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Nicolas Sarkozy réécrit l’histoire de la France

Sur l’encadrement idéologique

jeudi 31 janvier 2008, par Jean-Pierre Combe

- Nous l’avons vu dans Les œillères papistes de Nicolas Sarkozy [1] : de nombreuses sources ont alimenté la formation de la culture française, et de nombreuses sources, dont certaines ont été ouvertes en son sein, ont alimenté son développement ; mais Monsieur Sarkozy ne mentionne que l’une d’elles, la religion catholique, apostolique et romaine, qui n’est ni la première, ni la principale, ni la plus essentielle, ni la plus profonde, ni la plus féconde.

- Certes l’Eglise catholique, apostolique et romaine a longuement forniqué avec les dynasties mérovingienne et carolingienne des rois francs, jusqu’à faire naître le royaume de France, mais ce royaume n’a jamais été la France. Ce sont les sujets de ce royaume qui ont fait la France, et pour cela, ils ont détruit le royaume : tel est le sens de la Révolution française.
- Que signifie donc que le président de la République proclame la France fille aînée de l’Eglise catholique, apostolique et romaine ? Pourquoi et à quelle fin proclame-t-il cette contre-vérité ?
- Voyons quels sont les moments essentiels du développement de Monsieur Sarkozy.
- J’ai montré dans mon article Les œillères papistes de Nicolas Sarkozy qu’il réduit d’abord la réalité de notre culture et de notre histoire à un schéma sans grande consistance : c’est le deuxième moment de son raisonnement.
- Car son premier moment est de faire de son discours une déclaration d’allégeance au Pape et au gouvernement de l’Eglise catholique romaine : cette allégeance s’exprime notamment par son adhésion au projet de voyage du Pape en France, par ses nombreux saluts aux écrivains français du catholicisme romain, par son éloge de la vocation qui est l’occasion de rapprocher sans humilité excessive sa personne de la personne des cardinaux, par son éloge des congrégations, et par son engagement personnel à soutenir l’Eglise romaine partout où elle agira...
- En vérité, dans son discours fait au Vatican, Monsieur Sarkozy réduit l’histoire de notre pays à l’histoire des allégeances faites au Pape par les rois d’autrefois, ainsi que par diverses personnalités influencées par la haute Eglise romaine.
- Président de la République française, Monsieur Sarkozy ne peut se dispenser de traiter de la laïcité. Elle est incontournable, et il constate qu’elle l’est en effet en France. Mais dans le développement de ses thèses, il fait d’elle une présentation mensongère.
- Il dit d’abord, en effet, que la mise en œuvre de la laïcité en France aurait fait souffrir les catholiques, non seulement après l’année 1905, où fut votée la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, mais aussi avant. Il reconnaît ainsi que la mise en laïcité des institutions publiques était depuis longtemps un problème en France.
- Et en effet c’est le peuple des sujets du roi de France qui a posé ce problème plus d’un siècle auparavant en détruisant le royaume, en faisant la Révolution, et en posant en principe que la République soit l’institution de tous les citoyens, ce qui interdit son inféodation à quelque Eglise que ce soit ; or, il en était des révolutionnaires comme de tous les membres de ce peuple : les catholiques étaient majoritaires parmi eux ; l’effet de la Révolution était d’assigner à la République d’accepter qu’un protestant ou un juif soit l’égal en droits d’un catholique, ce que les rois avaient toujours refusé, et de rejeter la contrainte que l’inféodation du roi et des aristocrates au gouvernement de l’Eglise de Rome avait toujours fait peser sur les paysans catholiques.
- La vérité est que la mise en œuvre de la laïcité n’a pas fait souffrir les catholiques : elle n’a jamais fait obstacle ni à l’exercice de leur culte, ni à l’expression de leur foi. Ce qui les a fait souffrir, c’est l’embrigadement qu’ils subissaient sans cesse de la part des dignitaires de l’Eglise, et ce sont les mensonges que ces dignitaires déversaient sur la laïcité pour la détruire.
- Les dignitaires de l’Eglise, en effet, se servaient des croyants pour défendre les privilèges temporels que la présence catholique dans la Maison du Roi, puis dans l’Etat bourgeois, assurait à la haute Eglise romaine : accepterons-nous que Monsieur Sarkozy relance ces mensonges et renouvelle cet embrigadement ?
- Monsieur Sarkozy ment en disant que l’interprétation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat comme un texte de liberté serait une reconstruction rétrospective du passé : cette loi est réellement un texte de liberté pour les catholiques, pour les croyants de toutes les religions, pour les agnostiques et pour les athées : de très nombreux catholiques l’ont très vite compris et reconnu en rejetant et en refusant l’embrigadement au service du clergé.
