors à simplifier certaines démonstrations du calcul des ensembles ; par exemple, la démonstration de l’associativité de la réunion des ensembles par rapport à leur intersection se trouve alors réduite des deux tiers par rapport à ce qui est nécessaire lorsqu’on ne veut pas utiliser la logique élémentaire ; sur les feuilles de notes des étudiants, elle tient facilement sur un seul recto (c’est important pour des débutants de voir l’ensemble de la démonstration d’un seul coup d’oeil), et de plus, elle est toujours bien acceptée.
- Pour résumer, je dirai que cette expérience m’a conduit à utiliser la logique élémentaire comme un pont permettant aux étudiants de passer du langage de tout le monde à l’algèbre des ensembles, puis au-delà, aux mathématiques, sans avoir besoin de faire violence à leurs habitudes de raisonnement, mais au contraire, en les éclairant.
- C’est alors qu’il a fallu passer à l’étape B : les conditions de l’expérience en furent considérablement modifiées, rendant très difficile l’appréciation de son succès ou de son échec.
- En effet, d’une année sur l’autre, le nombre d’étudiants intéressés est passé de cent à plus de mille (en 1976-1977, il est de 1400). L’insuffisance dramatique de l’encadrement qui en est résulté a conduit à des groupes pléthoriques (c’est toujours le cas quatre ans après la mise en place des DEUG).
- De plus, le caractère obligatoire de cet enseignement a été ressenti comme une brimade par un très grand nombre, et certains gauchistes ont orienté ce ressentiment contre les enseignants, ce qui relève tout à la fois de l’injustice et de l’escroquerie.
- De sorte que la comparaison des résultats d’examen n’est pas significative. Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’unité de valeur dont je suis chargé n’est pas plus sélective que la plupart des autres unités de valeur de première année de cette université.
- Un autre élément de jugement peut être proposé : une unité de valeur facultative a été mise en place en seconde année. Elle fait suite à celle-ci et rassemble 20% de ses assidus. Dans l’ensemble, nous en attendions beaucoup moins. Mais est-ce suffisant pour conclure de façon péremptoire au succès ? Heureux qui pourrait le dire !
- Il est donc devenu très difficile de fonder ce jugement (succès ou échec) sur des considérations parfaitement objectives, matérialisées par exemple dans les archives de l’université. Je suis donc obligé de faire appel à mes souvenirs, aux rapports entretenus avec les étudiants, avec les collègues, pour tirer mes propres conclusions. Dans ces conditions, et parfaitement conscient de toutes les limites de ce que j’affirme, je conclus au succès, en ce sens que je m’affirme capable de conduire n’importe quel groupe de quinze étudiants de première année d’université titulaires du baccalauréat de la série A de l’enseignement général à la compréhension du contenu de ce cours de mathématiques et à une attitude profonde libérée de tout blocage de principe vis-à-vis des mathématiques, en cinquante heures d’enseignement.
- Mais alors, je suis obligé d’affirmer fausse une idée qui m’a été enseignée dans le petit programme de philosophie des anciennes classes de mathématiques élémentaires des lycées :
- Si la logique peut être utilisée avec quelque succès comme un pont entre le langage de tout le monde et les mathématiques, c’est que les mathématiques ne peuvent pas être enfermées dans une tour d’ivoire, c’est qu’un mouvement de leur dynamique interne les relie au reste de ce qui fait l’Homme.
- S’il en est ainsi, quelle est donc la place des mathématiques dans la pensée humaine ?
- Avant d’aborder ce point, il faut dire quelques mots d’une série d’évènements marquants de la « période B », et qu’il est de coutume de désigner sous l’expression globale de « contestation gauchiste ».
- Cette « contestation » a eu lieu sous la forme de plusieurs campagnes d’agitation dont chacune a duré entre une et trois semaines ; il y en a eu une par an au cours des trois premières années de cette période. Mais elle a porté des conséquences au-delà de ces quelques semaines ; il faut apprécier ces conséquences.
- C’était l’action de plusieurs groupes organisés d’étudiants gauchistes de pratiquement toutes les variétés qui existaient alors, depuis les divers trotskysmes jusqu’aux anarchorégionalistes. En vue de la campagne de « contestation », ces groupes constituaient un « élément de manœuvre » d’une vingtaine d’étudiants de tous les niveaux d’études, de la première à la quatrième année, dans lequel chacune de ces variétés était représentée ; cet « élément de manœuvre » allait de groupe en groupe « porter la bonne parole » et, accessoirement, arrêter les enseignements.
- Les thèmes qu’ils développaient obtenaient de la part des étudiants des succès d’ampleur éminemment variable. La tension qui en résultait durait jusqu’à ce qu’un dialogue puisse s’établir entre les enseignants et les étudiants intéressés. Une des constantes de ces évènements était que les étudiants qui suivant l’« élément de manœuvre » ne participaient jamais à ce dialogue.
- Je précise que l’interruption des travaux dirigés et des cours par de tels « élément de manœuvre » est extrêmement facile à l’université aussi longtemps que les enseignants et les étudiants sont divisés ; la raison en est qu’à l’université, il n’y a pas de fonctionnaire d’autorité. Mais il n’est pas pour autant souhaitable d’introduire de tels fonctionnaires et, même parmi les enseignants dont les options politiques se situent à droite, peut-être certains le souhaitent-ils, mais ils ne sont pas une majorité. L’absence de fonctionnaires d’autorité dans les universités est tout à la fois une franchise traditionnelle et une nécessité fonctionnelle : la liberté est une condition nécessaire au travail universitaire ; qu’elle soit limitée et ce travail diminuera dans de grandes proportions en quantité et en qualité.
- Quand les enseignants se rassemblent pour discuter de leurs problèmes, avec la volonté de les résoudre vraiment, en reconnaissant le fait que dans la France de 1977, l’Université n’est pas seule en crise, quand les étudiants se rassemblent aussi et qu’ils aperçoivent cette simple vérité que les enseignants dans leur fonction d’enseigner ne sont pas la cause des graves problèmes qui se posent à eux, qu’ils s’attachent à chercher la solution de ces problèmes, alors les groupes gauchistes s’étiolent et disparaissent. C’est la vie...
- Très mal informé de la géographie subtile du gauchisme, et ayant vécu ces évènements comme une confrontation avec un « élément de manœuvre » dont les membres avaient coutume de ne pas annoncer leur couleur, il m’est impossible d’attribuer la paternité des thèmes de contestation ; je les cite donc ci-après en vrac :

