Ami de l’égalité

Un obstacle à la mondialisation : la laïcité

Le colonialisme, laboratoire antilaïc

samedi 15 mars 2008, par Jean-Pierre Combe

- Lire La laïcité face à l’action antilaïque

- Rétablissons d’abord une vérité : contrairement à ce qu’écrivent les propagandistes de la réaction cléricale, les instituteurs de l’école laïque et publique, c’est-à-dire de l’école de la République, n’ont jamais été des militants anti-religieux. Du point de vue religieux, ils ressemblaient à tous les autres Français : ils étaient catholiques, protestants, juifs, agnostiques ou athées dans les mêmes proportions à très peu près.

- L’absence ou le très faible nombre de musulmans parmi nos instituteurs, alors que l’Islam occupe une très large place parmi les populations des colonies, doit attirer notre attention sur le colonialisme français.
- Par le fait du colonialisme, certains instituteurs ont eu à enseigner à des enfants des peuples colonisés dont beaucoup étaient musulmans ; beaucoup de ces instituteurs se sont attachés à dispenser aux enfants de ces peuples une instruction égale à celle que recevaient les enfants de la métropole lorsqu’ils fréquentaient l’école laïque.
- A l’approche de la défaite finale du colonialisme français, certains crurent judicieux de tourner leurs efforts en dérision : ils répandirent une plaisanterie, plus tard mise en film dans une séquence où l’on voyait un soldat noir enseigner à une classe d’enfants vietnamiens que « nos ancêtres les Gaulois avaient les cheveux blonds et les yeux bleus » !
- Cette plaisanterie n’a fait que jeter trouble et confusion et contribuer à brouiller les peuples, en détournant l’attention d’un fait général que l’on observe dans toutes les colonies allemandes, anglaises, françaises et autres : partout, le colonialisme a maintenu les peuples colonisés et les enfants de ces peuples en dehors des institutions du pays colonisateur ; et partout, il a fait usage de violence pour maintenir leur humiliation en réservant aux seuls colons et fonctionnaires envoyés de la métropole l’accès à ces institutions.
- Dans les colonies françaises, le colonialisme français faisait de chacune des institutions nationales un objet du privilège colonial : il les utilisait toutes comme autant de moyens de dominer, d’asservir et d’humilier les peuples colonisés ; ce faisant, le colonialisme français niait et reniait la République, niait et reniait la laïcité de ses institutions et dévoyait chacune d’elles ; ce reniement lui permettait de les assembler pour instituer l’administration répressive d’un empire ; la presse bourgeoise écrivait facilement au sujet de « notre empire colonial » (sic !), sans sembler s’étonner qu’une République pût bâtir un empire et régner sur lui !
- Les instituteurs laïcs appelés à servir l’empire colonial ne pouvaient manquer de ressentir ce reniement de la République et de la laïcité : leurs réactions furent diverses, allant de l’obéïssance à la révolte. La révolte pouvait n’être pas spectaculaire : elle pouvait simplement consister à accueillir dans leurs classes des enfants indigènes et à les enseigner, eux aussi, dans le respect de la laïcité. Cela nous conduit à rappeler ici que l’essentiel de l’enseignement laïc n’est pas dans une histoire mythique et outrageusement arrangée :
- L’essentiel de l’enseignement laïc est dans l’enseignement de la lecture, de l’écriture, du calcul, de premiers traits du dessin, dans la leçon de choses et dans l’observation par les élèves des métiers des femmes et des hommes qui transforment les choses de la nature en objets de la vie courante.
- Enseigner dans le respect de la laïcité n’était pas facile dans les colonies françaises : cela exigeait des instituteurs qu’ils commencent par prendre connaissance des sociétés indigènes objet de la colonisation, afin de prendre conscience du travail quotidien par lequel les femmes et les hommes indigènes produisaient les conditions de leur vie ; or, dans cette démarche essentielle de l’enseignement laïc, les autorités du régime colonial ne voyaient que fautes à sanctionner ; faire de l’école de la République un moyen d’émancipation des peuples indigènes était une faute, en effet, contre le colonialisme : le régime colonial consistait à maintenir les peuples indigènes dans une position inférieure, dans un statut humilié, nécessaire à la bonne exécution du pacte colonial ; le colonialisme devait faire durer cette humiliation, et pour cette raison, il s’opposait au recrutement des enfants indigènes dans le corps des instituteurs et dans tous les autres corps de fonctionnaires de l’état. Pour les instituteurs et autres fonctionnaires trop fidèles aux principes de la République, la mutation d’office en métropole fut l’une des plus douces des sanctions dont ils furent frappés...
- La République et toutes les valeurs qui la définissent, la laïcité, la démocratie, les Droits de l’Homme et du Citoyen, sont incompatibles avec le pacte colonial, incompatibles avec le colonialisme et avec tous les régimes économico-politiques qui continuent le colonialisme.
- Certains instituteurs ont affronté ces difficultés, obtenu de grands succès et beaucoup appris aux enfants indigènes : manifestant l’universalité de la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen, leurs enseignements ont contribué à faire naître contre le colonialisme toutes les revendications laïques et démocratiques dans les peuples indigènes ; ainsi la revendication du socialisme, qui a pu aussi se nourrir de la composante sociale de la propriété des sociétés précoloniales, lorsque le colonialisme n’avait pas réussi à la faire totalement oublier ; ainsi le mouvement communiste, qui se place dans la société réelle afin de la transformer réellement en une société socialiste. Le colonialisme n’a pas apporté de progrès aux peuples indigènes : au contraire, c’est par la lutte contre le colonialisme que les peuples indigènes ont progressé.
- Par contre, et dès ses premiers moments, le colonialisme participait au mouvement qui intégrait l’exploitation de l’être humain sur le plan mondial : ce mouvement est devenu le capitalisme mondial. Le fait est que le colonialisme a beaucoup contribué à l’élaboration des méthodes capitalistes du gouvernement des empires supranationaux : nous observons que pour contraindre les peuples, le gouvernement capitaliste mondial éradique les Lumières philosophiques et leurs conséquences spirituelles et sociales, et qu’il met en œuvre les industries et commerces destructeurs de l’humanité que sont le proxénétisme, les trafics d’armes et des drogues, qu’il enferme économiquement des régions entières, qu’il applique la violence répressive généralisée et radicalisée : toutes ces pratiques trouvent leur origine dans le colonialisme ; le colonialisme les a toutes favorisées ; les grandes bourgeoisies mondiales les ont intégrées dans le mouvement capitaliste de l’économie, les sauvant de la défaite du colonialisme avoué, et s’assurant en même temps une panoplie de moyens répressifs éprouvés, dont elles se servent abondamment pour perfectionner leurs moyens de dominer et de gouverner le monde dans leurs intérêts égoïstes. Or, ces moyens de répression sont autant d’obstacles destructeurs opposés au mouvement laïc d’organisation des sociétés, et leur mise au service du capitalisme mondial par les grandes bourgeoisies mondiales se révèle à nous par l’offensive antilaïque de grand style dont nous sommes témoins chaque jour, et pas seulement dans notre pays.

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