- En fait, les seuls catholiques qui aient « souffert » de la mise en œuvre de la laïcité sont les prêtres d’autorité et les dignitaires qui se servaient de l’Etat : ceux-ci occupaient et occupent encore une place prépondérante dans l’Eglise romaine, et nous, citoyens français de toutes religions et sans religion, nous avons le droit de poser la question : Une religion, a-t-elle besoin que l’Etat la serve ?
- Et nous avons le droit de rappeler que c’est précisément à cette question que la loi de séparation des Eglises et de l’Etat répond NON ! Toute religion est chose privée, qui ne concerne que la conscience de l’individu, et dont les rites, même collectifs et publics, restent privés. Nulle contrainte sur autrui ne peut trouver de justification ni dans la foi religieuse, ni dans les rites religieux.
- Cette réponse n’est pas une reconstruction rétrospective du passé : c’est la règle laïque que la loi de séparation des Eglises et de l’Etat a mise en forme, et c’est en même temps la raison qui fait de la laïcité une nécessité dans tous les pays, petits ou grands, où vivent et doivent travailler ensemble des femmes et des hommes de religions différentes ou sans religion.
- Mais Monsieur Sarkozy ne s’en soucie pas : ce qu’il veut, c’est faire admettre ses mensonges en guise de vérités. Alors, il en rajoute : selon lui, la laïcité aurait tenté de nier le passé, d’ignorer l’héritage éthique, spirituel, religieux de l’histoire nationale. Par ce mensonge, il justifie sa volonté de « valoriser les racines chrétiennes » en « défendant la laïcité » dont il assure le Pape qu’elle est « enfin parvenue à maturité ». Comme une bonne poire juste à point pour être cueillie ?
- Ce qui se montre ici, c’est que Monsieur Sarkozy milite pour rechristianiser la France.
- Que dit-il de l’avenir de cette France rechristianisée ?
- Il commente d’abord le passé : selon lui, l’Europe a tout expérimenté des suites des Lumières philosophiques, se fourvoyant gravement dans le nazisme et le communisme : toutes ces expériences auraient échoué, « n’ayant pas comblé le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l’existence », « n’ayant pas répondu aux questions fondamentales sur la vie et sur le mystère de la mort, ni su expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui se passe après la mort ». Monsieur Sarkozy croit avoir ainsi dressé un constat d’échec des Lumières philosophiques : il les rejette alors et croit que ce rejet a effacé la Révolution Française de notre histoire ; il n’est pas le premier à procéder ainsi : déjà, le théoricien du nazisme Alfred Rosenberg, prononçant un discours à Paris, au Palais Bourbon, devant la Chambre des Députés réunie le 11 novembre 1940, avait proclamé l’extinction des Lumières philosophiques et la mise aux oubliettes de la Révolution française. Aussitôt, Georges Politzer avait réfuté les thèses racistes d’Alfred Rosenberg dans ses ouvrages l’obscurantisme au 20è siècle [2] et Révolution et contre-révolution au 20è siècle [3], et Gabriel Péri, dans Non, le nazisme n’est pas le socialisme [4], avait mis la réalité du nazisme en lumière, placé la théorie raciste en regard de l’oeuvre des racistes. La parfaite collaboration des fonctionnaires de l’empire raciste (nazi-fasciste) et de leur grand vassal Philippe Pétain leur a permis d’arrêter et de tuer ces deux auteurs tous deux communistes, Gabriel Péri en décembre 1941 et Georges Politzer en mai 1942 : ils étaient coupables d’avoir combattu le racisme.
- Ainsi donc, Monsieur Sarkozy fait table rase du passé de l’Europe. Puis, il reprend le discours du pape Benoît seize, s’abritant ainsi derrière lui : « l’homme a évidemment besoin d’espérer quelque chose d’infini » et d’inaccessible... Monsieur Sarkozy donne alors deux définitions métaphysiques : le fait spirituel serait la tendance de tous les hommes à rechercher une transcendance, le fait religieux, la réponse des religieux à cette aspiration.
- Satisfait de ces définitions, Monsieur Sarkozy bat la coulpe de la République laïque (c’est sa faute, c’est sa faute, c’est sa très grande faute !), fautive selon lui devant l’Eglise romaine d’avoir « sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle » et « longtemps refusé le dialogue institutionnel régulier avec l’Eglise catholique ». Selon Monsieur Sarkozy, il faut croire pour connaître l’espérance, et la raréfaction des vocations de prêtres catholiques « n’a pas rendu les Français plus heureux ». Peu lui importe qu’elle ne les ait pas non plus rendus plus malheureux : ce qu’il veut, c’est rechristianiser la France !
- Mais la tradition séculaire des instituteurs de notre école publique inspire aux Français trop d’affectueux respect et trop de gratitude : c’est un point faible de la politique de Monsieur Sarkozy ; afin de se renforcer de ce côté, il recourt à l’humiliation et à l’insulte. Il dit au Pape : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »
- Cette phrase prononcée par Monsieur Sarkozy est d’une particulière importance : par elle en effet,