  • les maths n’ont pas d’autre intérêt que la sélection ; en particulier, il est injuste de faire apprendre les maths à un étudiant d’histoire (ou, selon les groupes de travaux dirigés, de psychologie, de sociologie, de géographie, mais cette dernière citation était la plus rare dans les discours des membres de l’« élément de manœuvre »), parce que, sorti de l’université, il n’en aura plus jamais besoin ;
  • les profs de maths sont des sélectionneurs réactionnaires qui ont un critère de sélection à la place du cœur ; l’enseignement qu’on nous impose en maths a été déterminé sans prendre ni la mesure de nos besoins, ni la moindre connaissance du niveau où nous sommes ;
  • les profs de maths ont conscience de posséder la vérité, ils ont toujours raison et ne se remettent jamais en cause ;
  • les maths sont une discipline bourgeoise, qui est le moyen de plier les étudiants à l’idéologie bourgeoise ;
  • pour faire la révolution, il faut refuser les maths.

- A ces thèmes, les membres de l’« élément de manœuvre » ajoutaient systématiquement l’usage de l’insulte et de la calomnie.
- Ce que j’ai exposé précédemment de ma propre activité fait ressortir le caractère faux, mensonger des thèmes de cette « contestation ».
- Pour ce qui concerne le problème plus général de l’université, certaines discussions m’ont appris que cette conception des mathématiques comme partie de l’idéologie bourgeoise participait d’un système idéologique beaucoup plus vaste, qui présente la science en général, et plus particulièrement celle qui se pratique dans les Universités, comme inexistante, l’usage du mot de science pour désigner l’activité universitaire ne servant qu’à cacher l’idéologie bourgeoise ; le raisonnement se poursuit alors en juxtaposant tous les poncifs du nihilisme scientifique à la mode en France depuis un demi-siècle, avec des ricochets parfois inattendus : un étudiant membre actif d’un des groupes gauchistes de mon université et animateur de l’« élément de manœuvre » intervenant dans mes travaux dirigés a un jour développé la théorie de la linguistique que l’on dit stalinienne, parce qu’elle aurait eu son heure de gloire en URSS au temps de Staline, selon laquelle la langue française parlée par les ouvriers des usines Renault serait beaucoup plus proche de la langue russe parlée par les ouvriers des usines Kirov de Léningrad que de la langue française parlée dans le conseil d’administration du trust SIDELOR. Le discours gauchiste que j’ai entendu au cours de ces évènements combinait étroitement le nihilisme et l’obscurantisme.
- La méthode employée est du même tonneau : l’« élément de manœuvre » procédait par parachutage d’affirmations jamais vérifiées. Quand quelqu’un proposait une vérification, l’hypocrisie servait de couverture. A défaut de la vérité, ce discours recherchait constamment la flatterie des préjugés des étudiants ; dans son élaboration, obscurantisme et nihilisme avaient pris la place de la vérité ; en deux jours, il aboutissait à empêcher l’expression des étudiants.
- Ce discours n’était pas seulement faux, il a été profondément néfaste, et toutes ses conséquences ont été négatives : il s’est dressé comme un obstacle entre les étudiants et la vérité de leur situation à tous les points de vue (social, syndical, politique, pédagogique). Il en est résulté un blocage de plusieurs mois dans la recherche de solutions aux problèmes posés, aussi bien aux étudiants qu’aux enseignants. Sur le plan du débat idéologique, ce discours a renforcé considérablement tous les thèmes anticulturels et antiscientifiques. Sur le plan de la vie universitaire, il a abouti à une rupture de ce qui pouvait exister de dialogue entre les enseignants et les étudiants. Enfin, par le caractère « bouchon » de la grève qui en résultait, cette action a été un facteur considérable de détérioration du climat dans l’université où j’enseignais.
- En vérité, la gauchisme en lui-même n’est pas intéressant : c’est ce qui résulte pour moi de cette expérience. Ce n’est pas autre chose qu’un développement parasitaire greffé par ses acteurs sur le commencement de certains débats. Il ne sert même pas à révéler la nécessité de ce débat ; il aboutit seulement à le paralyser ; en vérité, il ne profite qu’aux forces politiques réactionnaires.

D-Où sont les mathématiques ?

- C’est une réflexion sur l’école maternelle, et plus précisément sur la place que peuvent occuper les mathématiques dans les activités de l’école maternelle, qui a nourri ma recherche sur ce sujet, conjointement avec l’observation de l’acquisition du langage par mes enfants.

(1)-conditions de la réussite de l’école maternelle française
- Je ne développerai pas la première de ces conditions, qui est d’être dotée de locaux commodes et accueillants pour les enfants et pour les personnels, et d’être formée de personnels en nombre et en qualité suffisants et disposant de matériel, lui-même en quantité et en qualité suffisantes.
- Cette première condition étant réalisée, le succès de notre école maternelle tient à ce qu’elle propose à l’enfant un ensemble d’activités complet, sollicitant tous les aspects de son développement sans en privilégier un seul.
- Cela permet à l’enfant de pratiquer les activités de création (dessin, peinture, collages, modelage, cuisine,...), langagières (récit, poésie, discussion,...), de motricité (danse, exercices physiques divers, usage d’agrès,...), de jeu, de socialisation, conçues comme expression de l’autonomie de l’individu avec et sans participation à un collectif. Des activités de ces divers types peuvent et doivent être pratiquées par les enfants dans des combinaisons variées.
- Au cours des vingt dernières années, le développement des mathématiques a posé le problème de leur place dans les activités de l’école maternelle. Des équipes pédagogiques particulièrement audacieuses ont fait des recherches dont les résultats rendent dès aujourd’hui possible de donner quelques idées pour les y insérer : à l’école maternelle, les mathématiques ont leur place ; leur pratique consiste d’abord en l’introduction de certains types de jeux, descriptibles mathématiquement, qui conduisent l’enfant à élever le niveau d’abstraction auquel il se place pour y participer. En réalité, il ne s’agit pas d’élever le niveau d’abstraction du jeu de l’enfant (déjà considérable quoi qu’on en pense !) ; il s’agit plutôt de lui donner l’occasion de manier consciemment les concepts qu’il est en âge d’acquérir, et qu’il doit effectivement acquérir à l’étape du développement personnel où il se trouve. Au lieu de rester totalement inconsciente, cette acquisition sera consciente dans une certaine mesure.
- Ce qu’il est advenu d’appeler « les mathématiques modernes à la maternelle » n’est pas autre chose qu’une incitation adressée à l’enfant d’approfondir son usage du langage en rapprochant du niveau explicite le mouvement d’abstraction qu’il met déjà en œuvre comme une composante implicite de l’usage qu’il fait de la parole. Il faut encore noter que l’enfant doit de toute manière rapprocher son mouvement d’abstraction du niveau explicite, et que ce rapprochement est commencé à l’âge de la maternelle : il s’agit seulement de préparer le débouché explicite de ce mouvement et, dans toute la mesure du possible, de faire en sorte qu’il commence.
- C’est que le développement de la conscience de l’enfant est étroitement corrélé à sa capacité de raisonner, c’est-à-dire à sa maîtrise du langage : c’est justement en développant chez lui les pratiques raisonnées du langage raisonné que les adultes chargés de son éducation l’aident à rapprocher son mouvement d’abstraction du niveau explicite, et à le faire déboucher à ce niveau ; or, la pensée consciente met en valeur l’interaction du raisonnement d’une part avec la réalité, d’autre part avec l’imagination, et l’imagination de l’enfant est à proprement parler une manifestation de son mouvement individuel d’abstraction... Pour toutes ces raisons, tout enfant a beaucoup à gagner à l’introduction de telles pratiques dans l’éducation que dispense l’école maternelle.
- De sorte que l’utilisation pédagogique des mathématiques à l’école maternelle vise avant tout à faire accéder l’enfant à une plus grande maîtrise de son langage ; il ne doit pas être question que tous les enfants sachent compter en sortant de cette école ; cela n’aurait en fait aucun intérêt.
- Mais alors, si les mathématiques peuvent servir dans les interventions visant à améliorer l’acquisition et la maîtrise du langage par l’enfant, c’est nécessairement qu’il existe un lien très fort et très fondamental entre les mathématiques et le langage. On peut dire encore : ces interventions heureuses ayant lieu à l’école maternelle, et ayant montré leur efficacité pour des enfants de toutes les catégories possibles, c’est que ce lien intéresse toutes les catégories de langage ; s’il en est ainsi, la pédagogie tient le fil théorique qui peut lui permettre de construire des méthodes pour enseigner les mathématiques de base à n’importe qui. Il n’y a pas d’êtres humains qui ne soient pas doués pour les mathématiques : il n’y a que des hommes et des femmes pour qui l’institution pédagogique n’a pas su ouvrir le chemin (quand elle ne l’a pas fermé, ce qui est trop souvent le cas !).
- En vérité, j’ai trouvé dans l’analyse des succès remportés par l’école maternelle chaque fois qu’elle a les moyens d’accomplir sa tâche beaucoup de confirmations des idées qui ont été à la base de mes essais dans l’enseignement supérieur !
- Je pense que ce succès élève une revendication nouvelle : celle d’une élévation du niveau de formation des maîtres, de leur niveau de culture générale et scientifique. Le simple baccalauréat ne correspond plus aux exigences d’une école moderne et démocratique !
- Ces constatations m’ont conduit à m’interroger sur les mécanismes d’acquisition du langage par l’enfant, puis à formuler une hypothèse sur la préhistoire du langage humain. Cette hypothèse n’est pour moi qu’une façon d’expliquer ma conception de la place des mathématiques dans l’activité humaine. Mais ce serait une pure hypocrisie d’en changer pour autant le vocabulaire.