  • il humilie explicitement et gravement les instituteurs de notre école publique devant les curés et les pasteurs ;
    - pour mieux les humilier, il les insulte ;
    - il jette un soupçon grave sur tous ceux des Français qui n’ont pas écouté les leçons d’un curé ou d’un pasteur, en prétendant qu’ils ne savent pas vraiment quelle est la différence entre le bien et le mal ;
    - en vérité, par cette grave accusation, Monsieur Sarkozy met la police sur la piste de chacun des Français qui ne sont membres d’aucune religion ; il le fait a priori, sans attendre l’occasion d’un crime, d’un délit, d’une contravention...

- Monsieur Sarkozy, est-il seulement capable d’être un honnête président de la République ?
- Moi, je dis qu’il devrait être chassé de l’Elysée !
- Mais ce n’est pas tout : le moment lui semble venu d’en finir avec la laïcité : l’ayant ainsi accusée du crime de lèse-papisme, il en vient aux réquisitions : il veut « adosser » la morale laïque à « une espérance comblant l’aspiration à l’infini, afin qu’elle s’inspire de la morale religieuse ».
- Ici, adosser signifie bien évidemment soumettre, et, il l’a dit au Pape, Monsieur Sarkozy aspire à être comblé par la religion du pape du Vatican : la laïcité sera donc sous tutelle papiste.
- Mais il y a encore dans notre culture une composante vigoureuse : le scepticisme. Monsieur Sarkozy est avocat : il sait qu’il n’a pas de preuve pour vaincre le scepticisme.
- Faute de pouvoir prouver sa thèse, il alourdit son argument. Selon lui, une morale dépourvue de liens avec la transcendance serait exposée à la contingence historique et à la facilité. Il prétend voir venir le danger que les humains fassent ce qu’ils peuvent et n’essaient plus de faire ce qu’ils doivent... Mais qui assigne le devoir ? Monsieur Sarkozy fait allégeance au Pape : c’est le Pape qui fixera le devoir...
- Avec, pour le troupeau vulgaire, un devoir d’obéïssance infinie...
- Comme sous l’Ancien Régime ! Ou même pire...
- Toujours pour alourdir son argument, Monsieur Sarkozy avoue que dans son rôle d’homme politique, il a besoin « que sa réflexion et sa conscience soient éclairées par des avis qui font référence à des normes et à des convictions libres des contingences immédiates ». C’est fort élégamment demander à son hôte, le Pape, de diriger sa conscience ! Ce que ce dernier est prêt à faire, parbleu ! L’Eglise catholique n’a jamais renoncé à diriger les consciences !
- Au bout de tout cela, que reste-t-il de la laïcité ? Un mot !
- Monsieur Sarkozy le reprend pour lui assigner de défendre et de promouvoir les religions : il l’appelle à « rechercher le dialogue avec les grandes religions de France, avec pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels ».
- Venant du chef d’un Etat laïc, cet appel contient une hypocrisie immense : car au fond, c’est l’Etat dont il est le chef, et non la laïcité, que Monsieur Sarkozy peut mettre à la tâche de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels : la laïcité, étant une idée, n’a pas de chef, et ne peut en avoir : un président de République laïque n’est en aucun cas le chef de la laïcité. Il n’y a plus de laïcité dans ce mot lorsque Monsieur Sarkozy l’emploie.
- Quant aux grands courants spirituels, ont-ils besoin d’un Etat pour leur faciliter la vie ?
- Certainement pas !
- Parce que l’Etat est contraignant (c’est son mode d’existence).
- Et parce que les grands courants vraiment spirituels ont besoin de la liberté de conscience, de la liberté de penser, de la liberté d’exprimer sa pensée, de toutes les libertés qui transforment les humains en citoyennes et en citoyens lorsqu’ils en jouissent.
- Reçu au Vatican, Monsieur Sarkozy a fait allégeance au Pape, mobilisé l’intégrisme catholique et relancé la croisade contre la République et contre la Révolution : Monsieur Sarkozy continue la politique qui a produit le coup d’Etat du 9 thermidor an deux de la République (27 juillet 1794), l’Empire de Napoléon Bonaparte, les royaumes de la Restauration, puis l’Empire de Louis-Napoléon Bonaparte, les guerres de conquête coloniale, la guerre impérialiste de 1914 à 1918, la non-intervention en Espagne, le pétainisme et la prétendue « collaboration avec », véritable subordination à l’occupant nazi-fasciste, les guerres coloniales du vingtième siècle, la reconquête par les bourgeoisies capitalistes de l’ancien "camp socialiste",...
- Avec lui, nous n’aurons jamais de véritable République : il faut le chasser de l’Elysée !

P.-S.

Eventuellement, retour à initiative communiste

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