(2)-réflexion sur les mécanismes d’acquisition du langage par l’enfant
- Si j’en crois la psychanalyse, le nourrisson commence sa vie par une longue suite de séquences déplaisir-plaisir liée au fait qu’il est incapable d’effectuer lui-même les gestes nécessités par ses fonctions vitales. Ce fait, vécu par le nourrisson, est à l’origine de la notion de temps et de l’aptitude au langage. Il caractérise la première période de la vie de l’enfant, celle pendant laquelle sa vie s’organise en une relation duelle dont les pôles sont lui-même et sa mère.
- La période suivante est caractérisée par l’intrusion de l’instance paternelle qui va perturber cette relation duelle et la transformer en une relation triangulaire, dont les pôles sont l’enfant, la mère et l’instance paternelle. C’est cette perturbation, cette transformation de la vie de l’enfant, qui est cause, moyen et cadre de la réalisation de l’aptitude au langage en acquisition du langage. Mais il faut remarquer que cette perturbation est la première d’une série de perturbations qui aboutissent à plonger l’enfant dans le groupe humain ; et que l’instance paternelle, qui, dans la société française de 1977, est le plus souvent l’homme qui partage la vie de la mère, investit toute son identité sociale dans cette perturbation : de sorte qu’une autre réalité sociale apporte à l’enfant ses premières manifestations dans ce même mouvement, c’est celle du travail.
- J’aboutis ainsi à découvrir l’évidence d’un lien profond, essentiel, entre la sexualité et le langage ; mais pour moi, cette évidence s’accompagne de deux questions qu’il est beaucoup moins courant de se poser : c’est celle de l’existence d’un lien entre le langage et le travail et celle de l’existence d’un lien entre la sexualité et le travail. Je pose ici la question du lien entre le langage et le travail.
- Les linguistes des écoles formalistes et ceux de l’école fonctionnaliste ont attiré l’attention et fondé leurs raisonnements sur la conception du langage comme moyen de communication. Mais pour juste et fécond que soit ce point de vue, il peut laisser échapper toute une série de problèmes. Les raisonnements qu’il a fondés ont mis en évidence toute une série de caractéristiques du langage, comme système de signes, surtout relatives à la structure pour ainsi dire interne de ce système de signes. Mais fonder l’étude de la relation de ce système de signes avec le monde réel sur cette seule conception aboutit à beaucoup de problèmes aux énoncés flous et fluctuants. Affirmer que le langage n’est rien d’autre qu’un système de communication me paraît bien osé à cause de cela.
- Que peut faire un chercheur qui souhaite reconstituer certains aspects de la vie à certains siècles passés ? Il ne peut rien faire d’autre que de rechercher des documents ; et pour les périodes historiques, la plus grande partie des documents, celle qui contient la plus grande quantité d’informations, est constituée de textes, c’est-à-dire de discours écrits. Notre chercheur va donc utiliser le langage comme source importante de l’information qu’il cherche. L’information en question est donc stockée dans le langage sous forme de discours. L’activité de notre chercheur va consister à déstocker cette information.
- Prenons un autre exemple : celui des élèves des classes de l’enseignement technique, plus précisément, l’exemple de leur activité dans les classes où ils apprennent les techniques de leur futur métier. On s’apercevra que l’essentiel de l’activité de ces élèves consiste à écouter leur enseignant et à chercher à comprendre son discours. La vérification de cette compréhension se fait normalement par l’examen de leur façon de manier les outils du métier ainsi que par l’examen des produits de leur travail. Autrement dit, ils doivent transformer du langage en travail à faire et faire ce travail. Cette transformation est, elle aussi, un déstockage.
- Je dirai que le langage est tout à la fois un système de communication et un système de stockage de l’information sociale. Certes, certains pourraient chicaner et prétendre que cette définition n’apporte rien, le stockage pouvant être assimilé à une information différée. Certes. Mais l’intérêt de cette définition est d’engendrer immédiatement la question : Quel est le mécanisme de ce stockage ? Par quel processus le langage peut-il devenir un reflet du monde des choses au point de permettre l’utilisation ultérieure de ce reflet pour reconstituer les sociétés disparues, ou du moins certaines d’entre elles sous certains de leurs aspects ?
- Outre cela, il faut aussi remarquer que le langage est aussi utilisé dans la recherche scientifique et dans la recherche technologique. Un autre aspect important du langage est donc d’être un moyen d’explorer le monde. Quelles sont ses propriétés qui lui permettent cette exploration ? C’est-à-dire de refléter désormais les aspects du monde qui jusqu’alors étaient inconnus de la société humaine ?
- Une remarque encore : un projet d’aménagement, de mise en valeur, cela existe d’abord sous forme de discours. L’activité consistant à réaliser ce projet est un travail et consiste à transformer le monde. Comment exprimer cette relation entre le langage et le travail, qui permet au travail de prendre toute sa valeur humaine ?
- Ces remarques nous semblent rendre nécessaire la formulation d’une hypothèse qui permettrait d’exprimer la relation entre le langage et le travail. Cette nécessité est encore confirmée par la remarque suivante : c’est dans le langage que naissent et prennent forme les idées nouvelles : mais si aucune main, aucun doigt d’aucune femme ou d’aucun homme ne bouge, rien ne se passe, rien ne se réalise, sauf la mort des idées. Ce qui par parenthèse donne au langage écrit une importance considérable.

(3)-une hypothèse
- Je dirai que le langage est un système de simulation, un simulateur.
- Comme système, le langage est en relation de simulation avec le monde réel.
- Le travail est l’activité qui réalise concrètement la simulation dans le sens allant du langage vers le monde. Il est également impliqué dans la réalisation concrète de la simulation dans le sens allant du monde au langage.
- Dans le sens de l’entrée, du monde au langage, le travail sert de support, non forcément exclusif, mais essentiel, à la création de langage (au développement du langage).
- Dans le sens de la sortie, du langage au monde, le travail s’identifie à la réalisation des idées, c’est-à-dire à leur inscription dans le monde réel.
- Il résulte de cette hypothèse que toute activité de travail mobilise le langage, et que l’un des aspects de la vie des idées, de la naissance d’idées nouvelles, est qu’elles sont du travail potentiel.
- Je dirai que le travail et le langage ont une histoire commune, que l’apparition et le développement de chacun des deux sont dialectiquement reliés à l’apparition et au développement de l’autre ; l’un donne à l’autre son sens et par ce fait, lui permet de se développer encore ; travail et langage se développent en s’appuyant l’un sur l’autre.
- Cette hypothèse a des conséquences importantes :

  • elle pousse à reconsidérer la place du travail et du langage dans l’équilibre de l’être humain, et à considérer que, dans la France de 1977, les femmes et les hommes ont une personnalité déséquilibrée ;
  • elle invite à reconnaître au travail créateur un rôle important dans l’acquisition du langage, et à refuser la mise en pratique de la thèse que « tout se joue dans les six premières années de la vie de l’enfant » ;
  • elle invite, par voie de conséquence, à reconnaître le travail réalisateur comme un moyen pédagogique essentiel et important.

- Cette hypothèse appelle des vérifications :

  • elle est fondée sur une interprétation de mon expérience comme succès, mais je n’ai pas fait la preuve objective de ce succès ; j’ai expliqué ci-dessus pourquoi ce n’est pas à ma portée ;
  • concevoir et réaliser sur cette base des enseignements destinés à des ouvriers serait une vérification extrêmement directe de cette hypothèse. L’université française est trop pauvrement dotée par l’Etat pour qu’il soit même question d’y poser le problème.

- Faute de ces vérifications, il reste les conditions et le processus qui ont fait naître cette hypothèse pour la juger. De ce point de vue, il faut dire qu’elle est aussi bien fondée que beaucoup d’autres hypothèses à la mode. Je continuerai donc de raisonner en la prenant pour cadre.
- D’accepter cette hypothèse me confirme dans ma conception du rôle de l’enseignement, et aussi dans mon refus de considérer que les classements effectués entre les élèves du second degré de l’enseignement français correspondent à une quelconque nature humaine : je persiste à dire qu’ils ne sont que le résultat des mauvais traitements imposés à l’enfant par le système scolaire français !

(4)-Place des mathématiques
- J’ai dit plus haut que le langage naissait comme corollaire dialectique du travail.
- Le travail est l’activité de l’être humain qui consiste à transformer le monde. Il arrive un moment du développement du travail et du langage où l’humain est en mesure d’utiliser le langage pour appréhender sa propre activité ; ce moment est celui où le travail réalisé a acquis une existence objective, a pris corps dans la réalité des choses. De ce nouveau mouvement naît le discours sur le travail, qui est le premier discours technologique, ainsi que le discours sur l’objet de travail, c’est-à-dire sur le monde, qui est le premier discours scientifique.
- Mais le langage et le travail sont reliés l’un à l’autre de telle manière que chaque discours produit, dès lors qu’il a été produit, acquiert une réalité objective. Cela devient flagrant avec l’invention de l’écriture, mais était déjà le cas auparavant : cette réalité objective se manifeste en effet dans tout produit du travail, avec seulement des degrés divers dans les possibilités de sa perception. Il en résulte que désormais, l’homme est en mesure d’utiliser le langage pour appréhender les différents discours produits. Ce nouveau mouvement se réalise et donne naissance, suivant les points de vue, à la logique, aux mathématiques, qui sont apparentées de très près à la logique, et à la philosophie.
- Cette description est hypothétique. Mais cette idée que le langage produit du discours, que ce discours possède une réalité permettant d’utiliser le langage pour ainsi dire au second degré pour l’appréhender, l’étudier, repose sur la constatation que de nombreux moments du développement des mathématiques contiennent des réalisations de ce schéma.
- Il faut ajouter que ce mouvement a lieu dans tous les sens ; chaque discours nouveau ainsi produit enrichit le langage en augmentant ses possibilités, et c’est ensuite au moyen du langage dans son ensemble et sous sa nouvelle physionomie qu’on appréhendera de nouveaux objets.
- De sorte que chaque retour au monde permet de découvrir des domaines qui jusqu’alors avaient échappé à la conscience humaine.
- De sorte aussi qu’il est parfaitement illégitime de présenter les mathématiques comme étant sans lien avec le monde, fût-ce en partie ; et que la cloison montée en France entre « mathématiques pures » et « mathématiques appliquées » est totalement illégitime, et qu’elle a pour effet de stériliser la recherche.

E-Conséquences de cette conception sur l’enseignement

(1)-comment s’opère le classement des élèves que pratique l’enseignement français du second degré ?
- Nous avons déjà condamné le principe de ces classements et revendiqué qu’il y soit mis fin. Classer les enfants de onze ans en manuels et non-manuels est un scandale, comme de les classer à quinze ans en matheux et non-matheux.
- En fait, je dis que ces deux classements reposent sur des critères relatifs au langage : plus précisément, ce sont des classements selon la plus ou moins grande maîtrise de leur langage par les enfants.
- Comment cela se passe-t-il ?
- L’école maternelle propose aux enfants des activités bien équilibrées, et tous les enfants qui y passent sans se heurter à des classes surchargées et sous-encadrées y accomplissent des progrès considérables dans l’acquisition du langage.
- Mais d’abord, tous les enfants n’ont pas cette chance, et ensuite, l’école n’est jamais le seul milieu éducant.
- Il en résulte qu’à l’entrée au cours préparatoire de l’enseignement primaire, les enfants se présentent avec des degrés de maîtrise de leur langage très variées : certains « parlent très bien », alors que d’autres balbutient seulement.
- C’est pourtant tous ces enfants qui vont avoir à affronter un ensemble d’activités exclusivement issues du langage : la lecture, l’écriture, les dénombrements ; de cet ensemble d’activités sont exclus le travail réalisateur, le sport.
- De sorte que pour beaucoup de ces enfants, les activités de l’école primaire sont vidées de toute substance et purement formelles. L’école primaire française est une école déséquilibrée. Ce déséquilibre est la cause de ce que cette école est incapable de réduire les inégalités présentes entre les enfants qui y passent : ceux qui y entrent en « parlant très bien » n’éprouvent en effet aucune difficulté majeure à suivre ses activités, alors que les autres, au contraire, sont d’emblée plongés dans des difficultés et dans le même temps, privés des activités qui seraient susceptibles de donner une substance à cette école et ainsi de leur permettre de surmonter ces difficultés. Leur situation est sans issue. La tendance qu’ils développent alors vers les activités manuelles n’est que l’expression d’un manque, la réaction à une carence en même temps que la revendication des moyens de résoudre leurs problèmes. C’est cela que l’idéologie bourgeoise interprète comme une manifestation d’une « nature profonde », et cette interprétation abusive permet de coller à l’enfant une étiquette définitive.
- Tel est le fonctionnement de l’école organisée par la bourgeoisie :

  • elle plonge une partie des enfants dans des difficultés langagières profondes en privant l’école des activités autres que langagières qui sont nécessaires au développement du langage ; cela conduit l’enfant à une attitude exprimant précisément son besoin d’activités non-langagières pour développer son langage ;
  • elle exploite alors cette véritable revendication implicite de l’enfant en fondant sur elle les processus qui condamnent l’enfant à rester dans ses difficultés sans les résoudre !

- C’est ainsi que la société française détermine quels enfants seront plus tard manœuvres ou OS.
- L’étape suivante de la sélection se situe de deux à quatre ans plus tard.
- Le critère employé est vécu par les élèves et par beaucoup d’enseignants comme de nature mathématique. C’est à la fois vrai et faux. C’est vrai en ceci qu’actuellement, on utilise les notes obtenues en mathématiques comme révélateur. C’est encore vrai si on se rappelle que la place des mathématiques est dans le langage. Mais c’est complètement faux si cette idée aboutit à faire porter au seul mathématicien toute la responsabilité de la sélection.
- En vérité, ce qui est sélectionné à cette étape, c’est la meilleure capacité d’abstraction dans le raisonnement ; or ce n’est, là encore, pas autre chose que la meilleure maîtrise sur le langage. Baser cette sélection sur les résultats obtenus en mathématiques n’est pas autre chose que la reconnaissance de ce que la meilleure maîtrise du langage conduit directement au meilleur succès en mathématiques, même si l’intéressé n’a pas de goût particulier pour cette discipline.
- En fait, seule l’échelle des valeurs imposée par la vie sociale donne quelque apparence de stabilité à ce classement : celui qui a été classé « matheux » choisira les filières conduisant aux baccalauréats des séries scientifiques, mais pas du tout parce que ce serait son goût ; la raison qui motive ce choix dans la quasi totalité des cas, c’est l’étendue des débouchés offerts aux bacheliers des séries scientifiques, beaucoup plus grande que celle des débouchés offerts aux séries littéraires. En vérité, les lycéens « matheux » ont le privilège de pouvoir choisir leur orientation.
- Les autres, ce sont ceux qui ont toujours eu des difficultés avec le raisonnement abstrait. L’absence de progrès que l’on observe chez eux sur ce point tient elle aussi au déséquilibre de notre école : le travail réalisateur est exactement aussi absent des cycles du second degré de l’enseignement général qu’il l’est du premier degré : ce même déséquilibre inscrit aussi ce classement-là dans l’entrée des enfants au cours préparatoire. Les enfants ainsi classés n’ont aucune possibilité de choisir leur orientation.
- D’où vient la tradition selon laquelle ils étaient naguère considérés comme des « littéraires », et le sont encore parfois ? Le fait est que leur capacité d’abstraction dans le raisonnement est plus faible, et qu’en même temps, ils sont capables d’acquérir et de manier des techniques de raisonnement dès lors que ces raisonnements portent sur des objets concrets. Dans notre pays, cela ne caractérise pas seulement l’état des études « littéraires » : il en est de même dans un certain nombre d’autres domaines.
- Les écoles et universités françaises pratiquent ainsi, livrant en fin de cursus quantité de personnels d’exécution, secrétariat et collaboration aux différents travaux de direction et de gestion ; les tâches pour lesquelles ces personnels sont qualifiés ne requéièrent pas de responsabilité décisive.

(2)-tout cela est aggravé par différentes caractéristiques du déroulement des activités pédagogiques dans les collèges et lycées de France :

  • le cloisonnement imposé de façon prématurée entre les filières : celui qui aura fait un « mauvais choix » ou qui aura un jour, tout simplement, manqué de chance, ou même qui aura accompli malgré tout des progrès exceptionnels, mais tardifs, celui-là aura par la suite les plus grandes difficultés à rectifier son orientation ;
  • le cloisonnement croissant entre les disciplines ; ce cloisonnement résulte de l’augmentation incessante de la charge de travail imposée au corps enseignant et de ce que les chapitres ouvrant des perspectives au raisonnement disparaissent des programmes d’enseignement ;
  • le fait que les chapitres de synthèse, même restreinte à la discipline enseignée, disparaissent progressivement et systématiquement des programmes ;
  • la conception étroite et refermée sur elle-même des mathématiques enseignées. Par là, ce qu’on appelle avec beaucoup d’abus « les mathématiques modernes » sont vidées de toute leur substance, qui à ce niveau réside justement dans les liaisons qu’elles permettent avec les autres disciplines et avec la vie sociale ; cette étroitesse ressort d’une façon flagrante des circulaires définissant l’enseignement des mathématiques dans l’enseignement primaire : elles opposent en effet l’ancien enseignement du calcul, motivé par les relations entretenues par l’enfant avec le milieu social, au nouveau, dont toutes les motivations sont internes aux mathématiques sous couvert de préparer l’enfant à l’enseignement secondaire ; c’est là une trahison : les motivations essentielles des mathématiques ne sont pas internes ; nous y reviendrons plus loin.

- En fait, notre enseignement ne forme pas des femmes et des hommes aux larges vues, mais des porteurs d’œillères.
- Nos écoles, collèges et lycées ne forment pas des citoyens, mais des puzzles dépareillés.

(3)-un projet à longue échéance
- Pour que l’école ne serve plus à classer les gens, mais au contraire à donner à chacun les meilleures possibilités de développement, l’idée directrice qui ressort de cette analyse est de faire une école qui d’un bout à l’autre du cursus fasse toute leur place aux activités de chacun des axes essentiels du développement de l’enfant (langage, éducation physique, habileté manuelle, expression corporelle, expression matérielle et plastique, sensibilité et expression musicale), sans en privilégier un seul, et qui donne à chaque enfant les meilleures conditions pour qu’il se développe dans tous les domaines à sa portée déterminés par chacun de ces axes.
- En particulier, l’équilibre favorable aux enfants qu’atteste notre école maternelle chaque fois qu’elle n’est pas surchargée et qu’elle a les moyens de fonctionner doit être maintenu dans les cycles primaire et secondaire de notre enseignement.
- Il faut faire toute leur place :

  • aux activités sportives ;
  • au travail réalisateur dans son aspect de création concrète et dans sa relation avec le langage ; on peut penser le début du cursus primaire comme une amplification de ce qui se fait en maternelle, pour aboutir en fin de ce cursus à la maîtrise par l’élève d’un ensemble ouvert de techniques modernes ;
  • aux activités de langage en soi : discussion, lecture à haute voix et silencieuse, lecture et récitation de poèmes, récit, rédaction, raisonnement mathématique,...
  • aux activités de langage dans la relation que le langage établit avec la société humaine : instruction civique, histoire des sociétés, histoire des hommes et des idées, géographie, langue maternelle, culture nationale avec aussi ses niveaux régionaux et locaux, langues étrangères,...
  • aux activités de langage dans la relation que le langage établit avec le monde des choses : sciences physiques, chimiques, biologiques, astronomie,...

- Tout cela débouche sur l’acquisition par l’élève de dix-huit ans d’une vaste culture humaine et scientifique, de l’habitude de décider et d’être responsable dans tous les domaines qui le ou la concernent, ainsi que d’un premier métier destiné à lui assurer le droit concret à une existence indépendante.

(4)-un projet à court terme, pour sortir de l’impasse
- La première condition pour sortir de l’impasse actuelle est de doter notre école, depuis la maternelle jusqu’à l’université, de moyens satisfaisants en personnels qualifiés et en matériels.
- Cela dit, je porterai mon attention sur la nécessaire coordination des mathématiques avec les autres disciplines. Pour celles-ci, je me contenterai de dire qu’elles doivent être enseignées dans toute leur ampleur, en soulignant leurs méthodes d’analyse et de synthèse, en précisant leur histoire et en provoquant les réflexions sur leurs perspectives ; pour les sciences, une initiation à la préparation et à la réalisation des expériences de base est nécessaire.
- Aujourd’hui, les rares personnes qui parlent de coordonner les enseignements de mathématiques avec les autres enseignements

  • se bornent à considérer les sciences naturelles et les sciences physiques ;
  • se contentent de dresser une liste des concepts mathématiques que ces sciences utilisent et affirment que le professeur de mathématiques doit exposer ces concepts avant que l’enseignement de ces sciences n’en aborde l’utilisation.

- Cette façon de concevoir la coordination est erronée en ce sens qu’elle relève d’une conception de l’éducation coupée en tranches.
- Non ; l’éducation ne se découpe pas comme un salami. Pas même comme la dinde que je souhaite à chaque famille pour Noël.
- La coordination des mathématiques et des autres disciplines doit chercher à replacer les mathématiques dans l’enseignement conformément à leur place dans l’ensemble des activités humaines, en remarquant que l’enseignement des mathématiques à des élèves sans passé manuel ni intellectuel conduit à la déception et à l’échec.
- Il n’appartient pas au prof de maths de préparer les enfants à recevoir les autres enseignements ; au contraire, le prof de maths a besoin :

  • que les élèves aient une habitude de discuter et de rédiger des récits et des descriptions ; qu’ils soient sensibles à la correction grammaticale des textes qu’ils lisent ou qu’ils rédigent ; qu’ils soient sensibles à la beauté d’un texte ; le professeur de Français doit y travailler ;
  • que les élèves aient éprouvé la nécessité d’utiliser des modèles rigoureux de représentation de l’action et abordé ces modèles ; les professeurs de sciences et d’atelier doivent y travailler ;
  • que les élèves aient une bonne conception de l’espace et une bonne perception de leurs corps dans l’espace ; les professeurs d’atelier, qui enseignent le travail réalisateur, et d’éducation physique doivent y travailler.

- Lorsqu’il en est ainsi, le professeur de mathématiques est en mesure de conduire ses élèves à dégager des concepts mathématiques efficients et riches de propriétés.
- Ce n’est en effet que par une action en retour que les autres disciplines peuvent s’appuyer sur l’enseignement des mathématiques. Mais elles le font alors avec une efficience multipliée dans des proportions considérables, car cet appui se manifeste non seulement au niveau des techniques opératoires, mais aussi au niveau du langage lui-même, c’est-à-dire à tous les moments de la discipline : exploration du monde, formation et formulation des idées, conception et réalisation des expériences, critique des méthodes, etc...
- Deux disciplines ont pour les mathématiques une importance que trop de gens nient ; j’y reviens donc :

  • les langues étrangères ; leur étude pousse l’élève à prendre quelque distance avec sa propre langue maternelle ; cette distance lui permet de prendre conscience de la notion de système de signes ; dans le même temps, elle le libère par rapport à sa propre grammaire ; tout cela est nécessaire à l’enseignement des mathématiques, et sur tous ces points, l’étude des mathématiques aura un effet bénéfique pour l’étude des langues étrangères ;
  • l’histoire ; son étude replace l’élève dans le progrès de l’humanité et lui donne une vue critique de sa société ; cette vue critique s’étend au domaine des idées, des sciences, et plus généralement de la culture, dès lors que l’étude de l’histoire comporte celle de l’histoire de la culture ; les mathématiques ont besoin de cet esprit critique et réciproquement, leur étude donnera à l’esprit critique de l’enfant des moyens incomparablement plus puissants de s’exercer.

Conclusion
- Les professeurs de mathématiques eux-mêmes répandent trop souvent une image dogmatique des mathématiques.
- Les mathématiques sont même parfois présentées comme un modèle de dogme, où l’axiome joue le rôle d’archange pourfendant l’erreur ; ou encore, ce qui n’est qu’une variante, comme un jeu dont il suffit d’expliquer les règles, l’acceptation de ces règles étant pure affaire de décision, de « bonne volonté ».
- Je m’élève contre cette conception contraire à la vie même des mathématiques.
- Un axiome est, certes, posé dans le but de servir de base au raisonnement mathématique ; mais ce serait mutiler le mathématicien que de prétendre que l’acte de poser un axiome est purement arbitraire ; quand un mathématicien pose un axiome, il le fait pour une série de raisons qui tiennent souvent à la nécessité d’apporter une contribution mathématique à la solution d’un problème plus vaste, issu du développement des autres sciences.
- Les mathématiques ne sont ni un dogme, ni un jeu gratuit.
- Les mathématiques sont une activité humaine.
- Toulouse, le 27 janvier 1977

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